Extrait de la romance lesbienne La Théorie du Phoenix

nouveau livre de Clémence Albérie

Comme nous vous l’avons annoncé la semaine dernière, dans notre article, le nouveau livre de Clémence Albérie, La Théorie du Phoenix sortira le 28 octobre 2021 à 0h01.

En attendant, nous vous offrons ce petit extrait de la romance lesbienne la Théorie du Phoenix.

Extrait de la romance lesbienne la Théorie du Phoenix

— Je sais que tout peut sembler parfait pour moi, continua Alexandra sans la laisser parler. J’ai eu mon enfant, nous nous portons bien, j’ai même pu rentrer chez moi au bout de quelques jours. Mais rien ne va, je vous l’assure. Chaque matin commence par un nœud à l’estomac, une envie de pleurer, des nausées de stress et une dépendance exponentielle à la caféine. Je ne dors presque plus, ne sors plus, hormis pour faire quelques courses. Je me sens sombrer et il y a… toutes ces angoisses en permanence. Jour après jour, je pensais à vous, à cette mère qui voulait tant un enfant et qui en avait été privée. Je ne cessais de songer à vous, à comment vous alliez, comment vous supportiez tout ça. J’ai eu le fils qu’on vous a enlevé, et j’avais tellement honte de réfléchir à ça. Je sais que je suis une mauvaise maman. Je n’ai pas ce qu’il faut pour le rendre heureux. Mais il le mérite pourtant, il est si gentil et si fragile ! Il a le droit de vivre et d’avoir une chance. Moi, je ne suis pas en mesure de lui donner ça, pas comme ça.

— Madame Lenoan, je…

— Les rares moments où la maison est silencieuse, poursuivit Alexandra, qui semblait incapable de se stopper dans son argumentation désordonnée, dans l’obscurité de la nuit, allongée dans mon lit, j’imagine ce que serait ma vie si je n’étais pas aussi seule. Vous comprenez ? Comme quand on se laisse aller à se faire croire à soi-même que nos rêves peuvent se concrétiser ! Je ne sais pas si ce que je dis est clair.

— Absolument rien n’est clair ! marmonna Agathe.

— Comment expliquer… C’est comme si les fantasmes s’étaient mêlés à la réalité, me rappelant cruellement ma solitude. Plus je souffrais et plus je pensais à vous. Vous le vouliez tant et vous en avez été privée. J’ai la certitude que vous êtes une merveilleuse mère, il n’y a aucun doute là-dessus. De fil en aiguille, l’idée a germé. À défaut de pouvoir offrir une belle vie à mon fils, je peux… je peux peut-être lui donner une meilleure chance, non ? J’ai déniché votre nom, puis votre adresse, et aujourd’hui j’ai trouvé le courage de sonner.

Agathe était figée suite à cette litanie. Elle regardait la jeune femme puis son bébé alternativement et se maudissait de ne pas réussir à les chasser immédiatement. Elle aurait voulu rester impassible face à cette demande complètement farfelue, mais ce nouveau-né devant elle l’empêchait de réfléchir correctement et de se montrer raisonnable. Elle le voyait crier à pleins poumons, ballottée par une mère totalement incapable de le calmer. Bien malgré elle, Agathe finit par tendre les bras et l’intima de le lui confier. Alexandra sembla hésiter un très court instant avant de s’exécuter.

À l’instant où elle l’eut contre elle, la brune sut qu’elle avait fait le plus mauvais choix de toute son existence. Son cœur s’emballa et ses sens s’éveillèrent. Soudainement, elle n’était plus le pâle reflet d’elle-même qui survivait en errant dans sa lugubre demeure. Elle se sentait investie d’une responsabilité, celle d’une vie, celle d’un enfant. Tout son corps, tout son être était en train d’accueillir avec délivrance ce nouveau-né qui lui avait été arraché. Par réflexe, elle commença à le bercer doucement et entra dans sa maison sans plus prêter attention à autre chose que lui. Elle ne prit même pas soin de fermer sa porte, laissant à la jeune maman la possibilité de la suivre… ou non.

Tranquillement, elle longea le couloir et se rendit dans son salon pour se poser confortablement sur son canapé. Du coin de l’œil, elle aperçut Alexandra détailler les murs vides de la moindre décoration, mais préféra l’ignorer, trop occupée à apaiser le nourrisson dans ses bras. Après plusieurs minutes à s’époumoner, il finit par se calmer.

Derrière Agathe, Alexandra poussa un soupir de soulagement quand le silence se fut. La jeune maman vint s’installer à côté de la brune et se mit à la fixer en se triturant les doigts. Elle semblait ne pas savoir comment agir et la maîtresse des lieux ne fit rien pour l’aider, la laissant se débrouiller.

— Agathe, je…

Elle se tut et se rapprocha avec précaution jusqu’à être assise juste à côté d’elle.

— Vous avez réussi à le faire arrêter, dit-elle d’une voix un peu tremblotante.

— Il était trop stressé, un peu de calme et le tour est joué, expliqua doucement la brune, mais d’un ton chargé de reproches.

— C’est ma faute s’il était stressé, soupira Alexandra en baissant les yeux, visiblement consciente de ses torts.

— En effet, répondit honnêtement Agathe.

La jeune maman la regarda d’un coup, probablement choquée par son franc-parler. Elle ne s’était vraisemblablement pas préparée à faire face à quelqu’un d’aussi direct.

