Vous souvenez-vous de la date de sortie de Porte 513 de Roxane Oyer ?
Le 28 août, nous vous présentions notre première romance lesbienne en prison : Porte 513 de Roxane Oyer. Le livre sera disponible sur notre site à la fois au format papier et numérique le 19 Septembre 2023 à 0h01. Du coup, vous vous souvenez un peu de tout ce dont nous avons parlé il y a deux semaines ? Une romance interdite ? Entre une gardienne de prison et une détenue ? La série anglaise Bad Girls…
Vous avez raté tous ces éléments parce que vous étiez en vacances ? Ou juste parce que vous avez oublié de passer sur le site web de Reines de Coeur cette semaine-là ? Pas de panique, nous vous avons préparé un petit cours de rattrapage.
Avant l’extrait de Porte 513, le résumé de ce roman
Déjà, petit retour en arrière pour vous donner envie de découvrir ce nouveau livre. La quatrième de couverture signée de Gaëlle, comme d’habitude. Vous allez voir, vous allez rêver de découvrir la suite de cet article. J’en suis convaincue !
Tout juste diplômée, Estelle Valdis prend son nouveau poste de lieutenante à la prison pour femmes de Rennes. Cet univers dur et fermé correspond bien à cette fille de policier au sens de l’équité et du devoir irréprochable. Loin de sa famille et de son ex, la jeune femme découvre la division 5 dont elle a la charge. Si Estelle peut compter sur son équipe qui semble partager ses valeurs, elle tente de comprendre au mieux les différents clans et d’apprendre à connaître les détenues souvent condamnées à de lourdes peines.
Parmi elles se trouve Marion, incarcérée depuis plus de quinze ans. Estelle est rapidement amenée à échanger avec la prisonnière au sujet de la gazette du centre pénitentiaire. Avec son élocution irréprochable et sa nature plutôt calme et réfléchie, Marion dénote dans cet univers carcéral. Intriguée, la lieutenante cherche à cerner la personnalité de celle qui aime tant la provoquer. Malgré sa rigueur professionnelle, Estelle laisse peu à peu Marion bousculer ses certitudes… jusqu’au point de non-retour ?
Et la couverture, vous avez vu la couverture ?
Petit rappel de la couverture. Comme le puzzle a déjà été proposé la semaine dernière, elle va être visible directement. Désolée si vous l’avez découverte via les réseaux sociaux et la « cover reveal ». Mais certaines personnes préfèrent les articles de blog. Donc il faut que je leur en donne pour leur arg… temps. Parce que ce temps de lecture doit quand même être un peu sympathique et drôle. Il faut que tout le monde passe un bon moment.
Donc, la couverture et en lien avec les échecs. Je ne veux pas trop en révéler, mais ce jeu tient une place importante dans le rapprochement entre les deux héroïnes que tout oppose. Et ce n’est pas pour rien que c’est une reine qui est représentée en gros plan avec une autre reine en flou, au fond, qui l’observe…
Arrêtons de digresser, je vous donne trop de piste sur Porte 513. Je suis en train de tout vous révéler !
L’extrait de Porte 513 de Roxane Oyer
Le voici enfin, le fameux extrait de Porte 513. Si vous avez tenu jusque-là, merci. Je laisse donc la parole à Estelle, l’héroïne inventée par Roxane Oyer.
En ce lundi matin, il est grand temps de reprendre le travail ; je m’étire lascivement en effaçant ce rêve de mon esprit avant de me lever. Ma journée de repos m’a fait du bien, au soleil, mes bras se sont même légèrement hâlés. D’un naturel plutôt mat, je ne connais pas les rougeurs des peaux claires, chose qu’enfant ma mère ne voulait pourtant pas entendre. Je me prépare et prends mon service. Je fais une ronde dans la division pour saluer mes agents en service et à vrai dire je recherche quelqu’un. Mon attention se pose sur la salle de vie où six détenues regardent la seule télévision du quartier. Ne la trouvant pas, je me rends dans le long couloir où se situent les cellules.
