Difficile aujourd’hui de parler de science-fiction lesbienne sans évoquer la question de la place des femmes dans la science-fiction. Et surtout, impossible de passer à côté de l’évolution des personnages féminins dans la littérature de l’imaginaire. Petit tour d’horizon rapide.
Les origines de la science-fiction :
Définition de la science-fiction :
La science-fiction est un genre narratif qui concerne aussi bien la littérature que la cinématographie. La spécificité de ce genre est de raconter des histoires, des fictions (comme son nom l’indique) qui se déroulent dans un futur plus ou moins lointain. Pour se faire, les auteurs s’appuient sur des évolutions et avancées technologiques réelles ou imaginaires.
Il y a différents sous-genres dans la science-fiction. Par exemple, nous pouvons citer le cyberpunk, terme apparu dans les années 80 qui propose une dystopie d’univers futuriste. En résumé, dans un futur proche ou lointain, ça va mal. Les inégalités ont pu se creuser encore plus, le monde tel qu’on le connaît a été dévasté, etc… Nuits Blanches d’Ophélie Hervet appartient au genre cyberpunk.
Un autre sous-genre assez utilisé est le Space Opera. Les histoires entrant dans cette catégorie proposent des voyages interplanétaires. Les héros passent souvent beaucoup de temps dans des vaisseaux spatiaux ou à explorer des planètes inconnues. Typiquement, Anveshan de Sylvie Géroux en est un parfait exemple.
Les débuts de la science-fiction :
En écrivant cet article, je me suis retrouvée sur la page Wikipedia, bien sûr ! J’ai découvert que de manière générale, même s’il y a eu d’autres textes avant, la première histoire considérée comme précurseur de la science-fiction est l’épopée du roi Gilgamesh. Ce récit épique fait partie des œuvres les plus anciennes de l’humanité. Rien que ça ! Ce texte de la région de la Mésopotamie est écrit en akkadien et date du XVIII au XVII avant J-C. Et bien sûr, il est gravé sur des tables d’argiles.
Après, les indiens entre le XVII et le XI siècle avant JC auraient leur propre livre qui raconte des voyages dans l’espace : la collection Rigveda d’hymnes sanskrit. Si vous êtes curieuses, l’article Wikipedia est une mine d’or sur ce sujet avec les précurseurs dans de très nombreuses cultures.
Le tournant du XIXème siècle :
On mentionne souvent le XIX comme le siècle qui représente un important tournant dans la rédaction d’histoires de science-fiction. En cause, le nombre de productions plus élevées et surtout, la publication de Frankenstein de Mary Shelley en 1818. Considéré comme un chef d’œuvre gothique (premier genre littéraire dans lequel cet ouvrage sera assigné), le roman est traduit dans de nombreuses langues. Il rencontre un immense succès qui ne se dément pas, encore aujourd’hui. Il y a eu toutes les adaptations possibles et imaginables de cette œuvre et tout le monde en connaît l’histoire.
Avec ce succès, le genre jusque-là décrié par la critique obtient ses lettres de noblesse. Il n’est plus « mal vu » d’écrire ce type d’histoires. De nombreux auteurs se lancent alors avec plus ou moins de réussite. Durant la deuxième moitié du XIXème siècle, Jules Verne et H.G. Wells vont encore plus loin en mentionnant de nouvelles technologies ou en inventant des capacités extraordinaires. Leur popularité mondiale fait rapidement d’eux les pères fondateurs de ce qui va s’appeler science-fiction.
Popularisation de la science-fiction :
Après des débuts difficiles, la science-fiction obtient ses lettres d’Or. Elle se popularise vraiment au XXème siècle, notamment avec l’apparition des magazines et des films.
Les pulps magazines :
Les pulps magazines qui sont connus sous le diminutif de pulps sont des publications papier à bas coûts. Elles sont devenues très populaires sur la première moitié du XXème siècle notamment en raison de leur prix très faible et de la possibilité de lire des histoires de bons auteurs de fictions.
Ces périodiques représentent toute une époque avec leurs couvertures en couleur destinées à attirer les lecteurs dans les rayons des vendeurs. Aujourd’hui, avec l’avènement d’internet, les pulps ont quasi tous disparus.
