Vivantes : Interview de l’autrice Avril Cara

Avril Cara autrice de romans lesbiens

Bonjour Avril, peux-tu te présenter pour nos lectrices et lecteurs qui ne te connaissent pas encore. Quel est ton parcours ?

Bonjour, Isabelle. Il est toujours délicat de répondre à cette question sans passer pour une nombriliste, mais je vais tâcher de jouer le jeu ! Donc moi, c’est Avril, la trentaine et entièrement soumise à mes chats [rires]. Plus sérieusement, j’aime autant mes bêtes à poils que jongler avec les mots. D’ailleurs, j’ai tenté l’expérience d’autoéditer un roman il y a plusieurs années. Peut-être que certaines et certains d’entre vous ont déjà eu l’occasion de le lire, qui sait ? Par la suite, lors de l’ouverture du concours « Faites-nous rêver » en février 2018, Lena Clarke m’a suggéré d’y participer, à coup de multiples « Tu n’as rien à perdre ! ». Et elle a eu entièrement raison ! Sans elle, je n’aurai probablement jamais tenté de soumettre l’un de mes écrits à Reines de Cœur ! Donc j’en profite pour faire passer le message à Lena : encore merci à toi ?

Comment t’es venue l’idée de Vivantes ?

Très naturellement, en réalité ! Lors de l’appel à texte « Faites-nous rêver », l’image d’une jolie planète a de suite frétillé dans mon imaginaire et il m’était impensable d’écrire sur un autre sujet. Pour ma participation, j’allais proposer une visite guidée teintée d’aventure, c’était indiscutable ! Puis, progressivement, les personnages d’Eden, de Pandora et même de Garden ont pris place dans mon histoire comme s’il s’agissait de véritables membres de mon entourage. C’est un peu cliché de lire ce genre d’arguments de la part d’une autrice ou d’un auteur, mais je crois qu’il s’agit d’un mal qui nous habite tous : on finit toujours par percevoir nos protagonistes réellement vivants.

La science-fiction a-t-elle toujours été un genre de prédilection pour toi ? Pourquoi ce choix, d’ailleurs ?

Si c’est un genre de prédilection ? Non, pas vraiment ! Je raffole des mondes de l’imaginaire et j’aime m’y plonger lorsque j’écris, mais sans aller jusqu’à faire de la Science-Fiction ma spécialité.  C’est la première fois que je tisse une histoire au 23e siècle ! L’avantage avec la SF ou le Fantastique, c’est que l’on peut facilement justifier quelques fantaisies dans notre univers. Et je souhaitais réellement avoir carte blanche pour le créer. En plus d’écrire une histoire futuriste, je mentionne par nombreuses touches ce que devient notre planète dans quelques siècles. D’ailleurs, ça m’a attristée de voir que la réalité se rapprochait parfois de ma fiction. J’aurai préféré que certains drames écologiques ne sortent pas de mon imaginaire.

Qu’est-ce qui te captive autant dans cet univers ? Entre les vaisseaux spatiaux, la cryogénisation, l’intelligence artificielle, tu as de nombreux sujets divers et variés. As-tu fait beaucoup de recherches sur ces sujets ?

Parce que tu pensais réellement que tous ces sujets m’étaient acquis suite à de longues années d’étude en Science et Ingénierie spatiale ? [rires] Des recherches, il y en a obligatoirement lorsqu’on aborde des thèmes aussi précis et spécialisés dans des domaines que l’on ne maîtrise pas. De plus, ce n’est pas vraiment comme si les vaisseaux spatiaux appartenaient réellement à notre vie quotidienne. Après, je ne vais pas mentir : il ne s’agit pas non plus de sujets méconnus à mes yeux. J’aime les mondes de l’imaginaire et la Science-Fiction en fait partie. Certaines œuvres comme les nombreux films Aliens, les jeux vidéo Mass Effect ou la série littéraire adaptée par Netflix Altered Carbon sont incontournables et appartiennent à la culture populaire d’aujourd’hui, comme à la mienne.

Il n’y a aucun homme dans Vivantes, même l’intelligence artificielle est féminine. Est-ce volontaire ?

