Interview d’Axelle Law pour Ex Human : un roman de scifi lesbienne

Blood Moon Origine d'Axelle Law

Axelle Law présente Ex Human, un roman de scifi lesbienne

Bonjour Axelle, Ex Human est ton nouveau roman. Est-ce que tu peux le présenter à nos lectrices et lecteurs ?

Bonjour, tout le monde ! L’histoire d’Ex Human se déroule dans un monde où le fossé séparant les riches et les pauvres n’a jamais été aussi grand. Les puissants s’accaparent la majorité des ressources et assoient leur pouvoir grâce aux Ex Human, des humains aux pouvoirs psychiques. Afin de s’opposer à cette tyrannie, un groupuscule se forme et crée la Résistance.

Dans ce roman, nous suivons les aventures d’Élise Shaw, une ex-résistante reconvertie en charognarde, c’est-à-dire, en pilleuse de ruine. Bien que celle-ci ait laissé la Résistance derrière elle, elle n’en a pas moins conservé leur idéologie. C’est pour cette raison que lorsqu’une ancienne camarade vient lui quémander de l’aide, elle est dans l’incapacité de refuser. Pour ses convictions et son désir de justice, Élise est prête à tous les sacrifices… Même si cela signifie devoir travailler main dans la main avec sa pire ennemie.

Depuis plusieurs années, avec Blood Moon et Dawn, tu es devenue une des voix du fantastique lesbien. Pourquoi changer pour la science-fiction ? Qu’est-ce qui t’a plu dans cet univers ?

À l’origine, j’étais surtout attachée aux personnages ou plutôt, à la dynamique entre les deux héroïnes. Avec des amies férues de l’écriture, il nous arrive de nous lancer des petits challenges/exercices pour s’amuser ou pour se motiver mutuellement à se relancer dans l’écriture. L’idée est de prendre aléatoirement un nombre de mots et de créer un récit de quelques pages qui doit impérativement les utiliser au moins une fois.

On m’avait donné comme mots : Asari, Shepard et crème glacée. Oui, la personne qui m’avait challengé n’était pas très inspirée (rires). Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, les deux premiers mots viennent d’un jeu vidéo, Mass Effect, qui se déroule dans l’espace. C’est ainsi que mes deux personnages sont nés. L’un étant une extraterrestre qui ne connaissait rien des êtres humains et l’autre, une descendante de la grande héroïne qui avait sauvé toute la galaxie. En réalité, en trois courtes pages, j’avais écrit une interaction entre elles où elles n’étaient pas du tout sur la même longueur d’onde et que souvent, quelques malentendus se glissaient.

J’ai toujours gardé cette étrange scène dans un coin de ma tête parce que je m’étais vraiment amusée à l’écrire. Et quelques années plus tard, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête de me torturer avec et que je devais leur offrir leur propre histoire. Puisque je n’ai jamais écrit d’histoire qui se déroulait dans l’espace, j’ai choisi de la faire se dérouler sur la Terre. Et puisqu’à l’origine, il s’agissait d’une histoire de science-fiction, j’ai naturellement suivi le même chemin. Avec du sable, beaucoup de sable !

Les deux héroïnes du roman Ex Human vues par Axelle Law

Peux-tu nous parler un peu d’Élise, ton héroïne qui essaie d’être elle-même et de faire le bien ? Et puis d’Echo, aussi ?

Élise est une soldate, une guerrière. Elle n’hésite jamais à entrer en action. Rester les bras croisés ne fait vraiment pas partie de son code de conduite. Elle joue souvent les dures, mais c’est pour cacher un cœur noble. Elle s’accroche à ses convictions, même si pour cela, elle se retrouve à marcher à contre-courant, à prendre des décisions difficiles ou encore, des risques irraisonnés.

À l’opposée d’Élise, Echo est une force tranquille. Elle est calme, réfléchie. Mais comme on dit, il faut toujours se méfier de l’eau qui dort. Car pour protéger ses proches, elle est prête à sévir de manière drastique. C’est également une jeune femme d’une extrême curiosité et qui, telle une éponge, absorbe toutes les informations rencontrées.

Les échanges entre Echo et Élise sont très drôles, souvent teintés d’autodérision, est-ce compliqué à écrire et à faire évoluer ?

Si j’ai bien fait le travail dans ma tête, c’est-à-dire, de définir les personnages (personnalité, objectifs, etc.), les dialogues coulent de source, ça part vraiment tout seul. C’est comme si les personnages eux-mêmes prenaient vie et que je me contentais de retranscrire leurs échanges sur papier. En tout cas, concernant Echo et Élise, écrire leur interaction m’a toujours paru fluide. J’ai plus la sensation d’avoir été spectatrice de leurs échanges et de leur évolution, que d’en être l’instigatrice, en toute honnêteté (rires). Surtout que, comme je l’ai dit plus haut, c’était leur dynamique qui me motivait à écrire ce livre.

Créer l’univers d’un roman de scifi lesbienne…

Comment on crée tout un univers avec des créatures qui n’existent pas, des règles propres et tout un écosystème ? Est-ce que c’est dur ?

L’avantage avec le fantastique ou la science-fiction, c’est que l’on a beaucoup de liberté. On peut quasi tout inventer. Peut-être parce que je lis beaucoup de romans fantastiques, de science-fiction ou de fantasy (tout ce qui touche beaucoup à l’imaginaire en soi). Mais, quand je me lance dans la création d’un univers fictif, j’ai toujours la sensation d’avoir des « bases ». Il ne reste plus qu’à broder autour, d’y mettre ma petite touche personnelle. Récupérer ce qu’on connaît, les classiques, puis mélanger le tout avec notre propre vision, nos envies.