Les films :
Le premier film de science-fiction sort en 1902. D’autres se développent et naissent rapidement tout au long du XXème siècle. L’arrivée des caméras, du maquillage, des trucages permettent de donner vie à des histoires de plus en plus complexes. L’apparition des robots, le développement de la technologie vont se retrouver dans des courts-métrages ou des longs-métrages.
La place des femmes dans la science-fiction :
Même si Mary Shelley était une femme et est considérée comme la première autrice du genre, la science-fiction a toujours été considérée comme un genre masculin. Le lectorat des pulps étant en grande majorité masculin, les magazines se sont vite focalisés sur ce public.
La place des femmes de manière générale :
Dans les années 1900, avec la popularisation de la science-fiction, le marketing se met en place pour séduire un public de plus en plus large. Les lecteurs étant en majorité des hommes, la communication se tourne vers eux. L’objectif principal, les séduire pour qu’ils achètent et consomment toujours plus.
Les auteurs sont en grande majorité des hommes, les héros également. Les femmes sont donc clairement sous-représentées ou se retrouvent victimes de deux stéréotypes majeurs.
Les stéréotypes féminins :
Le premier stéréotype est la femme comme électrochoc de l’homme pour qu’il devienne celui qu’il est réellement. En clair, si elle n’avait pas repoussé l’homme, ne l’avait pas frustré, jamais il serait devenu le héros/scientifique/explorateur/aventurier qu’il est. La femme est une pauvre nana qui n’y connait rien et n’a pas vu sa grandeur. On est un peu dans la culture Incel actuelle. L’homme est un incompris qui va se révéler.
Le second stéréotype est celui de la femme comme image sexuelle. L’objectif est de proposer une romance aguicheuse qui plaira aux lecteurs. L’homme domine la femme, il est plus intelligent, il va l’éduquer et partager une partie de son savoir. Souvent, les femmes de cette seconde catégorie apparaissaient sur les couvertures des pulps ou sur les jaquettes des VHS dans des positions aguicheuses.
L’évolution du rôle de la femme :
Puis, sur la seconde moitié du XXème siècle, la place des femmes commence à évoluer, poussée par certaines autrices et aussi par l’évolution du genre en lui-même. L’excellent article sur le site Popstock explique :
« La place des femmes dans la science-fiction est donc une représentation de la place des femmes dans le présent des créateurs, comment ils perçoivent son être et son rôle dans la société de l’époque d’écriture. S’interroger sur l’image de la femme dans les œuvres de science-fiction permet ainsi de jeter un regard sur l’évolution de la perception de la femme dans la société, sans pour autant créer un parallèle qui se voudrait exhaustif ou représentatif de l’exacte vérité de l’époque d’écriture. »
Tristan Bera sur le site Popenstock.ca
L’article de Tristan Bera est très intéressant dans le sens où il présente différents types de représentations des femmes, de la femme ingouvernable à la femme guerrière ou la femme martienne. En s’appuyant sur des exemples précis, il dresse un portrait que je vous invite à découvrir.
La science-fiction lesbienne :
Questionner la science-fiction lesbienne oblige à s’intéresser à deux sujets : la science-fiction en littérature et la littérature lesbienne. Autant vous dire qu’on manque clairement de données sur ces deux sujets. Enfin, non, on a plein de données sur la science-fiction, mais pas énormément sur la littérature lesbienne. Alors la science fiction lesbienne…
Les fanfictions :
Les premières données que j’ai retrouvées sur les histoires de science-fiction lesbiennes concernent les fanfictions. Oui, on en revient encore et toujours à ce sujet des fanfictions lesbiennes. Ca a réellement été un moyen d’expression incontournable pour les femmes à fin du XXème siècle.
Au milieu des fanfictions, les histoires centrées sur le personnage de Dana Scully, de la série X-Files sont très nombreuses. La série créée par Chris Carter proposait en effet un personnage très fort, une agent du FBI diplômée de médecine. L’interprétation de Gillian Anderson a fait l’unanimité au fil des ans. Si beaucoup de fanfictions envisagent une relation entre Scully et Mulder (le second personnage principal, mais lui masculin), d’autres se sont développées ensuite.
En effet, sur la fin de la série, Fox Mulder a été remplacé par de nouveaux agents. Parmi eux, Monica Reyes interprétée par Annabeth Gish. Annabeth Gish qui jouera d’ailleurs un personnage lesbien dans le court-métrage Gillery’s Little Secret de T.M. Scorzafava sorti en 2006. Oui, ça a son importance ! Les lesbiennes aiment bien suivre les filmographies des actrices…
Du coup, les autrices de fanfictions, notamment lesbiennes, se sont laissées tentées par une relation amoureuse en Dana Scully et Monica Reyes, à la fin des années 90.
