Titre : Apparences Trompeuses
Auteure : A. M. Brawne
ISBN : pdf : 978-2-37838-161-5 ; ePub : 978-2-37838-159-2 ; mobi : 978-2-37838-160-8
Date de Sortie : 03/11/2020
Nombre de Pages : 130 pages
Résumé :
En tant que jeune doctorante, Makoto Taylor se bat quotidiennement pour exister au sein de la faculté de Columbia. Un beau jour, à sa plus grande surprise, elle est contactée par une équipe de production afin d’intervenir en tant que consultante culturelle sur un film.
Parachutée dans un univers qui n’est pas le sien, Makoto peine à faire entendre sa voix. La superstar Dahlia Anderson la prend pour son larbin et refuse tout conseil sur son rôle. Mais pourquoi l’actrice est-elle aussi méfiante ? Et surtout, pourquoi avoir engagé une experte sur la culture japonaise alors que la comédienne semble très bien connaître le pays ?
Entre interrogations et tentatives de rapprochement avec Dahlia, Makoto navigue avec difficultés dans les eaux troubles du showbusiness…
Extrait :
Je prends une grande inspiration pour lire à nouveau la feuille devant moi. Ou plutôt la pile gigantesque de papier. Combien d’arbres ont dû être sacrifiés pour produire cette imposante brique ?
Mais avant de m’inquiéter pour eux, je dois admettre m’en faire davantage pour mon sort. Et celui de mes pauvres yeux, déjà assez mal en point comme ça. Personne ne devrait être aussi myope à seulement vingt-sept ans, et pourtant… c’est mon cas.
De toute évidence, il faut bien coller à mon image de chercheuse geek. La paire d’énormes binocles est un indispensable en la matière.
— Tout va bien, Taylor ?
Je lève la tête vers Montgomery, remontant ladite paire de lunettes sur mon nez dans un geste nerveux. De quoi répondre à la question sans même ouvrir la bouche. Cela fait en tout cas sourire mon interlocutrice, amusée par mon embarras, ce qui n’est pas pour m’aider.
Elle-même est habillée de façon impeccable, dans un tailleur qui doit coûter autant que plusieurs années de mon salaire de doctorante. Je suis également presque sûre qu’elle n’a pas de tics bizarres et embarrassants avec ses propres lunettes.
Et cette manière de m’appeler par mon nom de famille uniquement, comme le ferait une prof, ne me met pas plus à l’aise. Peut-être que c’est justement le but, me faire me sentir comme une élève impressionnée et hésitante.
J’essaie de répliquer avec le peu d’assurance dont je suis capable :
— Oui, Madame Montgomery. Ça fait juste… beaucoup de conditions. À lire.
Elle agite sa main, chassant mes mots comme des mouches insignifiantes. Ou du moins, c’est le sentiment que ça me donne.
— Appelez-moi Ellen. Et vous pensez bien qu’on doit prendre nos dispositions. Dahlia n’est pas n’importe qui.
— Non, bien sûr…
Alors, je prends mon courage à deux mains et me plonge dans le contrat de plusieurs dizaines de pages qui me fait face.
Ce n’est pas tant la taille qui me fait peur. Lire, c’est pratiquement une seconde nature chez moi. Mais dans le cas présent, les enjeux sont si importants que je ne peux m’empêcher de penser que je suis peut-être en train de faire une énorme connerie…
***
Pourtant, sur le papier, l’offre est plutôt alléchante. Voire digne d’un film.
Dahlia Anderson, mannequin et étoile montante du cinéma, souhaitait engager un expert sur l’histoire japonaise pour son prochain projet. Son équipe avait fait des recherches dans les universités, et mon nom avait dû apparaître quelque part, associé à la faculté d’histoire japonaise de Columbia.
Dans les faits, je me demande encore pourquoi ils m’ont choisie moi, une simple doctorante qui galère chaque jour pour essayer d’exister à côté de professeurs prestigieux. Des hommes, plus âgés, et donc perçus comme plus fiables, bien sûr.
