Interview de Jae : la reine de la romance lesbienne anglophone

Jae Interview

Interview de la reine de la romance lesbienne anglophone pour la sortie de son nouveau roman traduit en français : Un appartement pour Deux

Bonjour Jae, Un Appartement pour Deux est votre cinquième roman traduit en français. Pouvez-vous le présenter à nos lecteurs ?

Un Appartement pour Deux est une romance où les opposées s’attirent le tout associé une fausse relation amoureuse. Elle a lieu entre Steph, une comédienne stand-up, et Rae, une ancienne policière qui exerce maintenant comme agente de sécurité dans le club de comédie où Steph travaille.

Ces deux femmes sont incroyablement différentes : Steph est extravertie et se cache toujours derrière une blague, tandis que Rae est grincheuse et réservée. Elle garde ses distances avec les gens, en particulier depuis qu’elle a perdu un œil et son emploi dans l’exercice de ses fonctions. Steph emménage à Los Angeles pour tenter de percer en tant que comédienne. Elle trouve l’appartement parfait, mais il y a un hic : elle ne peut pas se le permettre seule, et le propriétaire n’accepte pas de colocataires. Alors elle a une idée audacieuse : elle et Rae peuvent prétendre être en couple.

Au début, leur nouvelle situation de vie ne démarre pas sur les chapeaux de roue, mais ensuite Steph commence à briser les barrières que Rae a construites autour d’elle.

D’où vient l’inspiration de cette histoire ?

Si vous avez lu Fiancée sous Contrat, mon roman précédent qui a été traduit en français par Reines de Cœur, vous avez déjà rencontré Steph. Steph est la petite sœur de Claire, la psychologue maniaque de l’ordre de Fiancée sous Contrat.

Dans ce roman, Steph semblait être un personnage vraiment intéressant qui volait la vedette dans chaque scène où elle apparaissait. Et puisque nous avons découvert qu’elle est bisexuelle, je savais qu’elle devait avoir son propre livre.

En tant que comédienne, elle est toujours prête à faire une blague ou un commentaire spirituel. Mais je voulais montrer ses valeurs plus profondes, alors je l’ai associée à Rae, un personnage très fermé parce qu’elle a été blessée physiquement et émotionnellement. C’était vraiment intéressant de les voir s’ouvrir lentement l’une à l’autre et commencer à se faire confiance.

Le retour de Claire et Lana de Fiancée sous Contrat

Diriez-vous que, d’une certaine manière, Steph se retrouve dans la même position que sa sœur aînée, Claire, qui a simulé une romance avec Lana dans Fiancée sous Contrat ?

Absolument ! C’est une situation similaire, car Steph a eu l’idée de s’inventer une fausse petite amie parce que sa sœur a fait la même chose. Bien sûr, elle est convaincue que, contrairement à sa sœur, elle ne tombera pas amoureuse de sa fausse petite amie.

Dans Un Appartement pour Deux, la relation fictive joue un rôle moins important que dans Fiancée sous Contrat. Le livre parle davantage de Rae qui apprend à vivre avec un seul œil et à faire confiance à Steph, tout en se montrant vulnérable.

Et en parlant de la famille, Claire n’avait pas de soucis financiers, tandis que l’on sent que Steph éprouve des difficultés, car elle a décidé de vivre son rêve. Était-il important pour vous de montrer que suivre ses rêves n’est pas toujours facile ?

Il est toujours important pour moi d’avoir des personnages réalistes. Tous les personnages ne peuvent pas être riches ou avoir un emploi bien rémunéré. Tout comme Denny de Faux Numéro Vraie Rencontre, qui est caissière, Steph a du mal à joindre les deux bouts certains mois. Elle a quitté l’université pour vivre son rêve et devenir une comédienne stand-up.

