Roman Le Troubadour Titubant de Sean Landchild
En ce début de semaine, nous vous offrons un peu de lecture. Comme nous vous le disions dans le précédent article, Le Troubadour Titubant de Seana Landchild est un livre lesbien de fantasy.
L’univers nous a immédiatement attirées et conquises. Nous avons donc choisi de vous donner un petit aperçu de l’histoire. Voici en conséquence un extrait du roman Le Troubadour Titubant. Mais avant, un petit rappel du résumé ! Comme ça, pas de surprise sur ce qui vous attend.
Résumé du roman le Troubadour Titubant
Chaque jour, Lou part chasser dans la forêt accompagnée d’Actéon, son Once des Bois. Aspirante troubadour, la jeune femme est hébergée par Heimdall en échange de ses proies et des histoires qu’elle partage, tous les soirs, à la taverne du village. Seulement, depuis quelque temps, l’inquiétude s’empare des habitants de Bourg-des-Faux. Les esprits de la forêt, ces spectres à l’haleine putride, au corps d’os et de végétaux, se rapprochent de la lisière des bois.
Au retour d’une de ses excursions, Lou apprend avec stupeur que Tekla, son amour de jeunesse, a été offerte en pâture à ces monstres. Ce sacrifice, comme de nombreux autres, a pour objectif de maintenir la menace à distance. Peu après cette découverte, la chasseuse se retrouve nez à nez avec Sasha, un esprit blessé qui se met à lui parler.
Loin d’en avoir peur, Lou décide de soigner la créature afin d’en savoir plus sur les esprits de la forêt, persuadée qu’une fois leur point faible découvert, elle pourra se venger. Mais Lou est loin de se douter que ses actes ne resteront pas sans conséquence…
Extrait du roman de Seana Landchild
Lou tenta d’échapper à l’emprise de l’esprit de la forêt, mais les sabots appuyés contre son thorax l’en empêchèrent. Elle était devenue la proie d’une chose contre laquelle elle ne pouvait se battre. Elle jeta un coup d’œil aux pinces des pattes antérieures de la créature, plus fourchues que celles d’un cerf ordinaire, qui lui interdisaient des mouvements trop brusques. Elle leva les yeux et croisa une nouvelle fois les orbites désertes, plantées au sein d’un crâne anguleux, blanc cassé, surmonté de deux grands bois entremêlés de plantes pourries. Elle provenait de là, cette odeur que Lou avait sentie.
De petites fleurs jaunes, flétries, prenaient naissance aux pivots et remontaient jusqu’aux épois, se joignant entre les deux chevillures dans une toile végétale malade. Lou avait déjà vu des esprits de la forêt, lorsque ceux-ci venaient dévorer leurs offrandes ou quand, plus risqué, elle en distinguait au cours de ses parties de chasse. Jamais elle n’avait noté chez eux une telle diversité florale alliée aux os mouvants, la plupart étant dotée de feuilles craquantes assoiffées. Celui-ci était-il malade ?
Tandis qu’elle observait la bête, Lou remarqua que celle-ci ne l’avait pas blessée. L’esprit de la forêt pesait toujours sur sa cage thoracique, mais il ne l’avait pas encore goûtée. Lou ne savait s’il s’agissait d’une bonne chose.
Voyant que la créature demeurait immobile, Lou glissa la main le long de son corps à la recherche de son couteau. Le monstre se rapprocha d’elle, l’arrêtant dans son geste. La chasseresse loucha sur les mâchoires qui se différenciaient de celle des autres cervidés par de longs crocs effilés. Sa dentition n’avait rien à envier à celle d’Actéon.
— Je sens la viande.
La respiration de Lou se bloqua dans sa gorge. L’esprit de la forêt venait de parler. Impossible. Ce ne pouvait être vrai ! Ces créatures, d’habitude aussi loquaces que la mort, ne prenaient le temps de grogner qu’en déchirant de la chair humaine. Jamais elles n’avaient prononcé le moindre son, la plus petite parole intelligible.
Paniquée, ignorant les sabots meurtriers posés sur elle, Lou tenta de se relever, mais la bête la plaqua une fois de plus au sol. La jeune femme s’effraya de sa lourde masse, pourtant essentiellement constituée d’os et de végétaux.
Le crâne de la créature s’avança davantage vers elle. Alors que Lou allait ouvrir la bouche sans savoir si elle aurait la force de crier, ce ne fut pas ses côtes ou sa gorge qui intéressa l’esprit de la forêt. Toute son attention se dirigeait vers son sac en bandoulière. Étonnée, la chasseresse vit les mâchoires saisir le bout de toile sur lequel elle était tombée.
