Aujourd’hui, nous sommes le 26 Avril 2019. Une date qui pourrait apparaître banale si elle n’était pas la journée internationale de la visibilité lesbienne ! Et oui ! Une journée pour la visibilité des femmes homosexuelles. En tant que maison d’édition publiant des histoires entre femmes, nous ne pouvions pas passer à côté.
Que diriez-vous à l’adolescente de 12-13-14 ans que vous étiez ?
Nous avons demandé à nos autrices de prendre leur clavier pour nous écrire quelques mots. Ou plutôt écrire quelques mots à l’adolescente qu’elles étaient quand elles avaient 12-13-14 ans. A cette époque on ressent toujours ce manque criant de modèle d’identification, on se sent parfois seule, isolée. Et surtout, il est très difficile de songer à un après, quand on sera plus âgé. Plusieurs ont joué le jeu et nous les en remercions du fond du coeur. Leurs textes sont profondément émouvants.
Clémence Albérie autrice de 6h22 Place 108 et Quand Tombent les Masques
Si j’avais l’occasion de parler à mon moi de 14 ans, je crois que la première chose que je *me* dirais ce serait : garde espoir, accroche-toi ! Tu verras qu’un jour la roue tourne, tu verras qu’un jour tu te sentiras à ta place. Je me rassurerais sur le fait que je ne suis pas anormale, que rien ne cloche. Je dirais à cette adolescente complexée, introvertie, pas sûre d’elle, qu’elle va se découvrir une force et une assurance qu’elle ne se soupçonne pas encore. Car elle va prendre en main sa vie et s’assumer pleinement. Un jour prochain, Clémence de 14 ans, tu vivras bien ta vie amoureuse ! Tu va rencontrer la femme de ta vie, construire une vie merveilleuse avec elle. Toute ta famille saura et tu réaliseras que tout le monde t’accepte telle que tu es. Tu découvriras que ta famille, tes amis, ne sont que bienveillance et soutien. Aujourd’hui tes peurs te paralysent, mais quand les barrières tomberont, tu auras l’incroyable surprise de découvrir que ça ne servait à rien d’avoir peur et que les chaînes tu te les étais mises toute seule.
Aie confiance, il est prochain le jour où tu seras tellement épanouie et heureuse que tu auras le sentiment de vivre sur un nuage.
Pour le moment tu te sens en décalage, un mal-être constant à l’égard de ta vie amoureuse. Tu as le sentiment de ne pas plaire, mais tu n’as pas encore compris que le problème commence par le fait que tu ne te plais pas toi-même. Aime-toi avant de chercher à aimer et être aimée. Accepte-toi pour que les autres puissent t’accepter.
Dans quelques années tu seras fière de qui tu es, je te le promets. Tu seras fière de ta fiancée, fière de ta famille, fière de ta vie. Tu t’assumeras tellement que tu écriras des livres, des romances lesbiennes dans lesquelles tu te reconnais. N’arrêtes jamais d’écrire car c’est cette passion qui va t’aider dans toutes les étapes de ta vie. C’est cette passion qui va t’aider à te comprendre, t’assumer et t’aimer.
Romane F. Boulier autrice de Kiss – De l’Autre Côté
Salut Romane,
Ça y est, tu vois la fin du collège arriver ? Tu es morte de trouille ? Ne t’inquiète pas sur ce point-là, ça va aller. Je ne te dis pas que ça va toujours être simple, mais tu es bien trop curieuse pour t’ennuyer et tout laisser tomber ! Tu vas rencontrer plein de gens très chouettes, qui resteront plus ou moins longtemps à tes côtés. Tous t’apporteront et des échecs, tu tireras toujours du bon avec le temps.
Tu vas rencontrer des filles aussi. Parce que je te le dis, oui, tu vas aimer des filles. Ça commence déjà, n’est-ce pas ? Bon… Tu vas commencer par te prendre un râteau, puis deux voire trois. Ne baisse pas les bras. Tu vas aussi vivre de belles histoires, à distance souvent. Je ne sais pas si ce sera de l’amour, mais tu en garderas de très bons souvenirs. Et puis tu finiras par tomber sur une femme géniale. Crois-moi, tu sauras la reconnaître. Dès qu’elle t’aura prise dans ses bras, tu comprendras que c’est elle et personne d’autre.