513, la porte est entrouverte comme les autres à cette heure de la journée, je frappe tout de même et n’entends aucune réponse. Je me permets de la pousser, Marion est là, allongée sur son lit, des écouteurs sur les oreilles, manifestement en train d’écrire.
Nos prisonnières ont certes beaucoup de temps libre, mais assez peu d’intimité ; je n’ose pas la déranger et l’observe pendant quelques secondes. Ces cheveux sont incroyables, me dis-je une nouvelle fois, estomaquée par la brillance de ce roux. Alors que je m’interroge sur la teneur de ce qu’elle rédige, elle se retourne et me fixe, interdite.
— Euh, bonjour, Marion, désolée, je ne souhaitais pas faire irruption comme cela, vous aviez l’air très concentrée et je ne voulais pas vous troubler.
Elle sourit en enlevant son casque et ses yeux caramel s’illuminent. Caramel ? Vraiment ? D’où je sors cette couleur, moi ?
— Bonjour, lieutenant, vous êtes bien la première à avoir l’idée saugrenue de vous excuser avant d’entrer dans une geôle. Le saviez-vous ?
Elle a parfaitement raison, régulièrement les surveillantes passent et vérifient les cellules. Je pourrais même retourner la pièce sans avoir besoin de me justifier. Elle semblait si paisible dans son univers que j’ai eu des scrupules à m’y incruster. Bref, à la base, je suis quand même venue pour lui parler et lui remettre une feuille.
— J’ai une bonne nouvelle pour vous, dis-je simplement.
— Je vois que vous avez enfin récupéré votre grade, dit-elle pour me charrier.
Il est vrai que je ne l’avais pas spécialement croisée les jours précédents et je souris devant cette légère provocation.
— Ah ah, oui. Mais non, ce n’est pas pour cela que je suis venue.
Elle ne dit rien, se contente de ranger ses affaires sur l’unique table de la chambre et attend que je poursuive.
— J’ai établi un planning pour vos réunions. Vous aurez une salle toutes les semaines pendant trois heures le mercredi pour le groupe du journal, j’annonce en lui tendant mon document.
— Eh bien, mille mercis, lieutenant, je suis agréablement satisfaite de voir que vous avez travaillé pour le bien-être de notre atelier. Votre prédécesseur n’ayant pas pris cette peine, je doutais fortement de vous, pour être honnête. Vous cachez bien votre jeu.
Bien qu’elle ne soit pas non plus grandiloquente dans ses remerciements, je remarque qu’elle est touchée et la reconnaissance que je lis dans ses yeux m’émeut. Qu’a-t-elle bien pu faire pour arriver ici ?
— Avez-vous pu prévenir Jeanne de ce planning ? Vous n’êtes pas sans savoir qu’elle est la responsable de notre groupe de travail.
— Oh, je pensais que vous étiez au courant, Jeanne a été admise à l’infirmerie cette nuit et il était question de la transférer à l’hôpital dans la journée.
— Diantre, non, je n’étais pas au fait. Que s’est-il passé ? s’inquiète-t-elle sincèrement.
— Je suis navrée, Marion, je ne suis pas autorisée à discuter de l’état médical d’une pensionnaire. Je suis certaine qu’en bavardant avec d’autres, vous aurez sans peine cette information.
— De ce fait, puisque somme toute, je finirai par le savoir, pourquoi ne pas me faire gagner un peu de temps en me le disant tout bonnement ?
Sa question me surprend. Cela ne semble pas être une provocation de sa part, plutôt une simple constatation.
— Parce que c’est le règlement, voilà tout.
— Et vous ne dérogez jamais au protocole, j’en suis sûre, ajoute-t-elle avec un clin d’œil.
Ce n’était pas une interrogation, elle énonce sobrement un fait. Je suis d’ordinaire assez fière de ma droiture, j’estime que si les règles existent, c’est qu’elles permettent de contribuer à maintenir l’ordre d’une société. Bien qu’elle ne m’ait fait aucun reproche, je me sens un peu bête de tenir autant à mes principes alors que je sais pertinemment que l’information a déjà fuité. Dans la salle commune, ce matin, je les entendais en discuter, donc pourquoi ne pas lui dire ? Elle m’est sympathique, certes, mais je ne serai pas celle qui colporte les rumeurs de notre division.