Je peux vraiment comprendre ce qu’elle vit. Il y a presque 10 ans, j’ai quitté mon emploi stable de psychologue pour écrire à plein temps. C’était un risque, car il n’y a pas de revenu régulier quand on est écrivaine, mais être écrivaine à temps plein est un rêve devenu réalité. Ce n’est pas toujours facile, et je travaille beaucoup plus longtemps que je ne l’ai jamais fait en tant que psychologue (370 heures de travail le mois dernier !), mais je n’ai jamais regretté ma décision, et Steph non plus.

Deux femmes que tout oppose : Steph et Rae

Diriez-vous que Steph et Rae sont comme le jour et la nuit, à première vue ? L’une est spontanée et exubérante, l’autre est réfléchie et introvertie ?

Oui, ce sont de parfaites opposées, du moins en apparence. Rae est très réservée et un peu grognon. Elle ne laisse pas les gens s’approcher. Steph, en revanche, est extravertie et spirituelle.

Mais quand on y regarde de plus près, on réalise qu’elles ont aussi beaucoup en commun. Elles ont toutes les deux peur de se rendre vulnérables, de s’ouvrir à l’amour, et de prendre le risque de se faire du mal. Elles gèrent simplement cette peur différemment – Rae en se fermant aux autres et Steph en se cachant derrière des blagues.

D’où vient l’idée du handicap de Rae ? Et combien de recherches avez-vous fait sur les prothèses oculaires ?

Inclure des personnages handicapés et atteints de maladies chroniques dans mes livres est important pour moi. Je vis avec une basse vision, il m’a donc semblé logique d’avoir un personnage avec une déficience visuelle.

Je voulais aussi montrer Rae à un moment de sa vie où elle est particulièrement vulnérable et déterminée à ne laisser personne s’approcher d’elle. Elle a peur que personne ne puisse l’aimer ou la trouver attirante avec un seul œil. La scène où elle laisse enfin Steph la voir sans sa prothèse oculaire est l’une de mes préférées.

J’ai effectué 250 heures de recherche pour Un Appartement pour Deux – certaines pour comprendre la vie d’une comédienne et d’autres pour comprendre comment les personnes qui perdent un œil doivent s’adapter. J’ai trouvé deux personnes dans cette situation qui étaient prêtes à me parler de la façon dont leur vie avait changé après avoir perdu un œil et comment prendre soin de leur prothèse oculaire. Il était important pour moi de le décrire de manière réaliste mais sensible.

Jae, la reine de la romance lesbienne anglophone, nous parle d’inclusivité et de diversité

Dans ce roman, Steph est bisexuelle et la propriétaire du bâtiment porte un T-shirt « Love is Love is Love » (avec trois « love », c’est encore plus inclusif qu’avec deux). Est-il important pour vous de représenter autant que possible la diversité de la communauté queer ?

Je possède le même T-shirt mentionné dans le roman. La diversité sous toutes ses formes et le soutien aux membres de la communauté queer sont incroyablement importants pour moi. Dans mon cercle d’ami.e.s, j’ai des femmes lesbiennes, bisexuelles, pansexuelles, queer et asexuelles, ainsi que plusieurs personnes non binaires. Je les aime et je les respecte chacun.e pour ce qu’ils et elles sont, et je veux leur donner une représentation positive et respectueuse dans mes romans. Je crois profondément que nous avons besoin de nous voir et de voir nos vies retranscrites de manière positive dans les romans, en particulier puisque nous n’avons pas souvent cette représentation dans d’autres médias tels que le cinéma ou la télévision.

Souvent dans les romances, il y a une dispute près de la fin et les personnages se séparent avant de se trouver et de retourner l’un vers l’autre. Ce n’est pas du tout le cas dans vos histoires, qui ont tendance à commencer par des disputes et se terminent par l’acceptation de l’amour. Est-ce intentionnel ?

