Comment ont réagit les proches de nos auteures de romance lesbienne en apprenant la nouvelle de leur publication ?
Nos auteures ne sont pas des auteures professionnelles de romance lesbienne, c’est-à-dire qu’elles ne gagnent pas leur vie en écrivant et qu’elles ont toutes un métier à côté. Vous êtes une personne ordinaire, publiée. Alors, vous changez de registre.
Parfois le regard change, parfois pas et au final ça peut donner des réactions assez drôles et bizarres. Petit florilège et confidences de nos auteures sur les réactions de leurs proches…
Sylvie Géroux : La Brise du Désir
Ce qu’en pensent les proches… Mmm, quelle bonne question ! En fait, je crois que je ne me suis, et ne leur ai, jamais posé la question. Je me demande bien pourquoi ! En ce qui me concerne, le premier livre que j’ai sorti était une romance lesbienne publiée par Harlequin… Alors autant le dire. Les réactions étaient presque toujours teintées d’étonnement. Normal, moi aussi j’étais plutôt surprise.
Voir du lesbien chez Harlequin, ce n’était pas si courant. Et puis, il faut avouer que si la plupart de mes proches savaient que j’écrivais, je pense qu’ils me voyaient plutôt manipuler des serials killers que faire voler des soutiens gorges aux quatre coins de la pièce. Au final, j’ai fini par faire les deux dans mon deuxième roman d’ailleurs ! Ma copine de l’époque a immédiatement décidé de me renommer Froggy Cartland… Le « Froggy » étant un rappel direct de mon pays natal (il faut rappeler qu’elle est indienne et que nous vivions alors à Londres, où la réputation de mangeur de grenouilles des français est encore sujette à plaisanterie).
Quant au « Cartland », il se référait évidemment à la grande prêtresse de la romance, j’ai nommé : Barbara Cartland. J’ai envisagé un moment de m’acheter des robes rose bonbon et des mini-chiens qui font la tronche… Et puis finalement, j’ai abandonné l’idée… Les poils de chien sur le rose, c’est l’enfer ! Ma famille s’est montré plus raisonnable heureusement. Mais quoiqu’il en soit, j’ai remarqué que chacun avait son mot à dire sur mes prochains projets. Ma mère aime les romances, mon père, les thrillers à la Stephen King et la science-fiction.
Ma meilleure amie me dit d’abandonner les histoires d’amour pour le fantastique jeunesse, et mon ex-copine indienne voudrait de l’érotique (je me demande un peu pourquoi vu qu’elle ne lit pas le français)… Et bien sûr, il y a les inconditionnels du papier qui râlent, et me demandent quand ils pourront enfin me lire. Autant dire que si je veux contenter tout le monde, j’ai encore du pain sur la planche ! Je me demande si je ne vais pas mettre en place un système de tickets comme à la sécu…
Virginie Rousseau : Journal d’une Confidente et Sous le Charme de Noël
Ma mère est ma première fan, littéralement. Elle me voyait souvent écrire sur mon ordinateur sans vraiment savoir pourquoi. « Parce que j’aime écrire, ça me détend. » je répondais lorsque sa curiosité la démangeait trop et qu’elle me posait alors la question. Quand je lui ais dis qu’une maison d’édition m’avait approché, elle n’a pas vraiment compris. Elle pensait que c’était « pour rire ».
Puis, au fil des jours, des mois, de l’écriture, elle a compris que c’était bien plus qu’un passe-temps. Mais elle a vraiment pris conscience que c’était du sérieux à la réception de mon contrat. Elle a eu peur aussi face à cet univers qu’elle ne connaissait pas et dans lequel je mettais les pieds. Finalement, j’ai reçu les premiers visuels de la couverture. Puis les premières ventes et ma participation au Salon du Livre Lesbien à Paris l’ont confortée dans l’idée que c’était quelque chose de bien, de sérieux.
Elle ne comprend pas cette histoire d’Ebook, c’est assez drôle « Mais c’est un livre ou quoi ? » mais finalement, elle sait l’essentiel : j’ai écris quelque chose et les gens me lisent. A présent, lorsqu’elle me voit écrire sur mon ordinateur, la question systématique qui revient c’est « Tu écris un bouquin ? » J’ai peine à lui expliquer ce qu’est une fanfiction… Ça, c’est une autre histoire.
