Titre : Kiss – De L’Autre Côté
Auteure : Romane F. Boulier
ISBN : 978-2-37838-052-6
Date de Sortie : 25/09/2018
Nombre de Pages : 97 pages
Résumé :
Suzanne a trente ans, une vie parisienne des plus agréables, un métier qui lui plaît et des amis fidèles. Sa vie bascule le jour où sa compagne la quitte par SMS après six ans d’amour. Abattue, elle trouve refuge chez Marco, son voisin et meilleur ami. Au cours d’une soirée un peu arrosée, Paul, le fiancé de Marco, installe une application de rencontres sur le portable de Suzanne. Cette dernière se prend au jeu.
Au fil des rencontres virtuelles, elle découvre le profil de Liv, une charmante étudiante. Si les premiers échanges sont prometteurs, le rêve tourne vite au cauchemar quand Liv annonce son installation en Angleterre. Mais peut-on vraiment s’attacher à une personne que l’on n’a jamais rencontrée ?
Extrait :
« Je te quitte. Désolée de t’avoir fait perdre ton temps et miroiter des choses que je ne t’offrirai jamais. Efface mon numéro. Et prends soin de toi, Suzie… »
Voilà comment avait commencé cette journée glaciale du 9 février 2018. Encore allongée dans son lit, Suzie fixait le plafond qui semblait s’être effondré sur sa tête à la lecture de ces quelques mots. Cécile voulait qu’elle efface son numéro. Voulait-elle aussi qu’elle efface les six dernières années ? Les voyages à Rome, tous les ans ou presque, les nuits d’été en Toscane, les heures à parler de tout en marchant dans Paris ? Le Nouvel An en tête à tête, à San Francisco ? Voulait-elle aussi qu’elle efface les rêves qu’elle avait à peine osé verbaliser ? Voulait-elle aussi qu’elle efface les barrières qu’elles avaient surmontées à deux ?
Des larmes silencieuses coulaient sur ses joues. Le jour se levait à peine sur Paris. Dehors, quelques flocons tombaient, encore épars. Suzie ne sortirait pas du lit. Elle avait envie de disparaître dans ces draps blancs. Des draps qu’elle avait achetés pour celle qu’elle devrait appeler son « ex ». Elle n’en revenait pas. Elle lui avait pourtant tout donné. Elle en avait fait, des concessions. Elle sortait moins, s’était intéressée à l’art antique pour pouvoir la suivre dans ses voyages d’études, elle avait redécoré une partie de son appartement, elle avait appris à se faire discrète et à rire moins fort dans les dîners mondains. Elle avait changé pour elle. Elle avait accepté d’être présentée comme une amie pendant des années. Elle avait appris à être moins rebelle, moins « grande gueule », moins « parigote ». Plus les minutes passaient, plus Suzie se rendait compte des sacrifices qu’elle avait faits par amour pour Cécile. Paradoxalement, cela ne la rendait pas moins triste. Ses quelques larmes s’étaient transformées en un torrent sans fin. Ce n’est que plusieurs heures plus tard qu’elle se décida à sortir de son lit.
« Allô Marco ? Oui, tu es chez toi ? Je peux monter ? » L’appartement de Marco était le même que le sien, poussant la ressemblance jusqu’aux décorations. Sur trois des murs du salon s’étalaient d’énormes bibliothèques. Ils étaient tous deux de grands lecteurs. Les livres avaient été le point de départ de leur amitié. Ils fréquentaient tous deux la même librairie de quartier : « Le livre écarlate ». Après s’être croisés plusieurs fois, ils avaient fini par prendre un verre au Moulin Vert. Suzie avait d’abord cru que le jeune homme la draguait maladroitement. À l’époque, Marco parlait un français approximatif. Son accent italien la faisait sourire. Avant de régler la note, il lui avait glissé à l’oreille : « Ne t’en fais pas, tu n’as pas assez de barbe pour moi ». Elle avait éclaté de rire. Sur le chemin du retour, après avoir découvert qu’ils vivaient dans le même immeuble, elle avait lancé : « Eh, beau brun, tu n’as pas assez de seins pour moi, rassure-toi ». C’était il y a douze ans. Depuis, ils étaient devenus inséparables. Rares étaient les jours où ils ne se voyaient pas, ne serait-ce que pour un café chez l’un ou chez l’autre, ou dans le troquet d’en bas.
