Interview de Lee Winter pour la sortie de son roman Se Prendre au Jeu, connu en anglais sous le titre Breaking Character
Bonjour Lee, Se Prendre au Jeu est ton premier roman traduit en français, les lecteurs et lectrices francophones te découvrent donc pour la première fois. Peux-tu te présenter et nous en dire un peu plus sur ton parcours ?
Bonjour, chères lectrices et lecteurs français, je suis ravie de vous rencontrer. Je m’appelle Lee Winter. J’ai été journaliste dans un journal grand public pendant trente ans. La majeure partie de ma vie professionnelle a été consacrée à la rédaction et à l’édition de longs articles de fond, de portraits de personnalités et d’idées intéressantes. J’adorais ça.
J’ai commencé à écrire des fictions lesbiennes à mes heures perdues dès 2014. Et, lorsque mon journal a licencié la plupart de son personnel après un rachat, j’ai décidé que ce serait le moment idéal pour devenir une auteure à plein temps.
Aujourd’hui, je travaille et je vis chez moi, dans les collines de Perth, en Australie occidentale, avec ma petite amie depuis 22 ans, entourée d’une faune indigène indomptée, comme des perroquets, des colombes et des bandicoots (un petit marsupiau). Parfois, je contemple le jardin et je suis tellement hypnotisée que j’en oublie d’écrire !
Depuis que tu as commencé à écrire, tu as publié un livre par an. As-tu une organisation particulière pour être aussi régulière ?
Je traite l’écriture de mes livres comme un travail. J’arrive à mon bureau à huit heures, je passe toute la matinée à écrire. L’après-midi, je peux écrire davantage, ou éditer le livre de quelqu’un d’autre (c’est un métier que j’exerce en parallèle), ou encore interagir avec les lecteurs sur les réseaux sociaux.
Tes histoires sont disponibles en allemand, en anglais et maintenant en français. Lorsque tu as commencé à écrire, imaginais-tu que la littérature lesbienne te permettrait d’être aussi connue à travers le monde ?
Je n’en avais aucune idée. Avant d’écrire mon premier livre, je ne connaissais même pas le monde de l’édition lesbienne. C’est une histoire folle – je n’ai pas approché une maison d’édition avec un roman. Il y en a une qui m’a approchée !
J’avais écrit une fanfiction qui était très populaire et Astrid Ohletz, PDG d’Ylva Publishing, m’a écrit pour me demander si je voulais rédiger un roman. C’est ce que j’ai fait. Le reste appartient à l’histoire.
Mais avant cette rencontre, je ne connaissais rien à l’industrie du livre. Je n’avais aucune idée de la taille du marché, des genres, des tropes, de tout ça. J’avais beaucoup de choses à rattraper. Et maintenant, je suis stupéfaite de voir à quel point le marché est international. C’est ce que j’aime le plus.
Découvrez le concept de Se Prendre au Jeu
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre roman Se Prendre au Jeu ? Comment est née l’idée de cette histoire ?
Se Prendre au Jeu est né parce que j’ai toujours voulu proposer une histoire d’amour sur une célébrité, en allant au-delà de la façade de l’actrice réservée. Et j’ai aussi toujours souhaité écrire un livre sur les fausses relations. Je me suis dit pourquoi ne pas faire les deux en même temps ?
C’est donc l’histoire de la glaciale Elizabeth Thornton, une comédienne britannique détestée en Amérique parce qu’elle joue une méchante dans un drame hospitalier. Sa nouvelle co-star est la joyeuse Summer Hayes, une ancienne enfant-star, qui semble si « hollywoodienne » à Elizabeth qu’elle ne l’aime pas.
À la suite d’un accident, la presse leur prête une relation amoureuse. Pour aggraver les choses, Elizabeth doit continuer à faire croire qu’elle sort avec Summer afin d’obtenir un rôle qu’elle désire désespérément auprès d’un cinéaste français excentrique. La pauvre Summer a le béguin pour Elizabeth depuis des années, alors pour elle, c’est un enfer doux-amer.
Diriez-vous que la romance prend du temps à se construire dans votre histoire ? En effet, Elizabeth évolue beaucoup au contact de Summer ?
C’est une romance slow burn, oui. Summer adore Elizabeth et elle est également à l’aise avec sa propre sexualité. De son côté, Elizabeth, profondément renfermée, est tellement réservée et distante qu’elle a du mal à s’imaginer sortir avec une personne aussi ouverte et chaleureuse que Summer.
Le fait de tourner une scène d’amour avec Summer l’aide beaucoup à voir cette dernière comme la femme qu’elle est… et à tomber amoureuse d’elle.
