Interview de Lola Keeley pour la sortie de son premier roman en français : Royale Attraction
Bonjour Lola Keeley, pouvez-vous présenter Royale Attraction à nos lectrices et lecteurs ?
Royale Attraction est l’histoire de deux femmes issues de mondes très différents qui se rencontrent de manière inattendue. Que ressent une personne qui est contre la monarchie à l’idée de rencontrer des membres de la famille royale ? Plus que cela, comment se sent-elle à l’idée de leur accorder une faveur et de se retrouver dans une situation de faux rendez-vous amoureux ? Bien sûr, ce qui commence comme une simple couverture devient très réel. Les opposés s’attirent, une sorte de romance de célébrités dans l’œil du public naît. C’est presque une histoire d’ennemies qui s’aiment (ennemies-to-lovers).
Qu’est-ce qui vous a inspiré l’idée d’écrire sur une fausse famille royale presque réelle ? Parfois, nous avions quasiment l’impression de voir les réactions de la famille royale britannique. Cet aspect très réaliste était-il délibéré ?
En vivant au Royaume-Uni, il est difficile d’échapper à la famille royale, même si on ne s’y intéresse pas particulièrement. Les membres de celle-ci occupent une place importante dans le paysage médiatique et, bien que l’institution soit plus moderne de nos jours, il était intéressant pour moi d’envisager une princesse lesbienne qui ne soit pas la prochaine à accéder au trône. Beaucoup de ces questions sont probablement dues à la couverture médiatique de Harry et Meghan, et même de William et Kate. Il est impossible de ne pas savoir ce qui se passe avec eux, et il était donc facile d’imaginer comment leur équipe de relations publiques gérerait ce genre de scénario.
Un membre de la famille royale ouvertement LGBTQIA+, un rêve envisageable ?
Pensez-vous que le monde est prêt à accepter qu’un membre de la monarchie, qu’elle soit britannique ou même espagnole, soit homosexuel ?
Je l’espère. Nous voyons dans l’histoire que ce n’est pas nouveau pour la royauté, même si cela n’a jamais été très public. Je pense que si c’était vrai, ce serait un grand pas en avant pour l’acceptation et la compréhension, notamment grâce à la visibilité quotidienne de ces institutions dans la vie publique. Il faudrait cependant une bonne dose de courage, car tout le monde se sent autorisé à faire des commentaires – comme nous l’avons vu récemment avec toutes les théories du complot autour de Kate Middleton. L’attention est intense.
Les origines de Sara et la couleur de peau de Libby jouent un rôle important dans l’histoire. Le racisme et son impact sont abordés tout au long de l’histoire, avec une réflexion en profondeur. Ce n’est pas un prétexte, c’est un sujet qui vous tient à cœur ?
Tout à fait. Nous devons simplement continuer à faire mieux lorsqu’il s’agit de raconter des histoires variées et de montrer des personnages divers. J’ai vécu à Londres pendant 15 ans, et il serait complètement irréaliste que tous les personnages d’une histoire se déroulant dans cette ville soient blancs, hétérosexuels, neurotypiques, etc.
Je ne voudrais jamais parler à la place de quelqu’un qui a vécu le racisme, mais j’espère qu’en essayant de comprendre en tant qu’amie et autrice, je peux partager un peu le fardeau de l’éducation des gens.
Dans son interview Lola Keeley explique son désir de représentation
C’est la même chose avec l’autisme, n’est-ce pas ? En fait, vous avez remercié de nombreuses personnes au début du livre et vous avez lu des manuels sur le sujet.
J’ai eu la chance de bénéficier d’une aide et de conseils précieux. Je me suis documentée autant que possible et, étant moi-même neurodivergente, je savais à quel point il était important de faire preuve de précision et d’empathie à l’égard de toute condition que j’incluais. Bien que je ne sois pas autiste moi-même, je ne peux qu’essayer de rendre justice à la représentation. Je me tromperai probablement encore, mais je suis toujours heureuse d’apprendre et de m’améliorer à chaque fois.
Sur une note plus légère, Alice est un peu la princesse parfaite, avec sa médaille d’or olympique, ses qualités athlétiques et son argent, n’est-ce pas ?