Tu sais, je ne sais pas trop quoi te donner comme conseils : tu vas te débrouiller toute seule, comme une grande. Jamais tu n’auras de doutes, jamais tu n’auras peur d’être une femme qui aime une femme. Alors oui, des fois tu vas passer des nuits à pleurer, des journées à te demander si tu vas y arriver et à avoir l’impression de partir dans tous les sens sans savoir où tu vas réellement. Mais crois-moi, dans le fond, tu seras toujours fière de la personne que tu es et de la famille qui t’entoure. N’oublie pas de leur dire que tu les aimes et prends le temps d’être là pour eux, comme ils sont là pour toi.
Sois toi, et tu verras, la vie n’est pas toujours moche ! Il y a un « après » après le collège et de belles aventures t’attendent. N’aies pas peur, remets-toi en question, ne complexe pas (jamais, vraiment) et profite.
Je t’embrasse.
Avril Cara autrice de Vivantes (à venir)
Très chère Avril,
À ton âge, on pense tout savoir. N’avoir besoin de personne. On espère grandir vite pour être enfin pris au sérieux. On a soif de liberté. De nouvelles expériences. Parmi elles, certaines te donneront le sentiment d’être incomprise. Différente. Mais n’oublie pas que rien ni personne ne te privera de mener ta vie comme tu l’entends.
Alors, ne perds pas de temps. Ne gâche pas tes années à essayer d’entrer dans une case qui ne t’appartient pas. Vis pour toi-même. Comme bon te semble et avec qui tu le désires réellement. Et le plus important, ne cherche pas à être heureuse. Sois-le.
Isabelle B. Price autrice de L’Héritage du Pouvoir – Tome 1 et Venue de Loin
Si je pouvais parler à l’adolescente que j’étais, je lui dirais de prendre confiance en elle.
Tu a des réponses, même si tu ne le sait pas encore. Parce que oui, tu as refusé de sortir avec un garçon que tu considérais comme un ami, mais sans plus. Personne n’a compris et tu n’as pas su expliquer pourquoi ce choix t’apparaissait juste. Il l’est parce que tu n’es pas attirée par les garçons, tout simplement. Tu mettras encore quelques années avant de comprendre et d’accepter ton attirance pour les femmes. Ce n’est pas grave, tu as le temps. Chacun va à son rythme.
Continue de ne pas te forcer à faire des choses qui, tu le sais, ne sont pas pour toi. Tu n’aimes pas les hommes, comme tu n’aimes pas le café, comme tu n’aimes pas l’alcool. Ce n’est pas grave, ça fait des blagues très sympas en soirée maintenant que tu as 35 ans. Promis.
Apprends à croire en toi, profite de cette période pour grandir, développer ta curiosité, découvrir d’autres horizons. La vie ne se limite pas à la ville minuscule baignée de catholicisme dans laquelle tu te trouves. Le monde est vaste, grand et les différences des autres t’enrichiront à un point que tu n’imagines pas.
Comme il n’y a pas qu’une manière d’être femme, tu découvriras, au fil des ans, qu’il n’y a pas qu’une manière d’être lesbienne.
Et juré, un jour, parler d’homosexualité, de saphisme et de lesbianisme ne te fera pas aussi mal au ventre que quand tu le diras seule pour la première fois, dans ta chambre. Rassure-toi, d’ailleurs, ton coming out se passera bien dans la famille. Tu n’as pas encore commencé à avoir terriblement peur, ça arrivera et ça te rongera quelques temps. Mais au final, ce sera simple et tu te demanderas pourquoi tu as eu si peur. Puis tu découvriras qu’on ne fait pas un seul coming out, on en fait plein, tout au long de sa vie. A la fin, tu en feras même des fois sans t’en rendre compte et tu réaliseras après que tu viens de parler de Pride avec simplicité au boulot. Si, si, tu feras tout ce chemin là, promis !
Il y a un après, après le collège, après le lycée, après l’école d’infirmière. Il y a d’autres villes, d’autres personnes, d’autres femmes qui te ressemblent.
Et il y aura une femme en particulier qui rendra ce monde autour de toi merveilleux. Aussi incroyable que cela paraisse, elle acceptera très bien ton grain de folie qui complètera parfaitement le sien !
Alors prends le temps de grandir, ça en vaut vraiment le coup.