Marco venait d’arriver. Il avait jeté son cartable dans l’entrée, faisant dégueuler un paquet de copies sur le sol. Chez lui, il n’y avait que ses livres qui étaient ordonnés. Les placards de la cuisine regorgeaient de produits que sa mère lui ramenait d’Italie tous les mois. Rien n’allait avec rien, et cela faisait le charme de ce capharnaüm. Sur la porte d’entrée, il avait écrit au marqueur caos[1], preuve qu’il était conscient de sa fâcheuse tendance à tout laisser traîner. Il ne tolérait aucune remarque sur le ménage ou l’organisation. « C’est écrit sur la porte, tu es prévenue », disait-il à chaque fois.
— Tu as une petite mine, micetta[2].
— Elle m’a quittée. Ce matin. Par SMS.
— Que stronza[3] ! Désolé, mais elle le mérite. Elle t’en a fait voir de toutes les couleurs et elle a le culot de te quitter par message. C’est tellement pathétique.
— Je sais, mais…
— Oui, tu es triste, tu y croyais. Tu l’aimais. Enfin, tu crois que tu l’aimais.
— Je…
— Il est 17 h 30, j’ai des copies à corriger. Rendez-vous à 19 h 30 en bas de l’immeuble. Ne pose pas de questions.
Suzie se vit contrainte d’accepter la proposition de son ami. De toute manière, elle n’avait plus rien à perdre. Sortir avait toujours été son remède quand la vie lui en faisait baver. Elle descendit les deux étages qui la séparaient de son antre.
De sa relation avec Cécile, il n’y avait pas grand-chose de matériel. Elle avait toujours interdit à Suzie de la prendre en photo. Elle prétendait se trouver hideuse. Ce qui était faux. Elle ne voulait pas de traces de cette relation. Elle ne voulait pas qu’on soupçonne son homosexualité. Elle ne voulait pas être une femme qui aime les femmes. Cécile ne voulait pas que Suzie parle d’elle. Alors elle avait tu leur relation, même à Marco, et cela pendant des mois. Puis étaient arrivées les premières disputes et les éclats de voix, les nuits sans sommeil et les sanglots. L’Italien avait creusé, avait compris. Depuis, ils en parlaient librement et ce dernier n’avait jamais vu d’un bon œil la « compagne » de son amie. Il essayait parfois de lui faire entendre raison, en vain. Suzie ne voulait pas croire qu’elle avait changé, qu’elle était moins pétillante. Pourtant, elle le savait. Il lui était arrivé de ne pas mettre le nez dehors quand Cécile était en voyage. Elle préférait l’attendre, seule, en se plongeant dans son travail. Elle passait alors des jours et des nuits à boire du café et du coca, alternant cigarette et vapote. Elle se faisait livrer à manger, traînait en pyjama. Elle ne s’habillait que pour recevoir ses clients. Et puis la veille de l’arrivée de Cécile, elle passait des heures dans la salle de bain pour tenter de camoufler les nuits blanches. Les retrouvailles étaient explosives. Les premiers temps, cette situation lui plaisait. Et puis elle avait voulu plus, un appartement, des soirées entre amis. Au lieu de ça, les voyages d’études s’étaient enchaînés. Marco venait de plus en plus souvent la nuit, pour calmer les angoisses de sa voisine. Il restait parfois dormir, sur le canapé ou dans le lit de Suzie.
Il se souvenait d’une nuit où il avait essayé de la convaincre de quitter Cécile. Suzie l’avait appelé en pleurant. Elle était incontrôlable. L’appartement, d’ordinaire accueillant, ordonné et chaleureux, était sens dessus dessous. La fumée des cigarettes ne s’échappait même plus. Une odeur âcre avait pris le nez de Marco dès l’entrée. Sa voisine était assise par terre, adossée au canapé. La radio, toujours allumée, sortait péniblement quelques sons. Pour le jeune homme, c’en était trop. Son cœur était brisé de voir une des personnes qu’il aimait le plus dans un état pareil. Pour tenter de la faire réagir, il lui avait parlé… Mais cela ne changeait rien. « Je l’aime. Et elle m’aime aussi. Je suis sûre que quand elle reviendra, on va commencer à chercher un appartement. » Suzie disparaissait dans le mensonge qu’elle se racontait nuit et jour. Pour la remuer, il lui avait montré des photos du temps où elle ne connaissait pas Cécile. Elle était resplendissante. Ses cheveux blonds, bouclés, dégringolaient sur ses épaules et un large sourire illuminait son visage. Elle avait quelques kilos de plus ou en trop, selon le point de vue, qu’elle ne dissimulait pas. Tantôt garçonne, tantôt en robe, elle déjouait les codes. Elle aimait provoquer, même séduire, sans jamais aller plus loin que des regards. Elle se préservait pour le grand amour, comme elle disait. C’était de cette fille-là que Marco était tombé fou amoureux, de la manière la plus amicale qui soit. Et ce n’était pas la femme qu’il avait en face de lui. Après cette nuit, Suzie n’avait pas donné de nouvelles à sa compagne. Quand cette dernière était rentrée de Bologne, elles ne s’étaient pas vues. Et puis… Tout avait recommencé. La jolie blonde n’avait rien dit à son ami. Il s’en était rendu compte par lui-même et avait abandonné le combat.
