Coming Out : Quand nos autrices se confient à leur entourage concernant… leurs romans

Coming out roman

Quand on est homosexuelle, la question du coming out revient très souvent. Comme nous l’avons expliqué, si le sujet est abordé dans certaines de nos histoires, nous voulions aussi le banaliser. Notre objectif était de rassurer. De montrer qu’il y a un « après » où d’autres questions s’imposent. Des questions très courantes sur son travail, son domicile, ses histoires d’amour, son avenir…

Un coming out de romancière à l’entourage proche

Pour autant, il y a un autre coming out que nos autrices ont dues faire. Leur coming out en tant que romancières ! Cela paraît simple et facile, quand on y pense et pourtant, ce n’est pas forcément le cas. Est-ce qu’on peut en parler librement ? Est-ce qu’on va se moquer ? Est-ce qu’on va être jugée ? Autant de questions qui tournent en tête et qui peuvent paralyser certaines. Alors hop, voici un petit florilège de leurs retours.

Merci à toutes d’avoir joué le jeu !

Les retours de chacune

Clemence Alberie - Auteure lesbienne Clémence Albérie autrice de 6h22 Place 108 et Quand Tombent les Masques

Le coming out en tant qu’auteure à, dans mon cas, connu une évolution, ma retenue ayant évolué à l’inverse proportionnelle de mon assurance [rires] ! Pour faire court, quant au début j’avouais timidement écrire des livres après quelques temps passés avec les personnes, maintenant c’est plutôt *enchantée, Clémence ALBERIE, j’écris des livres !* [rires].

Plus sérieusement, je ressens toujours énormément de fierté quand j’annonce que je suis auteure. C’est la partie *passion* de ma vie et j’ai à chaque fois des papillons dans le ventre, une sourire immense et le cœur qui s’emballe quand j’en parle. Très proche de mes parents, ma sœur et mon frère, ils ont été au courant des la première prise de contact entre Reines de Cœur et moi. Ils ont suivi l’excitation du retravail de 6h22 Place 108 et on vécu avec moi l’euphorie de sa parution en ebook puis livre papier. Concernant mes amis, je l’ai annoncé à grand renforts de clairons et trompettes, comme un paon en pleine parade [rires]. J’étais fière ! Vraiment très fière même ! Je savais qu’ils allaient l’être aussi alors je me suis fait plaisir. Pour leur dire, j’ai attendu de les voir et je leur ai fait découvrir la couverture du roman. Ils savaient déjà que quelque chose était en cours mais la couverture c’était un peu le symbole de la consécration.

Finalement la personne pour qui l’annonce de ma vie d’auteure a été la plus forte de sens c’est ma fiancée. C’est la première fois que je parle de ça mais cet article est l’occasion. J’ai rencontré Adeline à l’époque où sortait 6h22 Place 108 . Avant même que nous soyons ensemble, je lui ai parlé de ma vie d’auteure dans l’espoir total qu’elle me lise. Quant on lit 6h22 Place 108, il n’est pas difficile de comprendre que je suis quelqu’un avec un caractère très romantique. 6h22 Place 108 c’est un peu la vitrine de mes valeurs personnelles, l’amour, la famille, l’amitié, l’honnêteté, la fidélité. Lui avouer ma vie d’auteure et lui faire lire mon livre à été un moyen pour moi de combattre ma timidité et ma peur, un moyen pour me dévoiler vraiment à elle. Jetais totalement angoissée de lui dire, attendre de connaitre sa réaction, son avis, patienter pendant sa lecture. J’ai vécu une incroyable montagne russe émotionnelle. Je crois que le pari a été gagnant puisque nous allons bientôt nous marier [rires].

 

Sylvie Géroux Noir et Blanc Sylvie Géroux autrice de La Brise du Désir et Anveshan

Comme pour le Coming-out « classique », je trouve qu’il n’existe pas vraiment « un » coming-out d’autrice mais plutôt une multitude, au fur et à mesure que le temps passe.

