Perte de Rythme [Nouvelle]

Titre : Perte de Rythme

Duologie « Rythme » : Suite indépendante de la nouvelle Troubles du Rythme de la même autrice.

Auteure : Marie Parson

ISBN : pdf : 978-2-37838-218-6 ; ePub : 978-2-37838-216-2 ; mobi : 978-2-37838-217-9

Date de Sortie : 14/12/2021

Nombre de Pages : 99 pages

Résumé : 

Extrait :

— Tu ne peux pas me demander de faire comme si c’était normal, Peyton ! J’essaie de comprendre ! J’essaie vraiment, seulement tu n’es jamais disponible !

— C’est pas moi qui suis partie donner des concerts à l’autre bout du monde pendant six mois !

— Mais je suis de retour ! s’énerva Lisa en hurlant encore plus fort.

— Et donc je devrais mettre ma carrière médicale entre parenthèses pour toi ? C’est ça que tu me demandes ?

— Oui ! s’écria la pianiste dans un aveu puissant qui les surprit toutes les deux.

Peyton observa la femme qu’elle aimait avec l’impression de ne plus la connaître. Hors d’haleine, ses longs cheveux blonds libres sur ses épaules, cette dernière la dévisageait avec agressivité. Ses joues étaient rougies par leur nouvelle dispute et le manque de souffle amenait sa poitrine à se soulever rapidement. Peyton vacilla, incapable d’intégrer les paroles prononcées par celle qui partageait sa vie depuis plusieurs mois.

Blessée, frustrée, épuisée par l’incompréhension de sa compagne, elle lâcha d’un ton grave :

— Tu es injuste, Lisa.

Persuadée que leur querelle allait se poursuivre de longues minutes et désespérée à l’idée d’en supporter davantage, Peyton ébouriffa ses courts cheveux bruns avec nervosité, comme pour les discipliner. Elle quitta la chambre, passa sa veste, récupéra ses baskets de course et s’accroupit afin de lacer celles-ci.

— Tu ne peux pas partir ! On est en train de parler ! s’exclama Lisa qui la suivit jusqu’à l’entrée de son appartement, ses bras entourant son corps comme pour se protéger.

— Non, on ne parle pas. Tu me fais des reproches, encore. Et je ne le supporte plus. J’ai une grosse journée qui m’attend, je ne peux pas perdre de temps…

— Parce qu’échanger avec moi, c’est perdre du temps ? Franchement, tu entends ce que tu dis ?

— Arrête, Lisa ! On n’échange pas, là ! Tu me hurles dessus et, depuis ton retour, tu espères quelque chose que je ne peux pas te garantir ! J’en ai vraiment marre ! Je n’en peux plus d’enchaîner les disputes matin et soir !

— Qu’est-ce que tu proposes, alors ?

— J’ai besoin de prendre l’air. Je vais bosser et… ce soir… On verra, d’accord ?

— Tu m’as déjà dit ça hier et avant-hier et…

— Parce que je n’ai rien de plus à t’offrir, merde ! s’emporta Peyton, exaspérée, en enfonçant son bonnet sur sa tête. J’y vais, à ce soir.

La main sur la poignée de la porte, prête à sortir, Peyton hésita. Elle était médecin en service de réanimation depuis trop longtemps pour ignorer que tout pouvait arriver en un claquement de doigts. Tout. Elle s’était ainsi juré de ne jamais oublier de montrer aux personnes qu’elle aimait combien elle tenait à elles. Parmi ces personnes, il y avait sa mère, sa grand-mère et Lisa… Partir fâchée n’était pas envisageable, n’était pas une option viable. Peu sûre d’elle, Peyton s’avança et déposa maladroitement ses lèvres sur celles de sa compagne. Le baiser n’avait rien d’affectueux, de passionné, de gentil. Il ressemblait plutôt à un automatisme qui leur laissa à toutes les deux un goût amer au fond de la gorge.

Rapidement, sans un regard en arrière, Peyton ouvrit la porte d’entrée et disparut dans le couloir. Au moment où le battant claqua, certainement à cause d’un geste énergique de Lisa, Peyton se souvint d’un détail de taille. Merde, Christopher ! Elle avait complètement oublié le frère cadet de son amante. Je ne peux pas retourner le chercher. Lisa va me tuer si je fais ça. La jeune médecin se balança d’un pied sur l’autre, mal à l’aise, quand une voix grave la sortit de ses pensées.

— C’est pas trop tôt. J’ai cru que tu n’allais jamais arriver. On y va ?

Peyton leva les yeux et découvrit l’adolescent de dix-sept ans adossé négligemment à côté de la porte donnant sur les escaliers. Il avait lui aussi revêtu sa tenue de course et l’attendait, apparemment prêt pour leur jogging matinal.

— Désolée, je… commença Peyton avant de s’arrêter, incapable de poursuivre.

Qu’est-ce que je pourrais lui dire ? La vérité ? J’ignore moi-même ce qui nous arrive, alors comment lui expliquer ?

— Je sais. T’inquiète. Je crois que tout l’immeuble est au courant de vos disputes. On vous entend même du couloir.

— Oh merde ! Sérieusement ?

— Arrête, c’est une blague. Tu te souviens que l’appart est insonorisé. Ma sœur est pianiste, je te rappelle.

Soulagée et pourtant toujours aussi ennuyée, la jeune médecin reprit :

— Je suis désolée, Chris. Ta place n’est pas facile et je ne veux vraiment pas te mêler à nos problèmes. Ça concerne uniquement ta frangine et moi.

Peyton s’avança vers lui, parcourant les cinq-six mètres entre eux. Avec un immense et éblouissant sourire, il lui répondit d’un léger coup d’épaule quand elle atteignit sa hauteur.

— Tu es la personne la plus responsable et respectueuse que je connaisse, après ma sœur. Donc rassure-toi, je sais que vous ne me forcerez, ni toi ni elle, à prendre parti.

Aucun des deux ne rajouta quoi que ce soit au moment où ils descendirent les escaliers l’un derrière l’autre. Une fois dehors, le froid de ce mois de décembre à Washington les cueillit par surprise. Ils avaient beau être équipés, la brûlure était mordante. Exactement ce dont j’ai besoin, c’est parfait pour me motiver et me vider la tête. Peyton se tourna vers Chris et, tout en remontant le col de sa veste de course, lui lança un petit challenge.

— On essaie d’accélérer la foulée, aujourd’hui ?

Le jeune homme qui allait fêter ses dix-huit ans dans quelques mois l’observa de son regard bleu perçant. Le même que celui de sa sœur.

Avec son habituel doux sourire, il rétorqua, joueur :

— Quelqu’un t’a dit que j’avais la mucoviscidose ? Juste pour être sûr ? Parce qu’il n’y a pas si longtemps, j’ai fait un séjour en réanimation ?