— J’imagine que cela fait de vous la nouvelle responsable du groupe de travail Citad’Elles, lui dis-je comme dans une interrogation.
— Rien n’est moins sûr, lieutenant, nous n’avons jamais abordé le sujet avec les filles. Jeanne s’était en quelque sorte autoproclamée présidente sans qu’il y ait véritablement de concertation. Qui sait ce qu’il ressortira de cette dictature ?
— Ah, OK, je comprends. J’ai tout de même eu le sentiment que vous étiez comme un second pour elle, donc vous devriez reprendre le flambeau.
— Dans ce cas, nous aviserons lors de la prochaine réunion. Tous mes remerciements pour le planning. Puis-je faire quelque chose d’autre pour vous ?
***
J’observe sa cellule ; sur la table, plusieurs rangées de livres trônent fièrement, une vingtaine d’ouvrages, je pense, ainsi que des cahiers et des classeurs. Cela ressemblerait plus à une chambre d’étudiante, si l’on oubliait l’aspect « lit de camp et toilettes à proximité ». Elle n’a aucune décoration au mur, aucune photo mise en évidence, simplement de la littérature.
De la même manière que je l’ai fait avec bien d’autres détenues la semaine précédente, je décide de rester un peu avec elle et d’essayer de la connaître. Il n’y a pas de généralité avec ces femmes-là, certaines parlent très ouvertement, d’autres demeurent fermées comme des huîtres. J’ai au moins la prétention de leur apporter la possibilité de s’exprimer.
— J’ai appris que vous alliez entamer le cursus de réinsertion, je lui demande soudainement, très sérieuse.
Je ne sais même pas vraiment pourquoi j’ai pris cet air grave comme si la chose était taboue, après tout, elle fait partie du circuit normal d’une incarcération. Erreur, enquête, tribunal, prison, réhabilitation. Le schéma classique. Il existe dans les établissements pénitentiaires une cellule spécifique qui accompagne les pensionnaires dans ce chemin.
— Eh oui, constate-t-elle d’une voix un peu lasse, avant d’ajouter : Je suis bientôt à la fin de mon temps parmi vous.
— Vous a-t-on expliqué ce qui allait se passer pour vous ?
— Oui, merci. Les rendez-vous avec la conseillère, les réunions hebdomadaires, le curriculum vitae à créer, l’aide à la recherche d’emploi… Je crois que je n’ignore plus rien du processus qui fera de moi une citoyenne modèle.
— Je pense que vous savez effectivement où vous mettez les pieds, lui dis-je avec un sourire.
— Pour cela, rien n’est moins sûr, lieutenant. Je doute que dans ce parcours, on apprenne réellement à vivre dehors. Il y a si longtemps que cette cellule est devenue mon domicile que je ne suis pas vraiment certaine d’être prête à la quitter.
— Depuis combien de temps êtes-vous là ?
J’ai tenté de l’amener à parler et je le regrette immédiatement quand je vois son visage se fermer. Une durée d’emprisonnement donne une idée du crime commis. On ne connaît évidemment pas les détails, pourtant cela suffit fréquemment à faire circuler les rumeurs au sein des couloirs. Pour une vingtaine d’années, on peut être certain qu’il y a eu meurtre, par exemple. J’aurais dû regarder son dossier.
Les peines pour les femmes sont cependant souvent plus courtes. On ne peut clairement pas nier l’influence du genre de l’auteur d’une exaction dans un jugement. Pour la même faute, les hommes se voient attribuer la sanction réglementaire prévue dans les manuels, et ce quasiment systématiquement. Les personnes du sexe opposé, quant à elles, bénéficient de cette image de fragilité, la détention apparaissant comme plus difficile à vivre psychologiquement pour le sexe faible. Je n’aime pas cette logique, elle fait passer les femmes pour de petites choses ayant besoin d’être protégées ou secourues. Je suis certaine que l’égalité doit se faire aussi par l’équité des peines de nos criminels.