— De la viande, répéta la chose.
Lou bougea le bras vers son sac et la créature se tendit.
— T’as faim… ? souffla inutilement la jeune femme, n’en revenant toujours pas de vivre encore.
Elle n’eut pas le temps de s’interroger davantage qu’un rugissement retentit. Actéon arriva sur sa gauche et se jeta sur l’esprit de la forêt. Ce dernier, trop surpris, le laissa l’embarquer dans sa chute. Lou se redressa en vitesse. Les babines retroussées, l’Once des Bois immobilisait la créature au sol.
— Actéon ! Éloigne-toi de lui !
Son compagnon poussa un long grondement. La chasseresse se rapprocha de lui et le tira en arrière. Il consentit à libérer l’esprit de la forêt, mais se posta devant Lou, défiant son ennemi. Se sentant plus en sécurité, la chasseresse plongea une main dans l’encolure du fauve et regarda avec plus d’attention le monstre qui l’avait attaquée. Il était blessé. L’une de ses pattes postérieures se tordait en un angle étrange, ce qui expliquait la manière qu’il avait eue de s’appuyer de tout son poids sur l’avant de son corps. Actéon ne lui avait pas infligé pareille fracture. Sa force ne pouvait briser les os d’un esprit de la forêt. Non. Autre chose en était responsable.
— T’as parlé.
Lou se maintenait à une distance raisonnable du monstre.
— Les membres de ton espèce ne parlent pas, ajouta la chasseuse, méfiante.
La bête tourna son crâne vers elle. Des fleurs décomposées chutèrent dans son mouvement pour s’échouer sur la masse informe de feuilles mortes. Elle les jaugea en silence avant de se laisser choir à terre, créant un nuage putride autour d’elle. Elle poussa un soupir et son souffle avait quelque chose de funeste.
Comme sa carcasse.
— Pas de force, répondit l’esprit de la forêt avec fatigue. Ton lapin…
Lou palpa son sac et le crâne de la bête suivit son geste. La jeune femme évalua son degré de dangerosité. Cette créature lui avait sauté dessus, mais elle l’avait surprise et semblait avoir usé de toutes ses forces pour cette unique attaque. Lou pouvait partir, rentrer à Bourg-des-Faux avec Actéon et laisser agoniser cette mauvaise rencontre. Son odeur, son état… Jusqu’alors, Lou ne savait pas que ces monstres pouvaient périr. À cet instant, elle comprit qu’ils étaient aussi mortels qu’eux.
Et que les humains réussiraient peut-être à les tuer.
— Je t’en prie.
Lou reporta son attention sur ce corps décharné. Peut-être se trompait-elle sur sa nature : elle ne ressemblait pas aux esprits de la forêt qu’elle avait déjà vus. Elle paraissait proche d’eux, mais comme l’est un renard d’un loup.
Avec un pincement au cœur, Lou ouvrit son sac en bandoulière. Espérant en recevoir une part, Actéon poussa sa main libre de son museau. La chasseresse attrapa le lapin ramené par l’once, le regarda avec regret et le lança. Le cadavre chuta sur les côtes de l’esprit de la forêt. Ce dernier le saisit entre ses crocs effilés avec une telle vitesse que Lou sut qu’il avait cru qu’elle le lui retirerait avant qu’il n’ait pu le manger. Les mâchoires dépourvues de chair broyèrent la carcasse, laquelle disparut au milieu de ce corps d’os. Curieuse, Lou tenta de suivre le cheminement de la viande, mais rien ne transparut à travers le squelette.
Son repas terminé, le crâne de l’esprit de la forêt se tourna vers elle. Lou réprima un frisson devant le regard vide et ne bougea pas, malgré les poils hérissés d’Actéon qu’elle sentait sous ses doigts.
Ils restèrent ainsi un long moment, à apprivoiser la présence de l’autre, comme si nul d’entre eux ne parvenait à comprendre cette étrange situation. Enfin, la bête se redressa.
— Je te remercie, humaine, souffla-t-elle et Lou songea soudain que cette voix avait le même ton que celle d’une femme. Tu n’avais aucune obligation de m’aider, mais tu l’as fait…
Rendez-vous le 24 Juin 2021 à 00h01 pour la sortie du roman Le Troubadour Titubant
Nous vous donnons rendez-vous pour la sortie du roman Le Troubadour Titubant le jeudi 24 juin 2021 à minuit et une minute, comme vous en avez l’habitude.
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