Je pense qu’il est important de faire tomber les lectrices et lecteurs en pâmoison. Nous ne voulons pas d’une princesse totalement gâtée, et c’était une façon de montrer qu’elle comprend qu’il faut travailler dur et réaliser des choses. Oui, elle a de l’argent, du pouvoir et des privilèges dont le reste d’entre nous ne peut que rêver, mais j’espère qu’Alice apparaît comme une femme sincère qui essaie au moins de comprendre les vies au-delà de la sienne. Elle ne se contente pas de faire le minimum et de se prévaloir de ses privilèges. La rencontre avec Sara ne fait que renforcer ce désir.
Le personnage de Sara, une héroïne proche de nous toutes…
Et Sara est un peu comme chacune d’entre nous, aux prises avec ses problèmes financiers, son désir de tout concilier : sa carrière, sa famille, sa vie amoureuse…
Il est important de montrer ce genre de dilemme dans les histoires parce que c’est la réalité pour beaucoup de gens. Oui, nous voulons nous évader dans un monde imaginaire où l’argent n’est pas un problème et où nous n’avons pas de responsabilités, mais la romance n’est-elle pas plus satisfaisante lorsqu’on a l’impression qu’elle pourrait vraiment se produire dans notre propre vie ? Si la vie était trop facile pour Sara, ce ne serait pas un choix aussi audacieux que d’essayer de faire sa vie avec Alice. C’est une femme courageuse et dévouée, réaliste face au monde. Mettre cela dans la balance avec le privilège royal était tout simplement trop attrayant pour moi en tant que conteuse d’histoires.
Peut-on dire que votre histoire est aussi une histoire de femmes ? Parce que les mères sont là, avec des passés riches et intéressants, et même si les pères sont mentionnés, à part James, les hommes ne sont pas très présents, n’est-ce pas ?
Les femmes seront toujours plus intéressantes à mes yeux, et leurs histoires méritent d’être racontées. Bien que j’aie quelques hommes charmants dans ma vie, j’ai l’impression qu’ils sont bien représentés partout – dans le monde du spectacle, de la politique, du sport. Raconter l’histoire d’une femme, c’est généralement aussi raconter l’histoire des femmes de sa vie. Nous comptons sur nos mères, nos amies, parfois même sur nos ex, et c’est une communauté de femmes sans laquelle beaucoup d’entre nous seraient perdues. Il existe de nombreux livres qui mettent l’accent sur les hommes, c’est pourquoi j’aime faire quelque chose de différent !
L’importance de la représentation : Interview Lola Keeley
La fin nous a tiré une larme, nous l’avouons, avec la lettre de la petite fille qui, à 13 ans, explique qu’elle a fait son coming out à ses parents grâce à vos deux héroïnes. Nous avons créé la maison d’édition principalement parce qu’il nous manquait des modèles et ce type d’histoires lorsque nous étions plus jeunes. C’est aussi pour cela que vous écrivez ?
C’est ce qui me motive le plus à écrire. J’ai la quarantaine maintenant, et j’ai grandi dans un pays qui interdisait littéralement de raconter l’histoire des homosexuels et de l’inclure dans notre éducation. Peu de ces histoires existaient lorsque j’étais plus jeune, ou du moins je ne savais pas où les chercher.
Pouvoir raconter librement ces histoires, grâce à un éditeur dévoué comme Ylva, est honnêtement l’une des plus grandes fiertés de ma vie. La romance queer et saphique, qui offre des fins heureuses et une représentation aux femmes comme moi, est vraiment un acte radical. Nous créons des histoires qui réconfortent les gens et leur permettent de s’identifier. À quel point suis-je chanceuse de pouvoir faire cela ?
C’est votre premier roman traduit en français, et nous espérons que le public l’aimera autant que nous. Qu’aimeriez-vous dire à vos lectrices et lecteurs ?
Je vous remercie d’avoir tenté votre chance avec une nouvelle autrice, et je suis ravie de voir mon histoire traduite en français. J’espère que cela ne fera qu’augmenter la satisfaction de lire au sujet de Sara et Alice. En tant que personne qui a tâté le français depuis l’âge de sept ou huit ans sans jamais le parler couramment, c’est comme une magie de voir une version française de mes mots.
La traduction est parfaite et magnifique, et j’adore pouvoir la partager avec vous tous grâce à Reines de Coeur.