Après, le plus dur à mon sens, c’est de rendre le tout cohérent… Ou de répondre aux questions techniques d’Isa qui m’a poussée à utiliser Google Map afin d’avoir une idée des distances réelles et de devoir me montrer plus précise dans mes descriptions ! (rires) Là, j’avoue, ça a été plutôt laborieux.

Ton livre aborde de nombreux sujets. Et notamment le besoin de s’émanciper de ses parents, même si on partage les mêmes valeurs que ces derniers. Tu peux nous en parler un peu ?

Vous allez peut-être rire, mais à aucun moment, je n’ai songé à l’émancipation vis-à-vis des parents pendant l’écriture de ce roman. C’est en lisant cette question que je me suis dit : « oh, effectivement, ça parle de ça ». (rires) Mais effectivement, l’idée était surtout de mettre en avant ce besoin de sortir de l’ombre de ses parents. De devenir son identité propre et unique sans être rattaché à celle de l’un des parents, de faire ses preuves.

Depuis sa naissance, Élise grandit dans l’ombre de sa mère, la grande héroïne qui a fondé la Résistance. Quand les gens la regardent, c’est souvent sa mère qu’ils voient. Et cette situation devient rapidement pesante pour la jeune femme qui souhaiterait être respectée pour ce qu’elle est et non, parce qu’elle est la fille d’un symbole. Elle a besoin de se défaire de cette image qui lui colle à la peau depuis toujours, même si pour cela, elle doit quitter les sentiers battus.

Un rapport complexe à la famille…

Nous avons aussi adoré ta réflexion sur ce qui fait de nous des êtres humains. C’est assez beau et poétique, finalement, l’évolution d’Echo entre le début et la fin. Peut-on dire qu’à sa façon, Sian, Dans Blood Moon L’Eveil, avait eu un parcours un peu similaire ?

Vraiment à sa façon alors. (rires) Dans la finalité, oui, Sian et Echo se ressemblent, chacune étant partie d’un monde froid et sans émotion pour avancer vers la chaleur et les sentiments. Ce qui contraste entre elles, c’est leur parcours et leurs désirs. Autant Echo s’avance sur un chemin lent, droit – j’ai même presque envie de dire fluide –, alors que la route de Sian est clairement chaotique. L’une désire découvrir la palette des émotions, ressentir chacune d’entre elles dans les moindres fibres de son corps. Tandis que l’autre fait tout son possible pour que cela ne se produise jamais.

Est-ce que tu penses que le fantastique et la science-fiction sont de bons supports pour interroger sur les valeurs du monde actuel ?

Je trouve qu’avec le fantastique ou la science-fiction, il est plus facile de pointer certains sujets tout en permettant une prise de recul avec le monde réel. Et si on nous accuse de quoi que ce soit, on sort la carte de la fiction ! (rires) Plus sérieusement, quand je lis des livres, mon objectif est de m’évader du quotidien. Du coup – oui, on pourra dire que je fais l’autruche –, mais j’évite souvent les histoires trop proches de la réalité avec des sujets d’actualité, ce qui m’empêche de me déconnecter du monde réel. Peut-être est-ce pour ça que quand j’écris, je me penche instinctivement vers du fantastique ou de la science-fiction afin de pouvoir me déconnecter également.

La représentation dans les histoires d’Axelle Law et ce roman de scifi lesbienne

On se doute qu’Echo a des origines japonaises comme son père est Ren Kano. Dans Blood Moon, Sian était chinoise, dans Girls’ Flavour, Christine était métisse. Est-ce que tu peux nous parler de l’importance de cette représentation des personnages asiatiques pour toi ?

Je ne sais pas si j’utiliserai le terme « d’important », même si autour de moi, on me dit souvent que cela devrait l’être. Pour ma part, faire intervenir des personnages de couleur, plus spécifiquement des Asiatiques, me semble naturel. Je ne sais pas si mon subconscient désire mettre cette représentation en avant ou encore, puisque je suis asiatique, je me les représente automatiquement ainsi. Dans tous les cas, lorsque je crée des personnages, il y en a certains qui deviennent systématiquement asiatiques.

Après, j’admets que lorsque je lis un livre et que j’y découvre un protagoniste asiatique, cela me fait très plaisir. Parfois c’est un peu bête, cela n’apporte pas forcément quelque chose à l’histoire ou quoi, mais la simple idée est plaisante à mon goût.

Envisages-tu de faire revenir un jour Élise et Echo dans un autre livre ? Avec peut-être d’autres personnages de ton univers ?

Même si le récit se suffit à lui-même, l’univers et les personnages qui y résident continuent de m’inspirer. J’envisage effectivement d’écrire une nouvelle histoire dans ce monde qui se déroulerait après les événements du premier tome. Les héroïnes ne seraient plus Élise et Echo, bien que celles-ci seront encore fortement présentes, mais Awena et Proxima. Les idées sont là… Reste à attendre que la machine se lance !

Tu as abordé de nombreux concepts dans Ex Human. Si les lectrices ne devaient en retenir qu’un seul dans ce roman de scifi lesbienne, tu aimerais que ce soit lequel ?

Que malgré l’adversité, il faut se montrer généreux. Non, plus sérieusement, qu’il y a beaucoup, beaucoup de sable dans le désert ! (rires) En vrai, ce que je voudrais surtout que l’on retienne de ce livre, c’est que l’on a passé un bon moment d’évasion. Je ne demande rien de plus.

Ex Human - Echo - Axelle Law - Roman de scifi lesbienne

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