Mon papier — qui est accessoirement devenu depuis mon sujet de thèse — sur la place de l’homosexualité féminine à la cour d’Heian[1] leur a apparemment tapé dans l’œil. Ce qui reste un mystère complet, puisque le pitch du film qu’on m’a donné mentionne un couple de marchands néerlandais envoyé au comptoir de Dejima[2] au début du 19ème siècle. Rien à voir, donc. Je tente de me persuader qu’ils n’ont tout de même pas pu confondre les deux périodes. S’ils font appel à un expert du domaine, c’est qu’ils se soucient de respecter une certaine véracité historique, au moins un minimum.
Enfin, c’est ce que j’espère…
Mais admettons. Je ne crache jamais sur une occasion de damer le pion à tous ces chercheurs et professeurs masculins. S’il arrive à ces messieurs de m’adresser la parole, c’est au mieux pour se montrer paternaliste avec moi. Le reste du temps, ils m’ignorent purement et simplement alors qu’ils passent quasiment tous les jours devant le coin de bureau qui m’est attribué. Je pourrais très bien être un bibelot sur une étagère ou une porte que ce serait pareil. De temps en temps, c’est quand il faut envoyer quelqu’un chercher du café qu’ils se rappellent que j’existe…
Ce boulot avec Dahlia, autant dire que c’est une opportunité en or.
Et qui paie bien. Très bien. Contrairement à mon salaire misérable. On a beau me répéter que c’est une chance inespérée de pouvoir travailler dans une université si renommée et dans un milieu aussi fermé, le prestige ne me nourrit pas pour autant.
Je n’avais donc pas hésité avant d’accepter de rencontrer l’agent de l’actrice et de sauter dans un avion pour Los Angeles.
Sans me douter de ce qui m’attendait.
***
Au bout d’un moment qui me semble interminable, je finis enfin de lire l’entièreté de ce fichu contrat de confidentialité. Même les remarques et notes de bas de pages écrites en lettres minuscules, quitte à paraître peu professionnelle, et à coller le visage sur la feuille pour parvenir à les déchiffrer.
Ellen devine que j’ai terminé, peut-être à mon long soupir soulagé, et me demande :
— Des questions ?
J’essaie de rassembler mes esprits, plus affûtés que ma vue. A priori. J’ajuste à nouveau mes lunettes, qui étaient encore en train de glisser du bout de mon nez.
— Concernant la clause des réseaux sociaux, je suis surprise de voir qu’ils sont autorisés. Sous vos conditions, mais quand même.
— Bien sûr. C’est aussi pour votre activité que nous vous avons choisie.
Je me sens rougir, et baisse le visage comme une petite fille prise en faute.
Ils sont donc au courant pour ma chaîne YouTube et mon compte Insta ? Je pensais qu’être sur ces plateformes serait plutôt vu comme un désavantage.
Qu’on se le dise, je suis fière de mon boulot dans ce milieu. À côté du monde universitaire parfois étouffant, poster de la vulgarisation sur les réseaux sociaux est une véritable bouffée d’air frais. C’est pourtant une activité peu considérée, même si je passe des heures à bosser sur mon contenu.
Parler du Japon est tout simplement une passion. Je peux discuter en long et en large de son histoire, de sa société actuelle, de la place de la femme, de son fascinant mélange de traditions et de modernité. Ce sont des supports idéaux pour faire le lien entre la pop culture des deux pays, étant une fan incontestée autant de comics que de mangas. Ma vidéo sur les influences entre Walt Disney et Osamu Tezuka[3], considéré comme le papa du manga, est l’une des plus regardées de ma chaîne.
Mais je trouve également important d’attirer l’attention sur ce que c’est, que d’être métisse aujourd’hui aux États-Unis et du racisme auquel je peux faire face. Mon éternel dilemme d’être trop « asiatique » d’un côté, ou trop « blanche » pour les autres et donc de ne jamais vraiment être à ma place quelque part…
Au-delà de mon intérêt pour le pays d’origine de mon père, je veux montrer que, même si je suis aussi américaine que n’importe qui ici, beaucoup de personnes n’ont pas cet avis. J’ai beau être née à New York, partager les mêmes codes culturels et me considérer comme pleinement citoyenne, ça ne suffit visiblement pas.
