Extrait de Cible road trip lesbien version polar

Nouveau roman lesbien de véronique bréger

Découvrez cet extrait de Cible, le nouveau roman de Véronique Bréger entre road trip lesbien et polar

L’aéroport d’Hatay, situé à une trentaine de kilomètres d’Antioche, présentait une structure toute en courbes. Moderne et lumineux, grâce à de larges baies vitrées, le bâtiment offrait une vue panoramique sur les différents paysages. Il occupait une plaine bordée d’un massif montagneux à l’ouest et ouverte vers la Syrie à l’est. Alep, la ville martyre, n’était qu’à une encablure. Combien de femmes et d’hommes, du bébé au vieillard, avaient fui leur patrie afin de trouver refuge dans les camps disséminés en Turquie ? Combien ? se répéta Hécate mentalement en songeant au prix d’une vie dans certaines contrées. Vêtue de noir, du foulard aux chaussures, elle déambulait parmi les visiteurs venus chercher un proche.

Arrivée depuis une quinzaine de jours sur le sol turc, Hécate avait pris ses marques malgré un laps de temps consacré à la reconnaissance de terrain trop court pour apprécier les subtilités géographiques de la région. Le périple commencé sur une frégate de la marine française s’était achevé de nuit dans un hors-bord rapide de commandos. Débarquée sur une côte déserte, elle avait marché six kilomètres jusqu’au point de rendez-vous, une mosquée délabrée, où l’attendaient un véhicule hors d’âge et un sac de voyage avec ses nouveaux vêtements et papiers d’identité. On n’avait pas eu la possibilité de peaufiner sa couverture, mais le fait qu’elle parle turc couramment et sans accent aiderait. Hécate s’appelait Zeynep Yildiz, née le 29 octobre 1980 à Ankara. Veuve de Recep Yildiz, soldat tué lors de combats en Afghanistan, sans enfant. Conseillère d’orientation au Lycée français Notre-Dame de Sion à Istanbul, elle était de passage à Antioche afin d’assister à l’enterrement d’un cousin.

Zeynep Yildiz logeait au Caravansérail Hôtel où deux chambres avaient été réservées aux noms de Megan Mitchell et Julian Tusk. Les Américains devaient y dormir trois nuits. La période prévue pour que les autorités valident la prise en charge de la cargaison amenée des États-Unis et préparent son acheminement vers le camp de Kilis s’étendait donc a priori sur quatre jours. Les informations glanées par les services de Brouno ne permettaient pas de déterminer si Megan Mitchell et son collègue accompagnaient le convoi au terme de son voyage. Des zones d’ombre demeuraient à ce sujet. « C’est secondaire. » Le commentaire de Brouno avait auguré de la suite de son exposé. Une seule certitude, c’était à Antioche que Megan serait la plus accessible et donc la plus vulnérable. La tueuse avait d’ores et déjà étudié toutes les possibilités d’intervention. Son ultime contact avec Smith confirmait les renseignements de Brouno, l’avion affrété par PharmaFree atterrissait le jour même.

Un Airbus A320 aux couleurs de la Turkish Airlines se posa sur la piste, bientôt suivi d’un Boeing 727 de la FedEx. Alors que l’Airbus se dirigeait vers l’un des terminaux, le Boeing roula vers un parking situé à l’écart. Installée sur un siège face aux vitres, Hécate, faussement penchée sur le journal local, observait l’appareil et l’activité alentour. Une voiture de police, un véhicule militaire, et une camionnette du Croissant-Rouge rejoignirent le périmètre sans tarder. Plusieurs minutes s’écoulèrent avant qu’une passerelle mobile soit plaquée à la carlingue. Un homme, chemise et casquette de commandant de bord, accueillit les deux agents montés en premier. Ils disparurent à l’intérieur. Les autres protagonistes patientaient sagement sur le tarmac.

