Interview de Lena Clarke pour son roman de SF lesbien Inline

Lena Clarke

Lena Clarke se livre sur Inline, son nouveau roman de SF lesbien

Bonjour, Lena, tu nous reviens avec un roman très attendu. Peux-tu résumer l’histoire d’Inline pour notre lectorat ?

Bonjour ! Dans Inline, nous suivons Kaori, une jeune femme de vingt-trois ans qui travaille en tant que scénariste pour une société japonaise créant des jeux et mondes virtuels. Au 23e siècle, ces derniers sont très populaires dans le monde entier, et Kaori s’y sent bien plus à l’aise que dans la réalité. Son quotidien bascule lorsque son supérieur lui fait la présentation d’un nouveau jeu, Paris Inline. Engagée pour le développer, elle rencontre de nouveaux collègues et se heurte à des difficultés imprévues.

Quelle a été ta source d’inspiration pour ce récit futuriste ?

Je pense que mon intérêt pour la réalité virtuelle a débuté à cause de certains mangas. Sword Art Online est celui qui m’a le plus marqué et je m’étais toujours dit qu’un jour, j’écrirais un récit où mes personnages auraient la possibilité de quitter le monde réel et de se plonger dans des environnements totalement différents.

Est-ce que c’est la première fois que tu écris de la science-fiction pure ?

Je ne sais pas si on peut parler de science-fiction pure. J’ai surtout l’impression d’avoir décrit la vie de Kaori. Son environnement, son entourage, son quotidien… En réalité, seuls le cadre et les possibilités changent par rapport à de la romance. Cette dernière n’est pour une fois pas au centre du récit, cependant elle demeure malgré tout bien présente.

Un lien avec la nouvelle Entre Rêve et Réalité

Pourquoi avoir choisi le Japon comme décor pour ton histoire ?

À la base, cette histoire devait être une simple nouvelle faisant suite à Entre rêve et réalité. Je voulais décrire des aspects du monde futuriste que je n’avais pas pu exploiter dans cette première histoire. Donc forcément, le choix de baser Inline au Japon était évident.
Après, et si on oublie ce facteur, je dirais que j’aime ce pays tout simplement. Je n’ai pas souvent l’occasion de baser mes romans là-bas et il s’agissait par conséquent d’une bonne opportunité.

Kaori est un personnage très timide. Dirais-tu qu’elle est victime de phobie sociale ?

Tout à fait. Elle a beaucoup de mal à communiquer et à interagir avec les autres. La peur d’être jugée et de se ridiculiser la freine dans ses relations et la pousse à vouloir s’isoler. Au début du récit, elle évite toute situation stressante et préfère rester seule. Vivre dans le monde réel lui est pénible et pour cette raison, elle a tendance à se réfugier en ligne. Là-bas, tout lui paraît facile. En cas de problème, il lui suffit de se déconnecter et grâce à la personnalisation de son avatar, elle a davantage confiance en elle.

Penses-tu que la réalité virtuelle crée de la phobie sociale en isolant les gens, ou au contraire propose une solution pour les personnes plus timides ? En effet, c’est intéressant de voir la confiance que Kaori a dans son travail et de voir qu’elle a du mal à avoir la même confiance en elle dans le monde réel.

Plutôt que créer, je dirais qu’elle intensifie le phénomène. La réalité virtuelle permet aux personnes timides de se sentir plus à l’aise. Ils peuvent tout contrôler et vivre des choses qui leur semblent impossibles dans le monde réel. Cela leur permet d’oublier leurs difficultés, mais, et par extension, la possibilité de passer du temps dans un environnement aussi plaisant ne les incite pas non plus à travailler sur eux-mêmes. Puisque tout est si facile en ligne, ils préfèrent se connecter et fuir la réalité.

Quant à Kaori, elle a parfaitement conscience d’être douée dans son travail, mais sortie de ce cadre, tout est beaucoup plus compliqué. Les relations sociales sont un véritable mystère pour elle et surtout, elle n’a pas l’impression d’être intéressante en tant que personne.

Gabrielle, une héroïne entreprenante ?

Gabrielle, au contraire, sait ce qu’elle veut et on peut dire qu’elle est entreprenante ! [rires] Est-ce que tu as créé le personnage de Gabrielle par opposition à celui de Kaori, ou est-ce que tu as imaginé ces deux femmes séparément et as laissé l’histoire faire le reste entre elles ?

Un peu des deux. Si je voulais qu’une histoire naisse entre elles, il fallait obligatoirement que Gabrielle soit entreprenante et désireuse de nouer des liens avec Kaori dans la réalité. Car, en effet, il ne fallait pas compter sur l’héroïne pour faire le premier pas et encore moins pour proposer la moindre rencontre dans le monde réel. Sans Gabrielle et sa persévérance, c’est simple, il n’y aurait pas eu d’histoire d’amour. Kaori aurait continué à s’amuser en ligne et aurait probablement fini par se marier là-bas afin d’obtenir des avantages dans ses jeux préférés.