Mes proches ont su très tôt que j’écrivais. Cependant, c’est la publication qui a semblé donner un véritable sens au mot autrice. Concernant le tout début de cette aventure, il s’agissait pour moi de publier une romance lesbienne chez Harlequin. Alors dans le genre coming-out, ça envoyait quand même du lourd. Parce qu’il faut bien se rendre compte que la romance a déjà mauvaise presse, mais Harlequin… C’est encore pire. C’est d’ailleurs un mystère ! Tout le monde connait plus ou moins Harlequin, la Maison d’édition fait fortune, mais officiellement personne n’en lit. Bref…

Mes parents, comme la famille proche, ont été ravis de la nouvelle. Je sais que c’est une grande chance que j’ai d’être soutenue de cette façon. Ma mère a d’ailleurs lu tous mes livres (même la science-fiction !). Ma compagne de l’époque m’a appelée « Froggy Cartland » pendant des mois. « Froggy » c’était pour le côté « française vivant au Royaume Uni ».  « Cartland », était en référence à Barbara, la dame aux tailleurs rose-bonbon et aux multiples petits chiens, qui a fait fortune en vendant de la romance.

En ce qui concerne les collègues et les amis, ils ont presque toujours eu l’air surpris. Ils ont trouvé ça chouette en général, mais surtout très drôle. Je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être que je n’ai pas une tête à écrire des romances ? Ou peut-être parce que je n’ai pas tellement tendance à me prendre au sérieux, moi non plus. Bref, l’accueil a été positif dans l’ensemble. J’ai quand même eu le droit aux petites réflexions du genre : « Tu écris de la romance ? Mais pourquoi ? Tu pourrais faire tellement mieux ! ». Du coup, par esprit de contradiction sans doute, je me suis consacrée un bon moment à ce genre avant de me lancer dans d’autres aventures.

En fait, chaque coming-out dépend un peu de la personne qu’on a en face de soi. Par exemple, ma voisine à Amsterdam, m’avait avoué que ça lui faisait un peu bizarre de penser que la nuit, pendant qu’elle dormait, quelqu’un au-dessus de sa tête assassinait des gens… Bon, j’étais en train d’écrire mon Thriller à l’époque ! D’ailleurs globalement, le fait que j’ai réussi à écrire un thriller dans lequel la serial killer finit par être sympathique a parfois inquiété mes proches. Je dois l’avouer !

J’ai croisé, il y a peu, un ancien chef que j’ai connu lors de mon passage à Londres et que je n’avais pas vu depuis 5 ou 6 ans. Dès qu’il m’a vue, il est venu vers moi et m’a demandé comment se passaient mes publications. J’étais limite étonnée qu’il se souvienne de moi. Mais lui, il m’a répondu : « Vous plaisantez, quelque chose comme ça, on ne l’oublie pas ! » Je suis d’un naturel optimiste, je vous l’accorde, alors je pense qu’il disait ça dans un sens positif.

L’arrivée de Reines de Cœur dans mon histoire a marqué un tournant. Une Maison d’édition lesbienne, cela intriguait un peu. On m’a demandé si je n’avais pas peur de m’enfermer, de me couper d’une partie de mon lectorat. Dans les faits, ce fut tout le contraire ! En plus, avec Reines de Cœur sont également apparus les premiers exemplaires papier de mes livres. Il ne fait aucun doute que pour certains, cela a donné un côté plus « réel » à mon statut d’autrice. Voir mon nom (d’autant que c’est mon vrai nom !) imprimé sur une couverture a convaincu certains sceptiques. Enfin, et ce fut tout de même une surprise pour moi, le fait de publier un ouvrage de science-fiction a également eu un impact sur la perception de mon travail auprès de certains proches. C’est un peu comme si sortir de la romance, en plus d’être sortie d’Harlequin et du « tout numérique », me donnait soudain une certaine « respectabilité ». Bizarre, bizarre…

Johanna David Johanna David autrice de Sacrifices

Dire que l’on a écrit un livre qui a été publié est une grande fierté, on ne va pas se mentir. L’annoncer à un proche est toutefois compliqué. Il y a un mélange d’excitation et d’appréhension face à sa réaction. Surtout quand ledit proche n’a aucune, mais alors aucune idée que vous écrivez à vos heures perdues. Isabelle a voulu faire un article sur le coming out d’auteure et le terme est idéalement choisi ! C’est un véritable coming out. Pas de retour en arrière possible ! Une fois que c’est dit, c’est dit !

