Interview Seana Landchild pour le Troubadour Titubant

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Interview Seana Landchild pour son livre Le Troubadour Titubant

Bonjour, Seana. Nous sommes ravies de te retrouver avec la publication de ton premier roman chez Reines de cœur. Présente-nous Le Troubadour Titubant. De quoi parle-t-il ?

Bonjour à vous ! Je suis ravie, moi aussi. Depuis le temps que j’attendais ce moment… !

Le Troubadour Titubant est l’histoire de Lou, chasseresse et aspirante troubadour, qui évolue au sein d’un univers pour le moins anxiogène. Elle vit à Bourg-des-Faux, un endroit qui est loin d’être idyllique. Les personnes jugées « inutiles » pour la survie de l’espèce sont offertes en sacrifice à des monstres, des créatures qui empêchent les Hommes de sortir de leur prison aux allures de village. Un royaume existe, sans doute, mais personne n’en a la preuve, puisque nul n’a pu s’échapper de Bourg-des-Faux.

Vivre une véritable histoire d’amour, dans de telles circonstances, relève du miracle. Et c’est d’autant plus vrai pour Lou, qui se sent bien plus proche des animaux que de ses semblables.

Lou n’est pas très loquace, mais elle est pourtant très attachante. Pourquoi n’est-elle pas à sa place dans la société, à ton avis ?

En tant qu’unique chasseuse, Lou est la seule personne capable de sortir du village. On pourrait penser que c’est un destin tragique, pour une jeune femme d’une vingtaine d’années, et pourtant cela lui convient très bien. Elle se sent en colère, à la fois contre ce monde qui s’efforce de l’emprisonner dans une cage dorée, mais aussi envers les siens. Les homosexuels, au même titre que les individus stériles, n’ont pas le droit de vivre dans ce décor. Et Lou a horreur de l’injustice. Tout lui paraît étrangement plus simple et « normal » quand elle est dans la forêt, avec son Once des Bois, à risquer sa vie. Pourtant, on ne peut pas dire qu’elle déteste tous les êtres humains : Heimdall, le tavernier, occupe une place importante dans son cœur. Et elle finira par se sentir proche d’autres personnes qu’elle voudra protéger coûte que coûte…

Une histoire d’amour entre femmes dans un contexte de fantasy

L’histoire d’amour entre Lou et Sasha est quasi instantanée. On ne peut techniquement pas dire que ce soit l’amour au premier regard (vous comprendrez en lisant [rires]), mais est-ce que le terme « coup de foudre » serait adéquat ?

Oula ! En effet, on ne peut pas parler de véritable amour au premier regard [rires]. À mon sens, le terme « coup de foudre » n’est pas non plus approprié. Ce qui ressort de leur rencontre, outre l’aspect légèrement « violent », c’est avant tout de la fascination. C’est ce qui les relie, toutes les deux : cette sorte d’envoûtement qui les attire, l’une vers l’autre. C’est à partir de ces émotions brouillées et mêlées de crainte, et ce des deux côtés, que se tisse leur amour.

Penses-tu que ce soit un paradoxe que Lou soit aussi solitaire tout en aimant autant chanter ? Quelque part, on peut chanter pour soi, mais c’est aussi une activité qui se fait dans le partage, non ?

Il est possible, en effet, de parler de paradoxe. Son rêve est de chanter, de partager ses histoires à son peuple, mais elle a la conviction que cet avenir merveilleux ne se réalisera jamais : son métier et l’ensemble de Bourg-des-Faux l’en empêchent. Pourtant, si elle est ainsi, ce n’est pas parce qu’elle ressent de la haine envers le genre humain tout entier. Plus jeune, elle chantait pour Tekla. Elle éprouve plus de facilité à transmettre ses émotions par le biais du chant : après tout, ses ballades peuvent être sujettes à interprétation. Cela est une façon, pour elle, de « parler » de manière indirecte. Elle garde en elle trop de choses et c’est un moyen, tout compte fait très naturel pour elle, de s’exprimer.

Au fond, elle est capable de se montrer un tant soit peu sociable (cela se voit d’ailleurs, aux côtés de Sasha et d’autres personnages que je n’évoquerai pas pour ne pas spoiler). Cette solitude qui l’entoure n’est donc pas directement due à l’espèce humaine, mais aux sentiments qui parcourent les habitants de Bourg-de-Faux. Finalement, concernant Lou, c’est cette dichotomie qui la caractérise : entre désir de se libérer et souhait, qu’elle peine à s’avouer, d’être acceptée tout entière auprès des siens.

Un personnage très mystérieux et en communion avec la nature…

Sasha reste somme toute très mystérieuse. Un souhait voulu ?

Oui ! De nombreux secrets l’entourent, aussi bien en ce qui concerne son identité, son passé et son futur. C’était absolument volontaire !

Que préfères-tu chez Lou ? Et chez Sasha ?

