Métamorphose [Nouvelle]

Titre : Métamorphose

Auteure : Roxane Oyer

ISBN : pdf : 978-2-37838-158-5 ; ePub : 978-2-37838-156-1 ; mobi : 978-2-37838-157-8

Date de Sortie : 27/10/2020

Nombre de Pages : 147 pages

Résumé : 

Forcés de se marier pour maintenir la paix entre leurs deux clans, Lexane Redwood, héritière des loups-garous, et Elijah Devaux, fils du leader des métamorphes, se retrouvent malgré eux au cœur de toutes les attentions. Invisibles aux yeux des humains, ces créatures magiques s’apprêtent à sceller leur union qui mettra fin à une guerre millénaire.

Lorsque le futur époux disparaît, l’alliance se retrouve en péril. Acculé, le patriarche des métamorphes décide de remplacer son fils par sa fille. Arwen, la sœur d’Elijah, est alors contrainte d’user de ses pouvoirs et de prendre l’apparence de son frère.

Quand, quelques heures plus tard, Elijah est retrouvé agonisant, Arwen est prise au piège. Malgré son aversion pour les loups, elle doit cohabiter avec Lexane qui ne lui facilite pas la tâche. Jusqu’où la métamorphe est-elle prête à aller pour assurer la pérennité de leurs deux espèces ?

Extrait :

— Quoi encore ? dis-je en m’énervant.

— Je suis désolé, mademoiselle, je viens simplement déposer le plateau.

Je bredouille vaguement une excuse à l’employé de maison qui semble confus. La venue des loups chez nous me rend particulièrement nerveuse. Je consulte ma montre : 11 h 35, presque l’heure de déjeuner. Je suis impatiente. Je tourne en rond à attendre l’arrivée de mon père accompagné de nos hôtes.

C’est aujourd’hui que tout va se jouer, aujourd’hui que le sort de nos deux espèces sera scellé pour un avenir meilleur, je l’espère. Parmi toutes les créatures magiques, s’il en est deux qui se haïssent, ce sont bien nous, les métamorphes et les loups-garous. Je crois que cette haine que nous nous vouons est si ancienne que personne ne sait réellement quels en sont les fondements. Mais les humains sont de plus en plus nombreux et nos forêts disparaissent à vue d’œil. Il devient particulièrement difficile pour nous de faire profil bas.

Il faut dire que cette rivalité millénaire nous affaiblit considérablement. Pas une année ne passe sans qu’on ne déplore des dizaines de décès dans chaque camp et des centaines de blessés. Notre population est au plus bas et nous n’avons plus vraiment le choix désormais.

— Ah, tu es là, ma chérie ! m’interpelle mon père.

Tout à mes pensées, je ne l’ai finalement pas entendu arriver. Escorté de quelques hommes de notre clan, il est suivi par deux femmes elles-mêmes encadrées par une escouade que je ne connais pas.

— Père ! dis-je avec solennité en m’avançant à sa rencontre.

Alors que je le serre dans mes bras avec tendresse, il tressaute étrangement puis se décale pour m’observer une seconde. Je me sens toujours petite à côté de sa stature impressionnante. Dans une autre époque, il aurait pu être un guerrier celte, athlétique, aux cheveux noirs et bouclés. Ce conflit séculaire a pourtant tiré ses traits et durci son visage. Ses yeux gris comme les miens me semblent fatigués, et les rides autour de ses yeux sont marquées et profondes. Cela lui confère un air encore plus charismatique.

Du regard, il me fait comprendre qu’il compte sur moi pour me tenir, car il connaît mes réticences. Il se met sur le côté et entame les présentations.

— Arwen, ma fille, laisse-moi te présenter Nora Redwood et sa fille Lexane qui nous font l’honneur de se joindre à nous.

Mon odorat de renard ne me trompe pas, elles empestent le loup. Les représentantes du clan Redwood sont d’un blond si pâle qu’il jure avec la noirceur des cheveux de leurs gardes du corps. Les traits du visage de la mère se retrouvent aisément sur celui de la fille et leur teint hâlé fait ressortir leurs yeux limpides. Je dois reconnaître que leur beauté naturelle n’a rien à envier aux plus belles métamorphes que je connais. Ce détail me rend encore plus méfiante à leur égard, car tout le monde sait que les garous sont, au fond, des bêtes assoiffées de sang et sans pitié.

Je fais l’effort d’un salut dans les règles de l’art. Hors de question que je fasse honte à mon père. Après avoir accueilli la cheffe de nos rivaux, je m’avance vers la fille qui me fixe étrangement. Une mèche de ses cheveux d’or ondulés retombe sur ses iris d’un vert si clair qu’ils semblent vouloir me transpercer.

Je m’incline pour la saluer selon nos coutumes, mais me refuse à lui adresser la parole. Après tout, nous n’avons pas à nous aimer.