Devant son miroir, Suzie vit enfin ce que Marco lui disait depuis des mois. Ses joues rondes s’étaient creusées. Elle n’y avait jamais prêté attention auparavant, mais cela lui sautait aux yeux désormais. Machinalement, elle enleva ses vêtements, ouvrit le robinet et laissa se dénouer son corps nu sous l’eau bouillante. Ses larmes coulèrent en silence, sans lui faire de mal. Plus l’eau dégoulinait, plus elle se sentait légère. Ce regain de vitalité la surprit. Elle savait que ça ne durerait pas alors elle appréciait chaque seconde. En sortant de la douche, elle prit le temps de passer en revue ses robes et ses nombreuses paires de chaussures. Son choix s’était arrêté sur une robe noire, avec un décolleté pigeonnant laissant entrevoir la naissance de sa poitrine autrefois plus généreuse. Elle avait retrouvé son écharpe d’adolescente, immense, dans laquelle elle s’enroulait chaque matin d’hiver quand elle partait en cours à l’autre bout de Paris. Pas de talons, jamais, mais ses baskets que toutes les femmes portaient en ce moment.
[1] « Chaos » en italien.
[2] « Chaton » en italien.
[3] « Salope » en italien.
saxfan18 (client confirmé) –
J’ai adoré cette trop courte nouvelle. Tant par les descriptions de ces amitiés fortes, la visualisation des échanges virtuels entre Suzanna et Liv, sauf que j’ai bien assayé de clicquer sur les photos jointes, mais sans effets lol! La relation entre frère et soeur est aussi adorable, et le rendu des souvenirs passés avec la grand-mère est trop mignonne. Dans ces conditions, la relation à distance est donc idéale…est-ce un rêve?
Cyanne (client confirmé) –
Un texte bien écrit mais dont l’histoire entre deux femmes tient de l’Arlésienne.
La nouvelle commence à la fin d’une romance et se termine au moment de la rencontre des deux amoureuses virtuelles.
Entre les deux, l’héroïne vit sa vie familiale et amicale, avec en pointillé des échanges par messagerie instantanée.
Aurélie (client confirmé) –
Je suis réellement agréablement surprise par cet écrit. C’est la première fois que je vois une nouvelle parler d’une romance virtuelle. Qui n’a d’ailleurs pas eu une romance virtuelle ? Personne je crois bien. En tout cas j’ai redouté de lire cet écrit, peut-être car ma relation virtuelle s’est soldé par un échec ? En tout cas je regrette de ne l’avoir lu plutôt. Le thème est très bien traité et d’un réalisme fou. Je suis réellement tombé sous le charme de nos deux protagonistes ainsi que de la plupart des gens qui gravitent autour d’elle. La fin est … Comme je les aimes *.*
L’auteure a sans aucun doute pu emmener dans l’univers de Suzanna et Liv et c’est avec grand plaisir que je me suis plongé dedans. Hâte de pouvoir relier un écrit de cette auteure.
Roxane (client confirmé) –
Une très jolie histoire sur les rencontres internet. Ayant moi même rencontré ma femme sur le net, je ne pouvais qu’être sensible au sujet.
C’est très bien écrit et les échanges entre les deux femmes sont sympas et rendent le tout très réaliste.
Les personnages secondaires sont travaillés et rendent l histoire complète.
Comme toutes les nouvelles bien écrites, c’était trop court!!! Je recommande vivement
Guillaume (client confirmé) –
Une très belle histoire, bien écrite, sur une relation virtuelle. La montée des échanges entre les deux femmes se fait très progressivement et l’on ressent bien leurs attentes, craintes et aspirations au fil de leurs messages. Le virtuel serait-il plus facile pour avouer ses sentiments ?
Je me suis perdu un peu dans les personnages secondaires, qui, par moment, prennent beaucoup de place dans l’histoire, tout en nous permettant aussi de mieux connaître le personnage de Suzie.
Le final, bien que prévisible vu les indices glissés subtilement par l’auteure, reste très émouvant.
Ce livre m’a donc t-il fait rêver ? Sûrement. Pleurer ? Evidemment !
Lucinda (client confirmé) –
Encore une petite pépite de votre maison d’édition ! J’ai tout simplement adoré ! A lire absolument !