— N’attendez pas de moi que je vous brosse dans le sens du poil, expliqua alors la brune. Avec vos cris, vos pleurs, vos mouvements saccadés, il était normal qu’il ne soit pas détendu contre vous.

— Je ne fais pas exprès, se justifia la jeune femme, vexée. Vous croyez que j’aime ne pas être en mesure de m’occuper de mon fils ?

— Vous êtes prête à l’abandonner, alors laissez-moi le droit d’émettre des réserves.

— C’est pour son bien que je suis là aujourd’hui. J’ai beaucoup réfléchi avant de faire cette démarche. Je ne peux pas le rendre heureux seule, je suis perdue. J’aimerais pouvoir, mais je suis complètement pétrifiée par l’avenir.

— De quoi avez-vous peur ? questionna-t-elle en regardant l’enfant, incapable de comprendre comment Alexandra pouvait ne pas être comblée de l’avoir.

— De tout : que l’on ne soit que tous les deux, de ne pas savoir quoi faire, de mal faire, de l’abîmer en le touchant.

— Ce n’est qu’un bébé, répondit Agathe en câlinant sa joue. S’occuper de lui est quelque chose d’instinctif, on l’a en nous.

— Pas moi. Dominique désirait ce gosse, bon sang, à un point ! J’étais nerveuse, mais à deux, je m’en sentais le courage. Et puis il a eu… Il y a eu… Une seconde, tout va bien, et celle d’après, vous vous faites larguer sans ménagement par la personne qui vous a convaincue de vous lancer dans une aventure dont vous ne vouliez pas. Dans un moment comme ça, tout bascule et vous…

— Je connais ce sentiment ! Quand tout bascule ! la coupa sèchement Agathe. Que croyez-vous ? Que tout ne s’est pas écroulé pour moi ?

Alexandra grimaça, tortillant de plus en plus ses doigts.

— Je n’ai jamais dit ça, se défendit-elle. Je dis simplement que, tout comme vous, je n’ai pas demandé à ce que tout ça m’arrive.

— Sauf que concernant mon malheur, tout est de votre faute à vous, annonça la brune sans élever la voix, pour ne pas risquer de réveiller le bébé qu’elle tenait.

— Pardon ? s’étrangla Alexandra.

— Oubliez, soupira Agathe en câlinant le visage du petit garçon.

— Non, allez-y, quoi que vous décidiez, je pense qu’il vaut mieux mettre les choses à plat ! cria presque la jeune maman en s’agitant à nouveau.

Son fils hurla dans les bras d’Agathe et Alexandra le prit d’un coup pour essayer de le bercer.

— Arrête de pleurer, bébé, arrête de pleurer, par pitié, supplia-t-elle en commençant à faire les cent pas.

Elle semblait vouloir sincèrement bien faire, mais ses gestes, bien trop brusques, avaient l’effet contraire sur le nouveau-né qui s’époumonait de plus en plus fort.

— Bon sang, mais cessez de le ballotter ainsi, s’agaça Agathe en se levant pour le reprendre. Vous l’angoissez plus encore, insista-t-elle alors qu’Alexandra refusait de le lui laisser.

— Je n’arrive plus à supporter ses cris, il pleure tout le temps, il ne s’arrête jamais, geignit-elle d’une voix aiguë. Je ne sais pas ce que je dois faire.

— Il a peut-être faim, quand l’avez-vous nourri la dernière fois ?

— Je, heu…

Alexandra paraissait perdue et incapable de se souvenir.

— Vous plaisantez, là, s’énerva Agathe sans pour autant parler fort.

Elle faisait ça pour ne pas stresser le petit, mais avait conscience que son ton pouvait être très anxiogène.

— Non, je… Je le fais manger chaque jour, je vous assure. Je suis un peu paumée, je n’arrive plus à… chut, supplia-t-elle à son garçon qui pleurait toujours dans ses bras. Maman n’arrive plus à réfléchir.

— Bon, stop ! s’exclama alors la brune en inspirant un grand coup. On se détend, donnez-le-moi.

Alexandra hésita un bref instant avant de s’exécuter. Agathe le prit avec une infinie douceur et le cajola tranquillement. Après un moment, il commença à se calmer, criant moins fort, mais continua quand même à pleurer un peu.

— Vous le nourrissez au sein ou au biberon ? demanda la brune posément.

— Au sein ! Au sein ! s’exclama Alexandra avec enthousiasme.

— Alors, faites-le, ordonna Agathe en lui rendant son bébé avant de vite se lever pour s’éloigner.

Malgré l’aspect assez étrange de la situation, la jeune femme s’exécuta et fut heureuse quand il but avidement.

— Il mange, venez voir ! s’extasia-t-elle.

— Non merci, bafouilla la brune qui tournait le dos au canapé où était assise la blonde, croisant les bras sur sa poitrine et se tenant la plus droite et digne possible.

— Oh, allons, venez, insista Alexandra avec joie.

— Non, la coupa presque agressivement Agathe en levant ses mains brusquement au niveau de son visage sans pour autant se retourner. Je ne… Je n’ai aucune envie de vous voir allaiter votre bébé, je… C’est… Je me suis trop projetée là-dedans, je… je ne peux pas.

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Si vous n’êtes pas fan des puzzles, voici enfin la couverture révélée.

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