Marion reste mutique, les yeux fixés dans le vide. Je ne sais pas si je dois interrompre sa réflexion, car elle semble si triste.
— Avez-vous des diplômes qui pourraient vous aider à trouver un emploi ? j’enchaîne pour briser le silence.
La détenue tourne le regard vers moi, reprenant pied avec la réalité, elle m’observe comme hésitant sur le fait de répondre ou non à mon interrogation.
— J’ai suivi un cursus d’études de psychologie, cependant, je ne suis pas certaine que cela me permette de décrocher un travail lors de ma sortie.
— Psychologie, ce n’est pas rien, ça, je réponds sincèrement impressionnée.
— Je n’ai aucun mérite, j’ai eu beaucoup de temps libre, explique-t-elle en désignant sa cellule.
— Vous avez appris cela ici ?
— En effet.
— Pas évident, par correspondance, j’imagine. Vous avez quel niveau d’études, du coup ?
— Un bac + 5. Mon diplôme a été validé, donc théoriquement je suis déjà psychologue, toutefois, sans exercer, il me paraît assez présomptueux de le décréter.
— C’est un énorme atout, je pense, tout de même. Vous n’êtes pas sans savoir qu’une grosse partie de la population carcérale est issue de milieux défavorisés, ce sera sans aucun doute un considérable avantage d’avoir ce type de bagage pour poursuivre votre vie.
— La commencer, plutôt, rectifie-t-elle plus pour elle-même que pour moi, me confirmant par là même son ancienneté dans ces lieux.
J’aimerais continuer à discuter, mais je sens que le sujet tabou de sa présence ici est omniprésent, et l’empêche de vraiment se livrer. Qu’à cela ne tienne, j’aurai sûrement d’autres occasions de creuser davantage, après tout, nous sommes en huis clos et il n’est pas prévu qu’elle disparaisse du jour au lendemain.
— Combien de temps vous reste-t-il à faire ?
— À peu près un an.
— Je suis certaine que d’ici là, vous aurez trouvé votre voie.
Elle me répond par un sourire et un silence s’installe, faisant s’amplifier les bruits habituels de la prison que nous n’entendions plus.
— Je comprends mieux votre intérêt pour mon échiquier, dis-je en pointant du doigt un livre sur les échecs.
— Je suis étonnée que vous jouiez, lieutenant.
— Et pourquoi cela ?
— Votre vie semble bien remplie, je suis surprise que vous preniez le temps de vous poser pour une partie.
— Cette partie que vous avez terminée était en cours depuis plus d’un mois.
— Étiez-vous les blancs ou les noirs ?
— Les noirs. Vous m’avez fait gagner.
— Vous vous en seriez très certainement sortie sans moi.
— Nous ne le saurons jamais.
— Certes. Revenez donc à l’occasion, que nous vérifiions ensemble votre véritable niveau.
Je soutiens son regard charmeur et la quitte enfin. Je n’ai pas vu le temps s’écouler et j’ai encore beaucoup à faire en ce début de journée. Je suis cependant ravie que nos pensionnaires soient si diverses et intéressantes. La semaine passée, j’ai discuté avec une potière passionnée de son travail et qui se languissait de le retrouver au plus vite. On pourrait vite oublier pour quelles raisons ces femmes sont là.
Rendez-vous le 19 septembre 2023 pour découvrir cette belle romance
Est-ce que vous avez noté dans votre agenda la date du 19 septembre 2023 ? Si ce n’est pas le cas, foncez réparer cette erreur. À bientôt sur le site !
Cet extrait m’a mis l’eau , les mots à la bouche !
Une belle partie psychologique en perspective entre 2 Reines loyales, humaines
On comprend mieux la couverture (vraiment splendide !)
Et toujours un article humoristique, j’adore ce temps en or 👸💖💖💖
Désolée pour ce commentaire un peu tardif, retour de vacances oblige… Ce « diantre » et ces dialogues d’un autre temps attise ma curiosité! Vivement le 19 Septembre pour en découvrir ce nouveau roman dans l’univers carcéral.
Je suis d’accord magnifique cette couverture (même si j’ai galéré sur le puzzle) merci pour l’explication 😃