La diversification de la littérature lesbienne :
Les anglophones précurseurs :
Soyons honnêtes sur le sujet, la première maison d’édition lesbienne a été créée aux Etats-Unis en 1973. Avant qu’on l’envisage en France ou ailleurs. Il s’agissait de Naiad Press fondée par l’autrice Barbara Grier et sa compagne, Donna McBride avec deux autres associées, Anyda Marchant et Muriel Crawford.
Mais à l’époque, il n’est pas question de science fiction, plutôt de visibilité féminine et lesbienne. Le catalogue est plus littéraire et politique. Il intègre d’ailleurs des poésies de Gertrude Stein et Renee Vivien. Pourtant, à la fin des années 80, la maison d’édition se lance sur le sous genre du polar lesbien et permet de mettre en lumière des détectives qui font aujourd’hui référence dans le milieu.
La littérature lesbienne écrite par des lesbiennes, pour des lesbiennes, prend un véritable essor à la fin des années 80, début des années 90. Naiad Press disparaît quand ses créatrices prennent leur retraite et le catalogue est racheté par Bella Books qui va repousser les limites alors en place et proposer de la science-fiction.
La science-fiction lesbienne francophone :
En France, le premier roman considéré comme de science-fiction avec des personnages ouvertement lesbiens a été écrit par Cy Jung et publié en 1999 par KTM Editions : Hétéro par ci, Homo par le rat. Dans cette dystopie, l’homosexualité est considérée comme la norme et l’hétérosexualité est contraire à la loi et peut vous valoir de dures représailles. Lorsque Léa, 20 ans, tombe sous le charme d’un garçon, elle ne sait ni comment parler à ses mères, ni comment affronter la société.
Plus personnellement, je considère qu’il faudra attendre la prise de risque d’Adventice Editions (aujourd’hui disparu) pour découvrir les Chroniques d’Ouranos de Véronique Bréger. Je n’avais jamais eu la chance de lire de la science-fiction lesbienne avant ce roman ! La date de sortie ? Juin 2009. Et oui, j’ai encore l’exemplaire collector de l’époque, je l’avoue. Depuis KTM Editions a donné une seconde vie au roman en le republiant en 2017.
Aujourd’hui, en 2020, il est difficile de trouver de bons romans de science fiction. Si on rêverait d’en publier davantage, nous devons reconnaître que nous en recevons peu. Il faut le souligner, écrire de la science-fiction n’est pas simple et demande souvent de décrire et de simplifier un univers complexe.
Voici tous les livres de science fiction lesbienne que nous avons publiés à l’heure actuelle.
Les ebooks de science-fiction lesbienne de R2C :
-
Ex Human – Echo9,99 €
-
Coccinelles de l’Espace [mini-nouvelle gratuite]0,00 €
-
Inline9,99 €
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Anveshan – Tome 2 – Conspiration9,70 €
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Vivantes [Nouvelle]3,99 €
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Nuits Blanches9,70 €
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Anveshan – Tome 1 – Rébellion9,70 €
-
Venue de Loin [Nouvelle]3,49 €
Les livres papier de science-fiction lesbienne de R2C :
Les deux romances qui se déroulent dans l’espace :
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Par-delà les Mondes9,70 €
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Par-delà les Mondes – Format Papier19,90 €
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Par-delà les Astres9,70 €
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Par-delà les Astres – Format Papier17,90 €
En résumé, la science-fiction lesbienne se développera peut-être dans les années à venir.
Peut-être arrivera-t-elle à séduire et à trouver son public. Nous l’espérons sincèrement. En attendant, nous sommes très fières de participer à la diversification de la littérature lesbienne en proposant ce type d’histoires. La science-fiction lesbienne est un sous genre d’un sous genre qui mérite d’exister.
Et oui, ne vous inquiétez pas, vous aurez le droit au même genre d’article sur le fantastique lesbien dans les mois à venir. Laissez-nous le temps de faire des recherches sur ce sujet encore moins connu.
Si vous voulez en savoir plus, retrouver tous nos romans lesbiens de science-fiction au format papier.
Si vous préférez les ebooks lesbiens de science-fiction, c’est par là !