C’est un peu comme quand Clark Kent avoue qu’il est Superman.

Bon, OK, dans une moindre mesure quand même ! parce qu’on ne va pas enfiler des collants et porter une cape pour aller sauver l’univers. Mais quand même ! Vous savez ce moment où tout bascule…

La réaction de ma cousine, fourchette suspendue au-dessus de son assiette, regard écarquillé : Et tu comptais me le dire quand ???

C’est l’un de mes coming out les plus drôles. Ma cousine que j’adore, ne savait pas que j’écrivais. J’ai profité d’un weekend dans le sud entre filles pour lui parler de Reines de Coeur et de cette fabuleuse aventure. L’étonnement et le petit moment de vexation passé – genre tu me l’as pas dit avant ?! – elle a été enchantée pour moi et, je crois, un peu admirative aussi.

La réaction d’une de mes amies, lorsque je lui ai envoyé un lien par sms, de l’article qu’avait fait Reines de Coeur pour la sortie de Sacrifices. Je lui avais écris « Tiens, va voir, j’ai une copine qui écrit des bouquins, ça peut t’intéresser ». Une heure plus tard j’avais 4 sms qui disaient :

  1. ah cool j’ai rien à lire en ce moment
  2. Mais attends….
  3. Johanna ????? C’est quoi ce délire ???????
  4. Mais c’est complètement ouf, c’est bien toi ????!!!!

Je crois qu’elle a été vexée de ne pas avoir été au courant avant… mais pour me faire pardonner je lui ai dédicacé le 1er roman papier de Sacrifices !

La réaction de mes parents, qui veulent le dire à tout le monde !

Ben oui… parce que les parents sont fiers. Et moi je suis tellement contente de les rendre fiers. Mais ça a certaines limites ! J’ai envie que l’écriture reste un peu mon jardin secret. Mon univers parallèle à ma vraie vie en quelque sorte. Alors je suis un peu frileuse que mes parents parlent de mes livres à leurs amis ou à la famille. Mais bon, à partir du moment où on est publiée, on accepte de se mettre un peu à nu alors… c’est le jeu ma pauvre Lucette !

Si je devais résumer, je dirais que tous mes coming out se sont bien passés, c’est un peu comme se jeter dans le vide… puis atterrir en douceur lorsque l’on reçoit de la bienveillance en retour.

Ophélie Hervet - Image noir et blanc Ophélie Hervet autrice de Nuits Blanches

En réalité, mon premier coming out en tant qu’autrice (le premier dont je me souvienne, du moins) ne vient pas de moi. Écrire et raconter des histoires a toujours été naturel, depuis que je suis enfant, et mes parents ont toujours encouragé ça. Mais il y a un évènement qui m’a marquée et a sans doute influencé durablement mon rapport à l’écriture.

Un jour, alors que nous étions en vacances à l’autre bout du pays et discutions avec des gens rencontrés quelques jours plus tôt, mon père a sorti un papier de son sac à dos. Il avait imprimé et emmené avec lui mon dernier poème, sans me le dire. Il me l’a tendu pour que je leur lise. Je ne me souviens plus de leur réaction, sans doute les encouragements enthousiastes socialement attendus. Ce qui a compté, ce jour-là, c’était de réaliser à quel point mon père était fier de ce « hobby de gamine ». Assez pour avoir prévu à l’avance d’aller chercher un de mes poèmes sur l’ordinateur, l’avoir imprimé et emmené avec lui juste au cas où il rencontrerait des gens à qui il pourrait le montrer.

Et pour moi, cette anecdote explique pourquoi je n’ai jamais eu à faire de coming out concernant mon activité d’autrice. Parce que j’ai toujours dit « j’écris » avec le même naturel que quelqu’un d’autre pourrait dire « je joue au foot » ou « je vais souvent au ciné ».

Aujourd’hui pourtant, je tente une nouvelle forme de coming out. Celle qui consiste à présenter l’écriture non comme un loisir mais comme un métier en disant « je suis autrice et vétérinaire ». Dans cet ordre. Et parfois, les gens me parlent du dernier livre qu’ils ont lu au lieu de me parler de leur chat (parfois seulement).

 

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