Un couple vint s’asseoir à proximité d’Hécate. Elle tourna une page de son hebdomadaire. La femme lui adressa un sourire et réajusta son fichu tandis que son compagnon observait l’effervescence des soldats en déploiement autour de l’appareil étranger. Les deux passagers du vol humanitaire se profilèrent sur l’estrade. De là où elle était, Hécate ne distinguait pas le détail des visages. Elle se focalisa brièvement sur la silhouette qui collait Megan Mitchell. Une guêpe sur un pot de miel. Le dossier fourni par Brouno stipulait un changement dans le mode de fonctionnement de PharmaFree, exit le duo féminin habituel. Hécate ne s’attarda pas sur les nombreuses options relatives à cette substitution. Elle se concentra sur sa cible. Megan Mitchell serra tour à tour les mains des trois personnels du Croissant-Rouge. Sans se presser, elle leur fit face, les yeux dans les yeux. Elle précise qu’elle est leur égale, sans arrogance, avec fermeté. Ellene chercha pas à discipliner ses cheveux mi-longs chahutés par le vent, pas plus qu’elle n’envisagea de se couvrir la tête. La Turquie était officiellement et jusqu’à nouvel ordre un pays laïc. Il y eut des échanges et la gestuelle corporelle des protagonistes indiquait qu’ils étaient cordiaux, à défaut d’être complètement sincères.

On invita les Américains à suivre un militaire chargé de les escorter vers le terminal. Pilote et co-pilote restèrent à bord. Hécate se leva sans quitter des yeux celle qui marchait en direction du bâtiment. Démarche souple et assurée, air volontaire, Megan Mitchell se matérialisait. Vivante, motivée, pleine d’humanité. Ce premier contact était conforme à ce qu’Hécate avait pressenti via les photographies. Elle avait pour habitude d’enregistrer le moindre détail émanant de cet instant, quand la chair remplaçait le virtuel. Elle stockait l’impression dans un coin de sa mémoire afin de s’y référer si besoin, en cas de doute. Il ne s’agissait pas de réfléchir aux raisons du contrat, mais plutôt de se familiariser et de créer une sorte de lien indéfectible qui guiderait son assaut le moment venu. Cela s’apparentait à décoder une routine étrangère et la faire sienne. Tout se jouait dans la répétition. Impossible, cette fois. Hécate était piégée. Quatre jours. Bien trop court. Elle allait devoir improviser, déclencher l’opportunité et parier sur la chance. Trois paramètres incompatibles avec ce genre de mission. Elle jeta son journal dans une corbeille, ajusta ses lunettes de soleil et s’éloigna des baies vitrées avant de se diriger vers le hall des arrivées.

Megan Mitchell inspirait l’air frais et sec tout en promenant son regard sur les ondulations de la toiture du bâtiment vers lequel leur chaperon les conduisait, Julian et elle. Heureuse de se dégourdir les jambes et d’échapper à la proximité de Julian, elle profita de la centaine de mètres qui les séparaient du terminal. Souffler et se détendre, ce n’était pas si évident. Les douze heures de vol et la promiscuité imposée par l’aménagement de l’espace intérieur de l’avion avaient malmené sa résistance au stress. Les choses étaient différentes quand elle voyageait avec Lindsay, au début de leur association, surtout. Lindsay n’avait pas daigné accompagner l’équipe avant l’embarquement. Cela n’avait étonné personne et Megan le présageait, cette expédition serait la dernière effectuée par son ONG. Elle s’attendait à des démissions en cascade, les sept collaborateurs de PharmaFree, femmes et hommes, étaient au fait de sa situation. Arrêt du sponsoring familial et rupture amoureuse. Lindsay était appréciée de tous et Megan était responsable de la faillite générale.

Elle se débarrassa de son chèche et l’enroula autour de l’une des lanières de son sac à dos. Les militaires arrivaient de toutes parts et encerclaient leur avion. Perdue dans ses pensées, Megan ne se retourna pas.

Pour rappel, le roman Cible sort le 13 Avril prochain !

Si vous avez raté l’article de sortie et le puzzle, voici une information importante ! Cible sortira le 13 avril prochain à 0h01. Attention, le sommeil est important, alors attendez le matin si vous n’êtes pas sur un autre fuseau horaire, en train de travailler ou insomniaque.

Il y en aura pour tout le monde….

Et la couverture, parce qu’elle est belle et intrigante à souhait…

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