On enseigne souvent aux écrivains que la structure classique d’un roman d’amour doit comporter une grande scène de rupture aux alentours des 75 %, lorsque tout espoir semble perdu et qu’il semble que les personnages ne parviendront jamais à s’unir ou à rester ensemble.
Mais je ne suis pas très favorable à l’application de cette structure à tous les romans d’amour. Il y a des romans dans lesquels une rupture a du sens et semble même inévitable, mais cela doit venir des personnages et de leur histoire, et non d’une formule prescrite.
Je déteste particulièrement que cette rupture soit basée sur un énorme malentendu qui aurait pu être évité si seulement ils avaient eu une conversation de deux minutes.
Je préfère que mes personnages soient suffisamment mûrs pour communiquer au lieu de se disputer et de se blesser mutuellement en se séparant. J’aime les voir résoudre leurs problèmes ensemble. Cela rend une fin heureuse beaucoup plus crédible à mes yeux, car cela me permet de croire que peu importe ce que la vie leur réserve, ils resteront ensemble et résoudront le problème ensemble.

Jae parle de l’impact de son passé de psychologue dans son écriture

Avec le personnage de Rae, vous montrez que les moqueries entendues dans l’enfance laissent des traces à l’âge adulte. Est-il important pour vous de souligner que tout a des conséquences ?

L’une des choses qui m’a le plus marquée lorsque je travaillais comme psychologue, c’est de voir à quel point la plupart d’entre nous, en tant qu’adultes, luttons encore contre des choses qui se sont produites lorsque nous étions enfants. Il ne s’agit pas toujours de traumatismes de l’enfance ; il peut s’agir de petites choses qui laissent encore des traces et qui minent notre estime de soi ou nous empêchent de nous ouvrir aux autres.
Quand je commence à travailler sur un livre, je crée une histoire pour chaque personnage, je pense à leur famille, à leur enfance et j’invente toutes les circonstances qui font de ces personnages les personnes qu’ils sont aujourd’hui.
Alors oui, il est important pour moi de montrer que notre passé fait de nous ce que nous sommes, mais il est tout aussi important de montrer que nous ne sommes pas des victimes impuissantes du passé. Mes personnages surmontent leurs peurs et leurs croyances dysfonctionnelles et trouvent le bonheur malgré les cicatrices qu’ils portent du passé. J’espère donc que mes livres sont encourageants.

La reine de la romance lesbienne anglophone a placé de nombreuses allusions sexuelles dans la bouche de Steph…

Solène, la traductrice, a eu du mal à garder tous les sous-entendus et blagues sexuelles de Steph. N’était-ce pas difficile à imaginer et à saupoudrer tout au long du livre, d’autant plus que l’anglais n’est pas votre langue maternelle… Le personnage ne s’arrête jamais, c’est intense !
Il n’a pas été difficile d’écrire les allusions sexuelles et les blagues dans ses dialogues de tous les jours. Je ne pense pas en allemand lorsque j’écris ; je pense en anglais, et le fait que ce ne soit pas ma langue maternelle n’a aucune importance. C’est ma langue créative qui me vient le plus naturellement quand j’écris.
Cependant, j’ai acquis un profond respect pour les comédiennes. Pour dépeindre la vie de Steph de manière réaliste, je devais la montrer sur scène lorsqu’elle présente son programme de stand-up. J’ai donc dû apprendre à écrire des comédies, et c’est très difficile.
Une fois la version anglaise du roman terminée, je l’ai également traduite en allemand, ma langue maternelle. Cela a été incroyablement difficile, car les blagues et l’humour reposent souvent sur l’ambiguïté et sur le fait que les mots ont plus d’un sens, ce qu’ils n’ont pas forcément dans une autre langue. Ainsi, une blague qui fonctionne parfaitement en anglais ne fonctionnera pas du tout en allemand ou en français, ce qui signifie qu’il faut trouver autre chose.
Je comprends donc la douleur de Solène et je la remercie du fond du cœur de veiller à ce que Steph soit aussi drôle en français qu’en anglais !

2 Commentaires sur “Interview de Jae : la reine de la romance lesbienne anglophone

  1. Cortin Cecile dit:

    L’extrait et l’interview de Jae sont très prometteurs.
    Je m’attends à un joli roman inclusif, positif, parsemé de sous-entendus taquins (tracas pour Solène !!)
    Penser et écrire en anglais, langue non maternelle, me laisse pantoise !🤔

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