Souvenirs d’Avent [mini-nouvelle gratuite]

Titre : Souvenirs d’Avent

Auteure : Emilie Amps

ISBN : Aucun, nouvelle gratuite

Date de Sortie : 25/12/2020

Nombre de Pages : 91 pages

Résumé : 

Extrait :

Je quittai l’ascenseur et m’engageai dans la sortie réservée au personnel du Centre Bell. Je m’étais beaucoup amusée à commenter le match entre nos Canadiens et l’équipe de Pittsburgh. Les Penguins nous avaient volé la victoire de quelques points, mais ce faible écart avait assuré une ambiance survoltée durant toute la soirée.

Je fermai le col de mon long manteau et repositionnai mon bonnet sur mes oreilles. Le froid, dû aux températures largement négatives, me saisit à l’instant où je mis le nez dehors. J’aurais pu prendre sur la gauche pour trouver le métro, mais comme souvent, et malgré l’heure tardive, je préférai faire la traversée du centre-ville à pied. Le mois de décembre était toujours féerique à Montréal. Ses lumières, ses décorations et son ambiance festive avaient le don de me mettre du baume au cœur et de me faire sourire pour un rien. Cela même si je savais que les cinquante minutes de marche qui m’attendaient jusqu’à mon cocon n’allaient pas être une partie de plaisir.

Il n’avait pas suffi que toute ma vie s’écroule du jour au lendemain trois ans plus tôt, il fallait aussi que mon corps se fasse régulièrement le devoir de me rappeler que…

— Emma ?

Je sursautai, ne m’attendant absolument pas à être interpellée si tard. Je me retournai et découvris une jeune femme aussi emmitouflée que moi dans une canadienne noire. Sa longue chevelure brune était en partie dissimulée par une épaisse écharpe duveteuse et lorsque je croisai ses yeux noisette, mouchetés de paillettes dorées, mon cœur rata un battement, puis eut beaucoup de mal à retrouver un rythme régulier.

— Li… Livia ?

— Je suis heureuse de voir que tu me reconnais.

La reconnaître ? Comment pourrais-je ne pas la reconnaître ! Le puissant frisson que m’avait provoqué son seul regard rendait ridicule l’effet de ceux causés par le froid. C’était comme si les dix dernières années venaient de disparaître par enchantement.

— Qu’est-ce que tu fais à Montréal ? réussis-je à déglutir.

— Je vis ici, depuis quelques mois maintenant, mais tu n’es pas le genre de personne facile à approcher.

De toute évidence, cette rencontre n’était pas le fruit du hasard. Livia semblait avoir cherché à la provoquer et ce fut évidemment loin de me laisser insensible. Je dus me faire violence pour ne pas boguer bêtement.

— J’ai appris, il y a quelque temps déjà, que tu avais trouvé un super boulot à Tremblant. Je ne pensais donc pas que tu en partirais un jour.

— Moi non plus, mais j’ai fini par avoir besoin de changer d’air et j’ai saisi une opportunité qu’on m’a offerte ici.

Je n’en revenais vraiment pas, j’avais presque envie de me pincer pour être certaine que cette conversation était bien réelle après toutes ces années de séparation.

Un courant d’air froid nous fit tressaillir à l’unisson. Un silence s’était installé tandis que j’ignorais dans quel ordre organiser les questions qui encombraient tout à coup mon esprit. Soucieuse de ne pas lui faire croire que je n’avais rien à lui dire, je lui proposai :

— Puis-je t’offrir quelque chose à boire ? À moins que tu aies d’autres obligations ?

— Non, ce serait avec plaisir.

— Vu l’heure, est-ce que ça t’embête si on va chez moi ? Je n’habite pas très loin.

— Non, pas du tout.

— J’allais rentrer à pied pour profiter des lumières de Noël, mais on va prendre le métro, on sera plus vite au chaud.

— Je te suis, je n’ai pas encore l’habitude des transports montréalais.

Avec un sourire ravi, je nous guidai vers la bouche de métro la plus proche afin d’attraper la ligne orange. Quelques partisans de l’équipe adverse criaient toujours leur victoire sur les quais, poussant ma voisine à remarquer :

— Leur fierté surpasse largement la beauté de leur victoire. Avec leur niveau, ils auraient dû gagner de beaucoup plus de points.

Cette analyse m’amusa autant qu’elle piqua ma curiosité.

— Depuis quand est-ce que tu t’intéresses au hockey ?

— Je dirais à peu près dix ans, au moment où une certaine Emma Rivers a fait une arrivée fracassante en équipe nationale. Et tu exagères, il ne me semble pas avoir manqué un seul de tes matches de tout notre secondaire.

Nous montâmes dans la rame qui venait de s’arrêter à quai. Elle était uniquement occupée de quelques badauds, ce qui nous permit de trouver deux places assises.

— À cette époque, je ne sais pas si c’était vraiment le hockey qui t’intéressait, répliquai-je, taquine.

Ma voisine détourna un instant le regard, un sourire timide sur les lèvres. Je fus donc surprise de l’entendre me répondre avec beaucoup de franchise :

— En effet, le hockey était loin d’être ma principale préoccupation et… peut-être que tu as raison et qu’il ne l’est toujours pas tant que ça.

Ce fut à mon tour de détourner les yeux avec un rire gêné. Il agrandit davantage son sourire alors qu’elle était visiblement fière de sa repartie. Le sous-entendu était très clair et, en réalité, il n’avait jamais été un secret. Je ne sais même pas si Livia avait manqué ne serait-ce qu’un seul de mes entraînements, lorsque ces derniers ne tombaient pas durant ses heures de cours. Combien de fois avait-elle fini les doigts et le nez gelés à faire ses devoirs sur ce fameux banc en plastique bleu ? Un nombre bien trop important pour que je m’en souvienne avec précision.

— Tu as encore un peu de maquillage rouge sur ta pommette, du logo des Canadiens, et je ne joue plus, tentai-je de la contredire sans trop de conviction.

— Je veux bien t’accorder qu’il y ait une chance pour que je me sois finalement prise au jeu.

Cette information ne manqua pas de me faire plaisir. Le hockey était toute ma vie. Même s’il n’était pas obligatoire de l’aimer pour en faire partie, les années m’avaient prouvé que les personnes partageant cet intérêt avec moi avaient eu tendance à m’être plus fidèles.

— Tu es à Montréal pour le travail, si j’ai bien compris ? demandai-je d’un ton curieux.

— Oui. Mon patron connaissait le propriétaire du restaurant le Bel Ami, en centre-ville. Il m’a recommandée et m’a convaincue que j’avais fait toutes mes preuves en tant que sous-cheffe et qu’il était temps pour moi de prendre les rênes. J’ai fini par accepter.

— Tu veux dire que tu es la nouvelle cheffe du Bel Ami ? questionnai-je, impressionnée.

— Oui, depuis trois mois. Je ne savais même pas à quel point cet établissement était coté quand j’ai dit oui, précisa-t-elle avec un sourire amusé. Mais ça va, malgré mon arrivée, la salle n’a pas désempli.

— Je n’en doutais pas. Maintenant tu peux être assurée que je vais donner fréquemment l’adresse autour de moi.

— Il va peut-être falloir que tu viennes goûter avant de recommander, non ?

— C’est une invitation officielle à dîner ?

— Tu… tu accepterais ?