Ma communauté en ligne est relativement petite, mais peu importe. C’est la mienne et ça me convient. Ce sont majoritairement des gens que je n’ai jamais rencontrés, mais qui sont comme des amis et qui me suivent depuis mes débuts pour certaines ou certains. Nos échanges sont toujours enrichissants et il est agréable de pouvoir parler de problématiques communes avec d’autres personnes concernées.
Pour en revenir à nos moutons, ça ne me surprend pas qu’Ellen soit tombée sur mon activité en ligne. En revanche, que ce soit un des critères de mon recrutement, je ne sais pas trop quoi en penser.
— On ne peut plus se passer des influenceuses et influenceurs de nos jours, dit Ellen en devinant mon interrogation.
Elle fait semblant de ne pas remarquer ma surprise à la voir me décrire comme telle, et poursuit :
— Votre travail sur cet aspect sera tout aussi important que vos connaissances sur le Japon. Nous conviendrons plus tard de l’organisation et du contenu exact que vous devrez publier.
Ça ne me plaît que moyennement de me sentir manipulée de la sorte. D’un autre côté, je ne suis pas naïve au point de croire que ces choses marchent autrement dans le milieu. Simplement, personne ne s’était jamais montré intéressé par moi pour ces raisons.
Jusqu’à présent.
Percevant mon hésitation, le visage d’Ellen se fend d’un sourire plus doux.
— Vous aurez toujours le dernier mot, bien sûr. On ne vous forcera à rien. En revanche, nous préférons avoir un œil sur ce que vous comptez poster. Pour des questions de confidentialité.
Encore, et toujours. J’ai bien compris, oui.
Je prends un moment pour réfléchir, avant de finalement me pencher sur le bureau pour signer ce contrat. Est-ce que ce job va être aussi horrible que celui à l’université ? J’en doute fortement. Au moins ici, on semble considérer mon travail comme sérieux et pertinent.
J’ai à peine terminé de sceller mon destin que la porte s’ouvre à la volée. Le bruit me fait sursauter au point que j’en laisse tomber le stylo et manque de chuter de ma chaise. Je cligne plusieurs fois des yeux pour être certaine de bien voir ce que je vois et que la femme qui se tient devant moi est bien la même qui pose pour des marques de luxe sur les panneaux géants de Times Square.
Dahlia Anderson, en chair et en os.
J’ai un peu honte de le constater, mais je la trouve aussi belle et impressionnante qu’en photos. Sa présence change tout de suite l’ambiance dans la pièce, comme si tout chez elle était fait pour que l’attention se porte inévitablement sur son corps parfait.
Parce qu’évidemment, il est gracieux, mince, blanc et conforme aux standards de beauté inatteignables pour 99,99 % de la population. Par-dessus le marché, il est mis en valeur par une robe colorée qui cintre sa taille de guêpe et doit coûter une petite fortune.
Son visage est à l’instar du reste de son corps, fin et équilibré. Rien ne dépasse, n’est tordu ou ne dérange. Ses lèvres sont charnues comme il faut et leur couleur est accentuée par un choix de rouge à lèvres rosé qui relève sa carnation pâle. Une chevelure brune aux boucles bien formées cascade le long de son dos et de sa poitrine menue.
Tout chez elle est pomponné ou apprêté pour la faire paraître encore plus magnifique et irréelle.
Pour le dire plus vulgairement, elle est canon.
Mon esprit est encore en train de vagabonder dans une galaxie lointaine, très lointaine, lorsque son regard se pose sur moi. Je me retrouve face à ses fameux grands yeux expressifs, qui donnent une intensité sans pareille à son visage presque enfantin et qui ont fait de l’actrice la coqueluche des réalisateurs.
Ces mêmes yeux bruns, qui s’assombrissent en même pas un quart de seconde lorsqu’ils me trouvent dans leur champ de vision.
— C’est qui, celle-là ?
