Deuxième Tiroir à Droite [Nouvelle]

Titre : Deuxième Tiroir à Droite

Auteure :  Aude Clervoy

ISBN :  979-10-95349-95-2

Date de Sortie : 15/08/2017

Nombre de Pages :  96 pages

Résumé : 

Depuis plusieurs semaines, Laure, cheffe de projet informatique dans une société de taxis, reçoit de surprenantes lettres d’amour. La trentenaire a vu apparaître ces étranges courriers dans le deuxième tiroir, à droite de son bureau. Elle n’a aucun indice sur leur auteur qui se dissimule derrière les initiales C. A.

Est-ce une femme ? Cela pourrait être intéressant. Un homme ? Hors de question ! Laure s’interroge sur la possibilité que ce soit une ou un collègue. Après tout, cette mystérieuse personne a accès à son bureau…

Alors qu’elle pense avoir découvert l’identité de cette admiratrice secrète, Laure voit revenir dans sa vie son ex, qui l’a quittée sans raison quelques mois auparavant. Comment va-t-elle réussir à jongler entre la possibilité d’un bel avenir amoureux et les braises de son encombrant passé ?

Et si la clé de son futur résidait dans le pardon ?

Extrait :

Elle ne se souvient pas de la date exacte. Elle a immédiatement cru à une blague potache d’une collègue. C’était il y a environ un mois…

La lettre se trouvait dans le deuxième tiroir de son bureau, à droite, là où elle range l’agenda qu’elle consulte chaque matin en arrivant au travail. L’écriture apparaissait délicate, aérienne. Sur l’enveloppe, son prénom était inscrit. Elle avait jeté un œil autour d’elle. Personne ne regardait dans sa direction. Elle avait ouvert le courrier, à la fois amusée et intriguée. « Laure, je n’ai jamais rien éprouvé d’aussi fort pour une femme. Je me prends à espérer secrètement que tu partages mes sentiments, mais l’instant d’après je me raisonne. Le son de ta voix, tes gestes, ton parfum… tout m’enivre. Un simple de tes regards et je chavire ». À la lecture de ces quelques lignes, son cœur s’était emballé. Elle avait déposé la missive, afin de recouvrer ses esprits, puis en avait repris la lecture. La suite était tout aussi charmante.

Depuis, chaque lundi, une enveloppe est déposée dans son tiroir. Les sensations sont toujours les mêmes : la joie et la crainte la submergent. Si Laure apprécie le mystère de la situation et adore lire ces charmants compliments, elle appréhende que ce soit un coup fourré ou qu’ils proviennent d’un homme. Tant de scénarios surgissent dans son esprit. La seule indication sur l’auteur se trouve en bas : C.A.

Cela fait huit ans que Laure travaille dans une société de taxis située dans les Hauts-de-Seine. Cheffe de projet, elle est en charge de trouver les solutions informatiques les plus adaptées aux besoins des différents services du groupe. Si son quotidien est plutôt rythmé, il ne l’a jamais été de cette manière.

Elle a passé en revue tout le personnel de l’agence. Charles Abiram, Chirine Alaoui, Astride Courtois, Adama Cissé… Elle a interrogé ses copines Delphine, Anaïs et Camille. Ont-elles vu ou entendu quoi que ce soit ? Se payent-elles sa tête ? Non, non et non. Delphine a émis des suppositions fantasques et grotesques : Claudine Adian, la secrétaire de direction quinquagénaire ; Agnès Colin, la comptable nymphomane ; Carl Abt, le responsable des ressources humaines coincé… Camille a hoché la tête à l’annonce des prénoms, pour confirmer la possibilité que chacun soit l’initiateur des lettres. Anaïs, comme à son habitude, est restée muette, un sourire moqueur au coin des lèvres. Laure a rapidement décidé de ne plus aborder le sujet avec elles, mais c’était sans compter sur leur pugnacité.

Lundi 4 janvier, après deux mois de réception de courriers anonymes, un bouquet l’attend sur son bureau. Une carte, portant la mention « Bonne journée », l’accompagne. L’écriture est identique à celle des plis. Que faire ? Combien de temps ce petit manège va-t-il encore durer avant qu’elle ne perce l’identité de l’auteur ? Elle se cale au fond de son siège et renverse la tête en arrière. Mais oui ! Pourquoi n’y a-t-elle pas pensé plus tôt ? Elle saisit une enveloppe sur laquelle elle inscrit « C.A », puis s’empare d’une feuille de papier. « Je vous remercie de cette délicate attention et également pour vos lettres. Toutefois, cette situation m’est de plus en plus inconfortable. Je vous propose donc de nous rencontrer prochainement. Si vous êtes d’accord, je vous laisse convenir de la date et du lieu. Bien à vous. Laure ».

Durant la semaine précédant la réception du courrier suivant, elle éprouve des difficultés à trouver le sommeil. Ce soir ne déroge pas à la règle. Comme souvent, mille questions l’envahissent. Est-ce un homme ? Une épouse ? Une collègue désirant se venger ? Si c’est une femme, me plaira-t-elle ? Depuis sa liaison avec Axelle, Laure ne parvient pas à rencontrer d’autres femmes sans se montrer extrêmement critique. Avec son ex, elle avait enfin eu le désir de construire une vie à deux. Cela fait bientôt six mois qu’Axelle l’a quittée après six mois de relation, et elle se torture l’esprit comme une adolescente vivant sa première rupture. Cela lui semble tellement pathétique de réagir ainsi à trente-cinq ans.

Laure se ressaisit, afin de se concentrer à nouveau sur l’auteur des courriers. Il connaît certaines de ses manies, certains de ses goûts en matière de cuisine, de musique et de hobbies. Elle en est étonnée, car au travail, elle ne se confie qu’à ses trois collègues. Or, il est impensable qu’il s’agisse de l’une d’entre elles. Cette simple pensée la fait frissonner. Delphine, sa meilleure amie depuis le lycée, aime trop la gent masculine et se vante allègrement de ses prouesses avec son sex friend du moment. Camille, malgré son jeune âge, a tout de la ménagère de moins de cinquante ans ravie de préparer des petits plats mijotés pour son mari et ses deux enfants. Elle l’imagine mal en séductrice romantique déclarant sa flamme à une autre femme. Quant à Anaïs, il s’agit d’une connaissance de Camille, rencontrée à l’époque où elle était encore à la fac. En y réfléchissant, Laure se rend compte qu’elle en sait peu sur elle et n’arrive pas à la cerner. Anaïs est arrivée dans l’entreprise trois mois plus tôt. Elle parle rarement, mais se montre toujours très attentive aux conversations des autres. Parfois, lorsque son regard croise celui de Laure, cette dernière éprouve une certaine gêne. Et si c’était elle ? Anaïs Campin. Ça pourrait correspondre… D’un geste vif de la main droite, Laure chasse cette idée.

Le lundi suivant, elle ouvre fébrilement le tiroir de son bureau et décachète lentement l’enveloppe. « Samedi 23 janvier à 18 heures 30, devant l’entrée principale du Parc du Luxembourg. Si tu y vois une objection, écris-moi. Bien à toi. C.A ». Il lui faut donc encore attendre près de quinze jours. Laure soupire. Elle doit se mettre au travail, mais peine à se concentrer. Le midi, elle rejoint ses collègues déjà installées autour du bureau de Camille avec leurs repas. À la fois gênée et excitée, elle leur fait part de son futur rendez-vous.