— Bonjour à toi aussi, me nargue-t-elle avec un sourire qui m’exaspère déjà.

Nos parents respectifs se sont éloignés, se désintéressant complètement de nous, je n’ai donc pas à jouer la comédie pour ses beaux yeux. Devant mon silence, elle insiste :

— Alors, petite sœur, as-tu perdu ta langue ?

— Petite sœur ? Je vous prie de garder vos familiarités pour vous.

Pour qui se prend-elle, à me parler ainsi ? En plus, elle n’est sûrement pas beaucoup plus âgée que moi.

— Je m’apprête à épouser ton frère et tu n’as que vingt-trois ans, j’en ai deux de plus, il me semble que le terme est plutôt approprié.

Elle continue à me tutoyer alors que j’insiste :

— Si je soutiens cette alliance, c’est uniquement pour la survie de mon peuple, votre engeance m’est bien égale. Vous ne serez pas pour autant un vrai membre de ma famille. Nous savons toutes deux qu’il ne s’agit que d’apparences.

— Certes, cependant, que cela te plaise ou non, je vais devenir une Deveaux au même titre que toi. Nous allons donc être très intimes sous peu, j’en suis sûre.

Le rouge me monte aux joues. Son clin d’œil ne laisse aucun doute sur le côté déplacé de son allusion. Comment ose-t-elle ? Mon sang ne fait qu’un tour, je sens l’écho sourd de mon pouls battre dans mes oreilles. Je perds le contrôle et, en une fraction de seconde, mes crocs sortent sans que je le réalise. Mon grognement de menace me surprend ainsi que l’assemblée qui stoppe net ses conversations.

— Qu’est-ce que cela ? s’exclame d’une haute voix la matriarche Redwood, serions-nous menacées en ce jour de pacte de paix ?

Leurs gardes brandissent leurs armes et l’ambiance se transforme du tout au tout. Mon père me dévisage, cherchant dans mon regard une explication logique que je suis incapable de lui fournir. Mon attitude impulsive pourrait nous coûter vraiment cher cette fois. Je m’apprête à me confondre en excuses pour mon comportement quand Lexane prend la parole.

— Aucune menace ne pèse sur nous, mère, dit-elle en baissant les yeux. J’interrogeais seulement ma petite belle-sœur pour savoir si les crocs des renards étaient aussi affûtés qu’on le prétend. Elle n’a fait que répondre à ma demande. Pardonnez-nous d’avoir dérangé votre entrevue.

Je reste interdite. Pourquoi me couvre-t-elle ? J’étais à deux doigts de perdre mon sang-froid en me transformant et elle en a parfaitement conscience. Nos parents nous observent, cherchant à vérifier la véracité de ses mots. D’un geste de la main de sa mère, les loups se remettent en formation comme s’il ne s’était rien passé.

Lexane m’attrape par le poignet et m’entraîne à sa suite à l’extérieur, comme si elle était chez elle en cette demeure.

Nous quittons la bâtisse et arrivons dans le grand jardin derrière la maison, elle se met à courir, me tenant toujours fermement.

— Attends ! Où m’emmènes-tu ? Nous devons assister au repas !

Lorsque nous atteignons l’orée de la forêt, Lexane s’arrête d’un seul coup.

— Ah ! Enfin, tu me tutoies.

Son sourire triomphant est particulièrement énervant.

— Lâche-moi maintenant, dis-je en me débattant.

— Tu voulais me montrer tes crocs, sens-toi libre de le faire, je suis certaine qu’ils te vont bien.

À quoi joue-t-elle ? Je sais que je lui dois beaucoup pour avoir apaisé la situation avec nos parents, pour autant, si elle attend des excuses, elle peut toujours s’asseoir dessus.

— Vas-y, me relance-t-elle, j’ai hâte de voir ça !

— Je vois clair dans ton jeu, tu veux me provoquer pour que je t’attaque et ainsi pouvoir dénoncer notre accord. Je ne suis pas stupide au point de te donner satisfaction.

D’un mouvement d’une élégance extraordinaire, elle s’approche de moi et pose sa main sur ma joue avant que j’aie le temps de réagir.

— Oh, petit renard, il y a tant de colère dans tes yeux…

Sa voix est calme et posée, ce qui m’irrite davantage. Je me dégage prestement et tente de lui répondre.

— Je ne te per…

— Si je t’avais voulu du mal, me coupe-t-elle, j’aurais permis à ma mère de te dévorer. Cette alliance doit avoir lieu, je ne laisserai pas ta haine de mon peuple la compromettre.

Je sais qu’elle a raison. Nous n’avons plus le choix. Je reprends calmement :

— Retournons sceller cette union. Désormais, je te prie de garder tes distances avec moi.

Elle ne répond pas et me suit, docile et souriante, alors que nous rentrons assister à ce moment historique.