[1] Période de l’histoire japonaise se déroulant entre 794 et 1185 ap. J.-C., considérée comme l’apogée de la cour impériale et l’âge d’or de la culture et des arts japonais.
[2] Île artificielle dans la baie de Nagasaki ou les néerlandais furent les seuls étrangers à pouvoir commercer avec l’archipel nippon de 1641 à 1853, à l’époque où le pays était totalement fermé aux autres pays.
[3] Dessinateur et animateur prolifique, il a notamment créé le personnage d’Astro, le petit robot.
Vanina (client confirmé) –
Une nouvelle fraiche, très bien écrite. Et du coup on regrette un peu le format nouvelle : en tant que lectrice j’aurais aimé m’immerger un peu plus dans la relation entre Makoto et Dahlia 🙂
Merci A.M Brawne !
Manon (client confirmé) –
L’idée très originale aurait eu besoin d’être plus approfondie, je regrette également le format nouvelle… En roman, cela aurait permis de détailler les caractères des personnages, d’en apprendre un peu plus sur leur passé et leur avenir… Et cela aurait peut-être évité une fin un peu abrupte et trop condensée! Mais l’écriture est fluide, les dialogues tranchants et le concept du tournage de film avec collaborateurs expert très peu utilisé en littérature. Une promesse de bien d’autres idées originales? Attention juste à la relecture, les coquilles cassent un peu l’ambiance…. Mais un bon moment de lecture!
Isabelle B. Price –
Bonjour Manon,
Vous avez très bien fait de nous prévenir pour les fautes restantes. Il y a effectivement eu un petit problème de fichier. Nous avons réparé l’erreur et mis la nouvelle version corrigée et définitive en ligne. Vous pouvez la retélécharger sans problème sur votre espace Reines de Coeur ou en suivant le lien de l’email.
Nous sommes navrées pour ce problème et vous remercions très sincèrement pour votre attention !
Charlotte (client confirmé) –
J’aime beaucoup la collection « Elles se détestent mais … » où cette nouvelle a toute sa place.
Ce que j´apprécie dans ce format, c’est d’être immergée rapidement dans l’histoire. Et là aussi cela fonctionne très bien ! On rencontre ces 2 femmes tellement différentes mais finalement complémentaires. On aurait pu penser que le l’actrice est le côté cœur et la doctorante le côté tête. Et c’est là toute la force de cette histoire. Elle prend à contrepied. Et c’est réussi !
Petite par sa taille, cette nouvelle est grande par la multitude des sujets abordés. Et là je suis gâtée : le féminisme, la misogynie, les agressions sexuelles, le patriarcat, le racisme ordinaire, la place des métis, le mansplaining* (terme que j’ai découvert et qui illustre tellement de situations vécues), … Tout ça dans l’envers du décor des plateaux de cinéma d’Hollywood.
C’est amusant et plaisant, sans être léger. Un beau tour de force !
C’est bien plus qu’une romance, et il y a de la matière pour développer et étoffer ces personnages … A suivre donc 😊.
Merci et bravo pour ce très agréable moment de lecture
Cortin Cecile (client confirmé) –
Cette nouvelle est une très jolie surprise : profonde, sensuelle, prenante avec ses rebondissements inattendus.
Le style est subtil, juste, intense .
Le monde du cinéma coté sombre, machiavélique, sans paillettes , Makoto le découvre, elle qui depuis longtemps subi le racisme, le sexisme, le paternalisme impertinent et insupportable !
Dahlia n’est pas une simple starlette attirante superficielle ou arrogante ; le harcèlement, elle le vit au quotidien, alors son jeu est parfait sous et hors les projecteurs.
J’ai adoré le rapprochement amoureux de ces 2 femmes combattantes. Une belle vengeance d’Amazonnes !
Merci A.M. Brawne dont j’espère vraiment lire d’autres récits….et les Reines toujours en quête de nouveaux talents 🌞🎬💖💖💖
Lucinda (client confirmé) –
J’ai vraiment beaucoup aimé cette nouvelle ! Je le conseille vivement 💯