Néanmoins, tout n’était pas prévu dès le départ. Le personnage de Gabrielle me paraissait assez mystérieux quand j’ai commencé à écrire. Et surtout, je n’étais pas certaine qu’elle finirait avec Kaori. J’avais plusieurs scénarios en tête et au final c’est l’histoire qui a décidé de réunir ces deux femmes.

Tu nous offres une multitude de personnages secondaires qui sont bien décrits et assez profonds. Est-ce important pour toi de faire de la romance qui ne met pas en scène juste les deux héroïnes ?

Je pense que pour réussir à rendre une héroïne plus attachante, mais surtout plus réelle, il est important de la voir interagir avec différentes personnes. Son comportement ne sera pas le même avec son love interest, des amis ou encore quelqu’un qu’elle n’apprécie pas et par extension, oui il est important de créer des personnages gravitant autour d’elle qui lui permettront d’évoluer.

Dans ce récit en particulier, les personnages secondaires ont une grande importance. Je pense même que Shan Lee, la meilleure amie de Kaori, apparaît tout autant que Gabrielle. Et forcément, je ne pouvais pas me contenter de la décrire superficiellement. Tous les personnages sont censés avoir une vie qui leur est propre, un caractère unique et pour rendre l’histoire plus crédible, leur inventer des soucis ou encore un passé me paraît indispensable.

Dans ce roman de SF lesbien, Lena Clarke fait de nombreuses références à ses anciens écrits

Dans ce roman, tu nous offres beaucoup de références à d’autres de tes écrits. Il faudrait presque qu’on lance un jeu-concours pour retrouver tous les clins d’œil parsemés çà et là [rires]. Tu aimerais recevoir des retours de lecteurs et lectrices à ce propos ? Est-ce que tu te rappelles combien de références tu as faites ?

Je vote pour ce jeu-concours ! Néanmoins, je pense que les lecteurs auraient bien du mal à avoir la réponse juste puisque certaines références portent sur des romans qui ne sont pas encore sortis [rires]. En fait, ce n’est pas compliqué, dès que j’avais besoin d’inventer quelque chose pour les besoins de l’histoire, que ce soit un film, une série, un jeu, je piochais allégrement dans mes récits passés. Je sais que les lecteurs aiment les références, alors pourquoi se priver ?

Du coup, oui, j’aimerais beaucoup recevoir leurs retours. Mais non, je ne sais plus précisément combien de références il y a. Au moins quatre, ça c’est sûr !

Mention spéciale pour le personnage de Nathaniel. Arrête-moi si je me trompe, mais on dirait que tu es allée un cran au-dessus dans la description d’un personnage mauvais. Il vole et il ment, il ne recule devant rien ! Pourquoi est-il comme ça ?

Parce qu’il me fallait un méchant ? [rires] Non, en vrai, et c’est triste, mais les personnes comme ça existent réellement dans la vraie vie. Pour obtenir une prime, une augmentation de salaire ou encore une promotion, certains sont prêts à aller très loin.

Nathaniel est quelqu’un de très égocentrique qui a une haute estime de lui-même. Au début de l’histoire, Kaori ose lui tenir tête et à partir de ce moment-là, il n’aura de cesse de vouloir se venger.

Je pense que la présence de ce genre de personnage permet aussi de comprendre pourquoi Kaori est si mal à l’aise dans la réalité. Car après tout, si tout le monde était gentil, tolérant et avec le cœur sur la main, il n’y aurait pas de raison pour elle de préférer se réfugier dans le virtuel.

Inline, un roman de SF lesbien avec un beau message

Si ton roman avait un message à faire passer, lequel serait-il ?

À la base, le récit devait montrer que peu importe les avantages du virtuel, le monde réel avait beaucoup à offrir. Mais dans les faits, j’ai surtout l’impression que le message s’est transformé en : « Avoir une petite amie, c’est trop génial ! ». [rires]
Donc, je ne sais pas. Je dirais que le roman insiste sur l’importance d’être bien entourée. Lorsqu’elle est soutenue, Kaori parvient à accomplir un tas de choses. Ses difficultés demeurent présentes, néanmoins elle parvient à se surpasser.

Question bonus : penses-tu que notre futur ressemblera à celui que tu as décrit ?

Eh bien, puisqu’il s’agit de mon futur idéal, je l’espère ! Toutefois j’en doute sérieusement. À mon avis, certaines choses, comme la réalité virtuelle, deviendront aussi populaires que dans le roman, mais pour le reste, rien n’est moins sûr.

Une dernière chose à dire ? Un projet en cours dont tu aimerais parler ?

Merci de me suivre sur ce nouveau projet ! Il est un peu différent de mes récits habituels, mais compte beaucoup pour moi. Kaori est un personnage qui me tient à cœur et j’espère que vous lui réserverez un bon accueil.

En dehors de ça, sachez que je n’oublie pas toutes les personnes qui préfèrent la romance contemporaine. Je viens de me lancer sur une nouvelle histoire qui, pour une fois, se passera en France et sera normalement écrite avec un double point de vue. J’ai bien compris que ne pas connaître les pensées du second personnage pouvait être frustrant, alors je vais tâcher de remédier à ce problème.

Merci, Lena !

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