Puisque je parlais justement de Sasha, je peux dire que ce que je préfère le plus chez elle est sa nature mystérieuse. Elle en a conscience et elle en joue. J’aime beaucoup sa personnalité (je pourrais évoquer une autre partie de son caractère qui me touche beaucoup, mais ce serait spoiler, donc je me tais !). Quant à Lou, c’est sa détermination que je préfère. D’ailleurs, Claire Some, une illustratrice de talent, lui a donné vie. J’ai tout de suite été saisie (et ravie) en discernant dans les yeux de Lou cette volonté qui brûle en elle !

On ne peut pas ne pas mentionner Actéon qui est presque un personnage principal à lui tout seul. Comment l’idée de créer Actéon t’est-elle venue ?

J’ai tendance à souvent évoquer, dans mes romans, des animaux que j’aime tout particulièrement. Outre les cerfs (ceux que je préfère par-dessus tout) et bien d’autres êtres vivants, je suis fascinée par les panthères des neiges, lesquelles m’ont inspirée pour donner vie aux Onces des Bois. J’imaginais un fauve évoluer aux côtés de Lou, bien plus grand et costaud, capable de porter un être humain sur son dos si nécessaire. En ce qui concerne son caractère, mon chat (Jaïa) a été une véritable source d’inspiration [rires].

Interview Seana Landchild pour son livre le Troubadour Titubant et ses autres créations

Ta nouvelle, Dysfonctionnements aux Enfers, s’inscrivait dans un contexte mythologique. Cette dimension se retrouve-t-elle dans Le Troubadour Titubant ? Si oui, est-ce que cela t’a influencée pour le choix des prénoms des personnages ?

Bien que Le Troubadour Titubant soit un roman de fantasy, je me suis inspirée de légendes pour créer ce monde. Par exemple, il est possible de trouver quelques références à la mythologie grecque, déjà présente dans Dysfonctionnements aux Enfers (il s’agit de clins d’œil, comme Actéon ou Ariane), laquelle côtoie les mythologies inuite, amérindienne, mais également nordique (le prénom même de Heimdall en est un exemple). Ainsi, je me suis inspirée des figures du wendigo et de l’ijiraq pour créer les esprits de la forêt.

En définitive, bien que Le Troubadour titubant soit un roman de fantasy, les noms n’ont pas du tout été inventés de toutes pièces : la plupart sont nordiques. D’autres sont en rapport direct avec la mythologie grecque. Cependant, Lou porte ce nom, simplement puisqu’il fait penser aux « loups », tandis que Sasha… eh bien, je vous laisse chercher l’étymologie très intéressante de ce prénom [rires] !

Qu’est-ce qui a été le plus agréable pour toi dans l’écriture de ce roman ?

Cela faisait très longtemps que je voulais écrire un roman avec des personnages principaux lesbiens. Seulement, j’ai toujours éprouvé des difficultés à m’y mettre, puisque j’avais le sentiment que cela me « touchait » de trop près. C’est le 16 juin 2018 que j’ai enfin eu le courage de commencer à gribouiller le plan de cette histoire. L’écriture du Royaume du Bonheur, dans lequel j’ai mis mes tripes, m’a beaucoup aidée à me lancer dans Le Troubadour Titubant (je n’y serais jamais parvenue, sinon). Ça a été un véritable défi, et c’est sans doute cela qui a été le plus agréable pour moi : me rendre compte que j’ai été capable d’aller jusqu’au bout de mes idées. Je suis très émue d’y être parvenue.

Un avenir radieux pour Seana Landchild…

Finalement, Le Troubadour Titubant est une belle ode à la nature. On ne peut pas nier l’aspect écologique qui s’en dégage. Es-tu d’accord et souhaiterais-tu développer à ce sujet ?

Je ne peux qu’être d’accord avec cette idée. La nature est très importante pour moi et voir la déforestation comme la pollution continuer à sévir m’est douloureux. Cependant, je n’ai pas écrit ce roman en pensant d’abord à sa dimension écologique. Ça s’est fait « naturellement » (sans vouloir faire de jeu de mots) et j’en ai pris conscience qu’après coup. Cela dit, je sais que j’ai tendance à en parler, dans mes écrits.

Est-ce que tu travailles actuellement sur d’autres projets ?

Oui ! J’en ai vraiment beaucoup, mais celui qui me tient le plus à cœur, parmi ceux que je dois écrire, est une romance saphique contemporaine. Comme je suis habituée à la fantasy et au fantastique, c’est encore un challenge, pour moi. J’espère le réussir, lui aussi !

Que peut-on te souhaiter pour l’avenir ?

De parvenir à relever mes nouveaux défis et de réduire le nombre de mes projets ? [rires]

Note : Seana Lanchild a mis à disposition une playlist Deezer pour les personnes aimant écouter de la musique pendant leur lecture. Vous pouvez la trouver ici : http://deezer.page.link/S7iXk1WUHDaM8jqT9

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