Gabrielle Hautemer autrice des Suivantes d’Artémis (à venir)
Salut, c’est moi. Enfin, c’est toi, mais toi dans quarante ans. Je voulais te raconter un peu ce qui va se passer dans les années à venir, parce que je sais que pour le moment, tu n’as personne à qui adresser tes questions. Et comme ces questions, je les connais, je peux t’apporter quelques réponses.
Tout d’abord, tu n’es pas toute seule. Il y a plein de filles comme toi, qui elles aussi préfèrent les filles. Et tu ne les reconnaîtras pas tout de suite. Mais ça viendra. Tu vas avoir peur de ne pas être comme les autres, et chercher à te conformer à tout prix. Et c’est hélas, sans doute, une étape par laquelle tu devras passer, pour te rassurer, pour te préparer. Si tu avais 12 ans en 2019, les choses se passeraient différemment. Être lesbienne te paraîtrait bien plus courant, tu aurais accès à toutes les informations dont tu as besoin, tu trouverais facilement d’autres lesbiennes, des groupes dans lesquels tu te ferais des amies. Mais ce n’est pas le cas et il va falloir que tu attendes un moment avant que de petits miracles se produisent.
Mais ils vont arriver. Tu vas rencontrer des personnes extraordinaires, qui vont t’ouvrir de nouveaux horizons. Il va y avoir ce jour où tu vas lire par hasard dans le journal qu’un centre LGBT va ouvrir dans ta ville. Et tu iras, le jour même de l’inauguration, parce que ça sera tellement important pour toi, que tu ne pourras pas faire autrement que d’y aller, de peur de rater ta vie si tu ne le fais pas le jour même. Et tout va basculer, dans le bon sens. Tu vas trouver du soutien, une écoute, des amis. Tu vas t’épanouir. Tu vas comprendre que c’est ce qui te convient.
Rapidement va se poser la question du coming out. Pour l’instant, c’est un mot que tu ne connais même pas. Peut-être que dans quelques dizaines d’années, la question ne se posera plus du tout, parce qu’être lesbienne ne sera plus du tout « hors norme ». Tu crois que je rêve ? Tu n’as pas idée à quel point tu seras surprise. Tu vas même épouser une femme, aussi impensable que cela te paraisse pour l’instant. Et oui, ce sera normal, officiel, et accepté par la société. Pour en revenir au coming out, c’est le fait de dire qu’on est homosexuel. Et tu penses qu’on fait ça une fois pour toutes, mais hélas, ce n’est pas le cas. Il faut passer, il te faudra passer par cette case un nombre incalculable de fois. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’on prend de l’assurance, qu’on s’y est mieux préparé, qu’on a moins peur de le faire à chaque nouvelle annonce. Tu vas perdre des amis, et ça va faire super mal. Oublie-les. Tu t’en feras d’autres, bien plus précieux. Mais le plus important, c’est le moment où on le dit à sa famille. Parce qu’on n’est jamais sûr de comment ils vont réagir, et qu’il n’y a pas de filet en bas pour nous rattraper. C’est un risque tellement vertigineux que beaucoup n’osent pas le faire et restent des années « dans le placard », comme on dit. Alors, spoiler utile, toute la famille va bien accepter ton homosexualité. Tu auras le soutien indéfectible de ta sœur. Maman, ça lui fera peur, elle va culpabiliser, mais elle s’en remettra. Tu vas avoir plus de fil à retordre avec papa, toujours un peu ours. Vous allez vous faire la gueule pendant quelques mois. Puis tu vas lui écrire une lettre pour lui dire que c’est complètement con de rester en froid comme ça, et il va t’inviter à venir pour Noël en retour, avec ta première copine. Et les choses vont s’arranger. Il faudra juste leur laisser un peu de temps.
Tu vas tomber amoureuse d’un tas de filles avant de rencontrer ta première compagne. Un peu de patience. Toutes ces histoires ratées, ces déceptions, ces « malentendus », ces incertitudes (« est-elle lesbienne elle aussi ? »), qui te paraîtront bien des déboires, te forgeront une assurance sur toi-même et sur les femmes que tu préfères. C’est ce qui te permettra, lorsque tu La rencontreras, de faire le grand saut, inimaginable : quitter un mari (car tu auras d’abord choisi la conformité) (et puis parce qu’épouser son meilleur ami, ce n’est pas un bon choix à long terme, crois-moi) et une vie douillette, pour partir à l’aventure, avec une femme, dans un pays étranger dont tu ne parles pas la langue. Et tout le monde va penser que tu es folle. Mais toi, tu auras la certitude que c’est la chose à faire.