Heureuse de constater que ce détail ne t’a pas échappé ! En effet, j’ai voulu plonger nos lectrices et nos lecteurs dans un univers où seules les femmes sont actrices de mon histoire. À dire vrai, mon intention première n’était pas vraiment d’exclure les hommes, mais plutôt d’aborder pleinement des sujets sur la Féminité, et uniquement avec les concernées. Il est délicat d’en parler sans trop en dire et j’espère sincèrement que celles et ceux qui me liront savoureront cette découverte.

Sans trop en dévoiler de l’histoire, tu alternes la narration à chaque chapitre entre tes héroïnes. Cette différence de points de vue était-elle importante pour toi ?

Oui, elle l’était ! Même si on a pour habitude de considérer les deux personnages féminins comme les héroïnes dans les livres du genre, j’ai souhaité mettre Eden et Pandora sur un pied d’égalité en leur donnant une voix à chacune. En prenant cette décision, j’ai pu décrire les émotions et les ressentis de chacune d’elles, même lorsqu’elles étaient en désaccord et en changeant juste de chapitre. L’exercice a réellement été passionnant, surtout lorsqu’il s’agissait d’employer des tournures de phrases et un vocabulaire distinct pour différencier leur personnalité !

Contrairement aux constructions habituelles, ici tes héroïnes sont déjà en couple. Pourquoi avoir fait ce choix d’une relation déjà mise en place plutôt que d’une rencontre ?

Habituellement, on a plutôt tendance à suivre une rencontre, à découvrir ses balbutiements. Et lorsque les héroïnes se retrouvent réellement en couple, bien souvent, le livre se termine. Dans Vivantes, Eden et Pandora sont en couple depuis des années, et elles se connaissent par cœur. En conséquence, je sors du schéma usuel, mais l’histoire d’amour est toujours présente, avec parfois sa routine et les interrogations qui pointent le bout de leur nez au bout de plusieurs années de vie commune. Plus simplement, j’ai souhaité proposer une alternative aux histoires saphiques habituelles afin que les lectrices en couple puissent aussi se retrouver dans mes personnages et dans leurs questionnements.

Les deux héroïnes ont un caractère plutôt fort. C’était important pour toi qu’elles soient sur un pied d’égalité ?

Ont-elles un caractère fort ou est-ce que la situation les pousse à se surpasser ? La question se pose, n’est-ce pas ? Mais j’aime beaucoup ce que tu suggères avec ce « pied d’égalité ». Comme je l’ai dit plus haut, il était important pour moi de donner une voix à Eden et Pandora et de les traiter toutes les deux comme protagoniste, tout comme il m’était impensable d’en privilégier qu’une seule des deux. Je tenais réellement à sortir du cycle habituel du personnage fort qui protège le second en menant la barque. Finalement, je dirai que Pandora et Eden se complètent pas mal, malgré leur force.

Qu’aimerais-tu que les lectrices retiennent de ta nouvelle ? Quel message as-tu voulu véhiculer en priorité ?

Qu’il est possible de lire une histoire sans le moindre personnage masculin. [rires] Plus sérieusement, il m’est difficile de tous les énumérer sans spoiler, donc je resterai suffisamment vague pour ne pas gâcher la lecture de Vivantes. Avant tout, l’écologie est l’un des thèmes abordés qui me tient à cœur. Le sujet n’a jamais été aussi actuel depuis les incendies qui ont ravagé l’Australie et la Corse. Mais plus encore, j’ai voulu apporter un message d’espoir et rendre le dramatique merveilleux, autant que décrire l’Amour Véritable lorsqu’il navigue entre deux personnes. Probablement que mes quelques lignes présentes ici provoquent un sentiment étrange ou une vague d’incompréhension… Mais à celles et ceux qui liront ma nouvelle, revenez parcourir cette interview quand vous aurez terminé Vivantes. Et n’hésitez pas à me partager vos impressions en commentaire ou en me contactant sur les réseaux sociaux. J’ai hâte de découvrir vos ressentis et votre perception des différents événements !

As-tu d’autres projets ?

