Blackwell Academy – Embrasée – Épisode 5 [Nouvelle]

Titre : Blackwell Academy – Embrasée – Épisode 5

Auteure : Lena Clarke

ISBN : pdf : 978-2-37838-225-4 ; ePub : 978-2-37838-223-0 ; mobi : 978-2-37838-224-7

Date de Sortie : 25/03/2022

Nombre de Pages : 96 pages

Autres épisodes de la série : Ensorcelée – Épisode 1 ; Apprivoisée – Épisode 2 ; Charmée – Épisode 3 ; Captivée – Épisode 4

Résumé :

Extrait :

3 septembre

— Kara, chérie, réveille-toi.

Jusque-là plongée dans une sorte de demi-sommeil, je sursaute au son de la voix de ma grand-mère. La voiture s’arrête et mon regard est automatiquement attiré par l’énorme bâtiment de style gothique présent devant moi. J’ai du mal à croire que le grand jour est arrivé, que je vais réellement faire mon entrée à la Blackwell Academy. Fini le lycée de campagne rempli d’arriérés, fini les murmures sur mon passage, à partir d’aujourd’hui tout sera différent !

Un mélange d’excitation et de nervosité me saisit. J’ai hâte de rencontrer d’autres sorcières et en même temps, une part de moi s’inquiète. Et si elles ne m’acceptaient pas ? Avoir vécu en marge du monde magique pendant dix-huit ans est un sérieux handicap à mon intégration. Un handicap que je dois entièrement à la personne assise à ma gauche. Pour d’obscures raisons, ma grand-mère a toujours refusé de me laisser participer aux fêtes données par son coven. Je n’ai jamais eu le droit non plus de rencontrer d’autres sorcières de mon âge et j’ai dû me contenter de célébrer Samhain, Imbolc ou encore Beltane dans ma chambre, comme une véritable pestiférée.

Alors que je m’apprête à ouvrir la portière, la main de mon aïeule me retient. Une grimace marque mon visage. Je l’efface aussitôt et m’efforce de présenter l’air le plus innocent qui soit.

— Oui ?

— Tu te souviens de mes recommandations ?

Son expression soucieuse me pousse à lui sourire. Dans la mesure où je la crois parfaitement capable d’opérer un demi-tour et de m’enfermer à la maison pour le restant de mes jours, j’ai intérêt à me tenir à carreau. Tout gâcher en faisant preuve d’insolence est hors de question. Depuis la réception de ma lettre d’admission à cette université, je suis parvenue à me montrer exemplaire. Plusieurs longs mois de souffrance que je compte bien voir récompensés. Encore quelques minutes et à moi la liberté !

— Bien sûr, regarde, je les ai même sur moi.

Telle une petite-fille modèle, je sors de la poche de mon gilet rouge la feuille sur laquelle sont annotées diverses règles. Au nombre de trente-six, je les ai apprises par cœur au cas où Sybil m’interrogerait.

— Tu me promets de bien te comporter ? D’éviter les problèmes ?

— Je serai une étudiante exemplaire.

— Et en cas de crise de colère ? Que dois-tu faire ?

— Compter jusqu’à dix, inspirer profondément et ne surtout pas exploser en présence d’autrui. Le mieux étant bien sûr de fuir les conflits et les sources d’énervement, de ne fréquenter que des personnes calmes et de ne pas prêter attention aux remarques que l’on pourrait me faire.

Malgré mon expression angélique, mon aînée ne paraît pas rassurée le moins du monde. Je peux comprendre pourquoi. Mon dossier scolaire chargé ne joue pas en ma faveur. D’une façon ou d’une autre, je me retrouvais toujours impliquée dans les incidents se produisant dans mon ancien lycée. Évidemment, rien n’était jamais ma faute, mais que ce soit le directeur ou ma grand-mère, aucun des deux n’a jamais voulu l’entendre.