Ce sera la femme de ta vie, tu en seras sûre. Et elle va te laisser tomber. Ton cœur sera en mille morceaux. Ne perds pas courage. Tu tomberas amoureuse à nouveau. Tu auras quarante ans. Tu seras belle comme jamais. Tu auras du succès auprès des femmes. Et tu seras passée de petit canard trouillard à grande dragonne courageuse (dans le cœur de tout canard se cache un dragon, et ça tu le sais déjà, je crois). Tu auras des aventures, des liaisons, des relations plus stables. Des hauts et des bas avec tes amours. Mais plutôt des hauts, dans l’ensemble.
Et puis un jour, une autre femme va entrer dans ta vie. Tu ne l’auras pas cherchée ni séduite, comme tu le fais d’ordinaire (ça doit te paraître bizarre, mais oui, tu seras une séductrice pendant un temps). Cette femme, c’est elle qui te séduira. Tu te laisseras apprivoiser. Vous allez vouloir vivre ensemble. Et là, il va se passer un truc incroyable. Une loi va être passée en France qui permet aux homosexuels de se marier. Et ça va tomber à pic, parce que cette belle inconnue, c’est une étrangère (tu vas tout le temps tomber amoureuse de belles étrangères, et plus leur langue sera compliquée, plus leur culture différente, et plus elles te plairont). Et c’est grâce à cette loi que vous pourrez vivre ensemble comme n’importe quel autre couple. Ta famille le saura, tes voisins le sauront, tes collègues, et tes amis bien sûr… et ça sera normal pour tout le monde. Maman sera le témoin de ton épouse à ton mariage. Si, je te jure, c’est vrai.
Et puis, tu auras cinquante balais, et… ben la suite, je ne la connais pas… j’attends avec impatience la lettre de celle que nous serons à quatre-vingts ans, mais elle se fait attendre. Peut-être qu’elle est trop occupée à faire des câlins avec celle qu’elle aime. Toi, en attendant, je te serre très fort dans mes bras. Profite bien de tout ce qui t’attend.
Axelle Law autrice de Blood Moon l’Eveil et Blood Moon Origine
Ce que je dirais à mon « moi » de quatorze ans ? Strictement rien ! La pauvre, elle ne sait pas encore qu’elle est attirée par les filles, elle risquerait de paniquer. [rire] Plus concrètement, je lui dirais simplement : « Je ne te donnerai aucun conseil qui puisse changer ton comportement. J’ai tendance à croire à l’effet papillon, que les choses (bonnes ou mauvaises) arrivent pour une raison spécifique. Découvrir ton orientation sexuelle (surprise !) ne te redéfinira pas. De toute manière, tu ne t’interrogeras même pas sur le sujet et ce sera une bonne chose, car c’est tout à fait naturel. Bien sûr, je ne vais pas te mentir, le monde ne sera pas rose. Tu rencontreras ton lot de préjugés, c’est inévitable, et tu en riras pour la plupart. Hé oui, les idiots en 2019, ça existe toujours et c’est une espèce increvable. Mais les choses font petit à petit leur chemin. Les mentalités évoluent. Le meilleur est à venir ! »
Non, je déconne ! En vrai, tout ce qui l’intéressera, c’est de savoir si elle finira un jour sur un bûcher. Je lui dirais que pour le moment, ce n’était pas encore le cas et que je devrais peut-être aller toucher du bois. Ou pas après réflexion…
Oh, j’en oublie le plus important : « Dans le futur, il y aura plein de livres lesbiens. Oui, oui, tu t’en fiches parce que tu n’as encore jamais lu un livre entier de ta vie. Mais dans quelques années, cela va changer. Tu seras même en quête de représentation lesbienne dans les films et surtout, dans les livres. Et là, tu comprendras pourquoi le futur sera vachement plus sympa. »
N’hésitez pas à partager votre propre témoignage
Comme vous avez pu le voir, ces témoignages sont réellement touchants. Nous vous invitons à partager le vôtre dans les commentaires ci-dessous. Si un ou une seule jeune de 12-13-14 ans découvre ces messages et arrive à nous croire, ce sera déjà une belle victoire ! Alors n’hésitez pas, foncez !