Interview de Lee Winter : La vérité sur les reines de glace lesbiennes…
Peut-on dire qu’Elizabeth est une reine de glace et que Summer est le seul rayon de soleil capable de la faire fondre ?
Je suis célèbre pour proposer des reines de glace, donc on peut dire que l’une de mes protagonistes sera toujours une reine de glace ; la seule question est de savoir à quel point. Ce qui m’a surpris avec Elizabeth, c’est que lorsque ce livre est sorti, il y a eu un grand débat pour savoir si elle était une reine de glace ou non.
J’ai supposé que les Américains la verraient ainsi, car les Britanniques réservés et coincés qui portent des masques impénétrables sont considérés comme froids. Pour les non-Américains, elle est généralement considérée comme « simplement britannique ». Au final, je laisse les lecteurs et lectrices en décider par eux-mêmes.
Summer sait ce qu’elle veut dans la vie. Est-ce une conséquence du fait qu’elle a commencé à travailler si jeune ? A-t-elle dû se demander si c’était la vie qu’elle désirait ?
Summer était une enfant-star célèbre et ses deux parents travaillent dans l’industrie (sa mère est costumière et son père est coordinateur de cascades). À quinze ans, elle n’était pas vraiment intéressée par l’idée de poursuivre sa carrière d’actrice, car elle avait débuté des années auparavant. Mais elle a vu Elizabeth Thornton dans une pièce de théâtre, interprétant divers rôles de femmes shakespeariennes et elle a été séduite. Pas seulement par la comédienne, mais aussi par le pouvoir du jeu d’acteur. Cela l’a inspirée. À partir de ce moment-là, elle a toujours su que c’était la vie qu’elle désirait.
Elizabeth semble être une reine de glace, mais en fait elle a juste peur de souffrir et se protège du monde, n’est-ce pas ?
Là encore, il s’agit d’un débat amusant. Certaines lectrices soulignent le fait qu’elle porte un masque même dans ses moments de détente. D’ailleurs, elle n’a pas révélé à ses amis proches qu’elle est lesbienne. Elle préfère sa solitude. Elle garde ses distances avec tout le monde, y compris ses collègues.
D’un autre côté, elle pourrait simplement être introvertie. Elle a des amis et un cercle social, ce qui n’est pas courant chez les reines de glace. Cependant, pour moi, elle est britannique, réservée et se protège de toutes les horreurs relayées par les médias. Mais pour tous ceux qui font partie du monde dans lequel Elizabeth vit, elle est une reine de glace.
Une romance lesbienne avec un réalisateur français et une référence au film La Vie d’Adèle
Dans beaucoup de vos histoires, il y a des reines des glaces incomprises. Peut-on dire que c’est votre spécialité ?
Tout à fait. Je porte fièrement la couronne de « reine des reines de glace » de la littérature lesbienne.
Qu’avez-vous préféré écrire dans cette histoire et qu’avez-vous le moins aimé ?
Ce que j’ai le plus et le moins aimé est la même chose. Naviguer au cœur d’une scène de sexe sur un plateau de cinéma. Jusqu’à ce que je fasse des recherches sur ce livre et que j’apprenne ce que signifie être un acteur censé avoir une relation intime avec un inconnu sur un plateau de tournage, je n’avais jamais compris à quel point cela nécessitait d’être vulnérable. A quel point c’était un challenge. A quel point les comédiens s’exposent pour divertir les spectateurs.
J’ai effectué tellement de recherches. Écrire la scène où Summer lutte, car elle doit jouer le rôle de l’amante d’Elizabeth – alors qu’elle est tellement attirée par Elizabeth qu’elle se sent mal de tourner une scène de sexe avec elle – a été un défi puissant, difficile et intéressant.
J’ai aimé et détesté l’écrire. Maintenant, j’apprécie vraiment le résultat.
Y a-t-il quelque chose en particulier que vous aimeriez dire à vos lecteurs français ?
J’aime les Français, même si je ne suis jamais allée en France, malheureusement. Si je pouvais, je mettrais un personnage français dans chacun de mes livres. Je dois m’en empêcher, car cela commence à faire un peu bizarre de peupler mes livres américains de personnages français !
De manière générale, j’aime l’assurance avec laquelle les Français semblent habiter le monde. La façon dont ils disent : « Je suis moi, acceptez-le ou partez ». Mon réalisateur dans Se Prendre au Jeu, Jean-Claude Badour, est exactement ainsi : brillant, confiant et audacieux. Je l’aime à la folie.
Petit détail : Elizabeth a peut-être fait un commentaire prétentieux sur le cinéma français. Ne faites pas attention à elle. Je ne pense pas qu’elle était sérieuse !