— Je m’inquiète pour toi, soupire-t-elle en s’enfonçant dans son siège. Peut-être est-il encore trop tôt pour te laisser partir. Nous devrions reporter ton entrée à l’université d’une année, juste pour être certaines que tu sois vraiment prête à voler de tes propres ailes.

Je suis incapable de masquer mon effroi et ma réaction est immédiate.

— Je suis prête ! Très très prête, même ! affirmé-je avec véhémence. Et je t’assure que tout se passera bien. Tu ne recevras pas le moindre coup de fil de la directrice et surtout je ne te ferai pas honte, je te le jure.

Un silence suit ma prise de parole. Les joues rouges, je m’apprête à lui donner de nouveaux arguments quand soudain sa main vient me caresser le visage. N’étant pas habituée aux signes d’affection, je reste figée et cligne des yeux bêtement.

— Je n’ai jamais eu honte de toi, ma petite-fille, pas une seule fois et ce n’est certainement pas ce qui me préoccupe.

Grâce à nos gênes de sorcière nous permettant de vivre plus longtemps que la moyenne, ma grand-mère ne paraît pas son âge. Quelques rides marquent le coin de ses yeux verts, mais c’est tout. Des rides probablement causées par les épreuves que ma mère et moi lui avons fait endurer.

— Je ne veux pas qu’il t’arrive du mal et te perdre toi aussi, avoue-t-elle, peinée. Je ne le supporterais pas.

Touchée, je pose mes doigts sur les siens et laisse aller mon visage contre sa paume.

— Tu ne me perdras pas, jamais. Dans quatre mois, je serai de retour à la maison pour les vacances de Noël. Et durant ce laps de temps, je ne souhaite qu’une chose, me faire des amis. Des gens qui ne me trouveront pas bizarre et avec qui je pourrai être moi-même.

— Je comprends ma chérie. Mais… en fréquentant d’autres sorcières, tu risques d’entendre des histoires sur ta mère, des histoires dont je ne t’ai pas parlé pour te préserver.

— Rien ne pourra être pire que ce que je sais déjà. Et ne t’en fais pas, je ne compte pas reproduire son exemple. Je ne fuirai pas avec le premier venu en te laissant un bébé colérique sur les bras.

Cacher mon amertume est impossible. Elle transparaît dans le ton de ma voix et incite ma grand-mère à prononcer des paroles inédites.

— Tu es le plus beau cadeau qu’elle m’ait jamais offert.

L’émotion contenue dans ses prunelles manque de me faire monter les larmes aux yeux. Pourtant, je ne suis pas du genre sensible. Il y a très longtemps que je n’ai pas pleuré. La dernière fois date de plusieurs années et a été accompagnée par une prise de conscience. Sangloter n’apporte rien. Il s’agit juste d’une perte de temps et surtout d’une marque de faiblesse.

Au bout de quelques secondes, ma grand-mère doit être arrivée à la même conclusion, car elle change d’attitude. Elle se recule et retrouve son expression sérieuse habituelle.

— Mais en effet, j’aimerais autant que tu ne suives pas ses traces. Rappelle-moi la règle numéro trois.

— Me tenir éloignée des individus susceptibles de m’apporter des problèmes, récité-je, mécaniquement.

— Et à ton avis, qui sont-ils ?

Surprise par cette question, je perds de ma superbe. Comme une idiote, je ne me suis jamais interrogée. Je me suis contentée d’apprendre bêtement la liste, sans pousser ma réflexion plus loin.

— Les… hommes ? tenté-je en priant très fort pour ne pas m’être trompée.

Ne s’attendant visiblement pas à cette réponse, mon interlocutrice ne peut s’empêcher de rire. Un rire discret qui détend néanmoins l’atmosphère.

— Aussi intéressante que soit cette proposition, je serai raisonnable et me montrerai moins catégorique. Maintenant que tu as dix-huit ans, je ne vois aucun inconvénient à ce que tu aies un petit-ami. Humain ou sorcier, peu importe. Je te demande juste de ne pas fréquenter les autres espèces.