Des tas ! Mon carnet fétiche avec le logo Reines de Cœur et mes blocs-notes sont une véritable source d’anti-page-blanche ! Mais le plus important est sans conteste mon roman autoédité mentionné précédemment. Repassé entre mes mains, je l’ai remanié et des scènes inédites se sont glissées dans mon manuscrit. D’ailleurs, il paraîtrait que Quand Léa rime avec Alexia est bientôt en route pour la boîte mail de Reines de Cœur… Mais ne le dites à personne, c’est un secret !

Un commentaire sur “Vivantes : Interview de l’autrice Avril Cara

  1. Jillian Gray says:

    Aux lecteurs qui s’aventurent ici pour lire ce commentaire, si vous n’avez pas lu ce livre, passez votre chemin et revenez après l’avoir lu, ça vous gâcherait trop de choses.

    Je ne savais pas où poster ça pour ne pas spoiler, donc le mieux je me suis dit serait ici.
    Concernant l’écriture, l’alternance de la narration à la première personne, personnellement, je ne suis pas fan de ce genre de truc. Ça reste très subjectif, mais pour ma part je trouve ça assez déstabilisant, même si chaque personnage est marqué avec un caractère particulier.
    À la troisième personne, autant pas de problème, mais à la première personne… je ne sais pas c’est perturbant, et ça l’est d’autant plus que l’imagine qu’a l’un des personnages sur l’autre, est complètement diffèrent de ce qu’il est vraiment intérieurement. Je parle ici pour Pandora, ce que voit Eden ou croit savoir sur elle, est en partie faussée. Pandora cache et tait beaucoup de choses sur ses ressentis et pensées j’ai eu l’impression. Elle ne se dévoile pas totalement.

    Concernant l’histoire, j’ai adoré. L’univers dans lequel elles évoluent est tellement féérique et particulier. On sent vraiment la volonté de créer un autre monde complément délirant et surnaturel, régi selon ses propres lois. Ça change des SF ordinaires.
    Ensuite, je ne sais pas si c’est mon côté dramatique ou parano à souhait, mais je me suis doutée de la fin de l’histoire dès le début du 2e chapitre (ma compagne préfère utiliser les mots « chiante à trop réfléchir » pour me désigner quand je lis ou regarde un film/série, et je pense qu’elle n’a pas tort non plus).

    Tout d’abord c’est la couverture qui m’a titillé, avec le lotus qui représente l’élévation de l’âme, la renaissance. Ensuite seules eux deux se réveillent, Pandora est dans une sorte de déni en cherchant Eden qui a disparu, puis sa colère flambe en la retrouvant. La planète sur laquelle elles atterrissent n’est que vie et beauté, et c’est exactement comme ça que j’aurai imaginé l’autre monde également.
    À partir de là, tous les signes étaient là, malgré cette volonté de vouloir nous aiguiller vers une autre piste. Ma certitude est apparue au changement de comportement de Garden (ce nom choisi comme par hasard également lol), le marchandage avec elle pour avoir des informations, sa volonté de ne rien vouloir expliquer car il n’était pas encore temps de le faire, et surtout, l’introduction des pommes.
    J’avoue que ma théorie s’est cassée la figure avec beauté quand Eden est tombée enceinte, je me suis foutue des gifles en me disant d’arrêter de voir du dramatique de partout. Mais sur le coup, j’étais profondément dégoutée que ce ne soit vraiment pas ça ^^’.
    Alors quand est arrivée le dernier chapitre, se fut un peu la libération. C’est dramatique tout en étant magique et heureux. Tout reste possible car c’est un monde inconnu à tous, accessible seulement à ceux qui l’ont atteint. Ne dit-on pas d’ailleurs que l’enfer est sur terre, donc le paradis n’est forcément qu’ailleurs.
    L’enfant par contre a-t-il un symbolisme de renaissance ? Ou laisse-t-il à l’imaginaire le droit des possibilités qu’offre la vie après la mort ?
    D’ailleurs à la fin, les personnages prennent la connaissance de leur état en toute tranquillité et sereinement, la dernière étape, l’acceptation.

    Par contre, pourquoi cette volonté de faire cette fin alternative ? L’histoire est belle ainsi, dramatique, mais elle lui convient parfaitement. Je préfère de loin cette fin lumineuse, plutôt que l’autre qui m’apparait au contraire sombre, montrant une fois encore la noirceur de l’Homme.
    En tout cas chapeau pour cette première histoire !

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