Isabelle B. Price : L’Héritage du Pouvoir – Tome 1 et Venue de Loin
Ma famille est vaguement au courant que j’ai sorti un livre mais n’en parle pas plus que cela. Ma belle-mère par contre est totalement fan. Elle a harcelé Gaëlle pendant des mois pour que cette dernière lui mette le roman sur sa tablette.
Et non, nous n’avons pas parlé de la scène d’amour avec ma belle-mère, il y a des sujets qu’il vaut mieux éviter. Le fait que je sois publiée n’est pas quelque chose d’exceptionnel dans mon entourage. Peut-être parce qu’il s’agit de la maison d’édition que j’ai co-créé. C’est un peu comme si j’avais un passe-droit et que je pouvais éditer n’importe quoi. Je n’ai jamais dit à personne que mon histoire de vampires n’était jamais sortie finalement. Mais ça pourrait les rassurer sur le fait que moi aussi parfois j’écris des trucs nuls ! Non, plus sérieusement, soit mon entourage n’est pas surpris, soit il ne comprend pas. Beaucoup ont cessé de chercher à avoir des précisions sur ce que je faisais à l’époque d’Univers-L.
Par contre, mes amis s’amusent beaucoup du fait que je sois publiée. Rien qu’au nouvel an j’ai eu droit aux blagues habituelles de Michael, le meilleur ami de Gaëlle. Il n’arrête pas de m’appeler « Bi Praïsse » avec son véritable accent anglais. Et il me dit qu’à chaque fois qu’il croise une lesbienne il lui lance qu’il me connait. Comme si j’étais une superstar… Il adore se moquer quoi…
Marie Parson : Seconde Chance
On aborde peu le sujet de l’homosexualité dans ma famille. Parce que quand on l’aborde, on n’est pas du tout du même avis. Je n’ai toujours pas digéré que mon frère ait dit que « les homos voulaient tout trop vite lors du débat sur le mariage pour tous »… Mais bien sûr. Après tout, on n’est pas considéré comme égaux depuis si longtemps qu’un peu plus un peu moins, fallait pas demander ! Enfin je m’égare.
Je parle donc peu de mes romans (celui que j’ai publié et celui que j’écris). J’en parle peu avec mes parents et mes frères et sœurs. Par contre ma compagne me subit au quotidien. Et croyez-le ou non, elle me soutient sans réserve. Cette femme accepte que je n’avance pas sur mes histoires à cause de tout ce qu’on a à faire en ce moment. Elle est d’accord que je passe des soirées entières à écrire quand elle est là. Pire, elle me laisse perdre la tête et lui parler trois heures non-stop de mes idées. Elle a confiance en moi plus qu’elle n’a confiance en elle (ce que je ne comprends pas, je le reconnais). Bref, sans elle ce serait bien moins drôle.
La dernière fois, j’avais une idée de romance lesbienne. Je lui raconte alors qu’elle était en train de s’endormir. Les premiers chapitres lui allaient parfaitement et à un moment donné j’entends sa voix totalement endormie qui murmure « Ça j’aime pas du tout. » Merci, chérie. C’est noté. Je suis du coup partie dans une toute autre direction. Quand je vous parlais de soutien inconditionnel, je ne mentais pas.
Clémence Albérie :
6h22 Place 108
Dans un premier temps mes parents étaient assez dubitatifs face à cette nouvelle. Quand je leur ai annoncé qu’une maison d’édition en cours de création voulait publier mon roman en ebook, ils se disaient que ça pouvait être bien mais qu’il ne fallait pas s’emballer. Ils avaient peur que j’ai des choses à payer ou que je fournisse un énorme travail pour au final rien du tout.
Quand j’ai reçu mon contrat cependant ils ont compris que c’était très sérieux et ils étaient vraiment très emballés, très heureux pour moi. Il faut savoir que je suis très proche de mes parents et qu’ils m’épaulent beaucoup dans ma passion de l’écriture. Ils font partie de mes lecteurs crash test et me donnent leurs avis, leurs propositions et corrections sur le roman avant sa publication.
6h22 Un Matin de Noël
Chose très drôle mes parents sont aussi ceux qui m’aident à oser certaines choses. J’étais très gênée par l’idée de publier des scènes d’amour, et c’est ma mère qui m’a convaincue de le faire au terme d’une conversation horriblement gênante [rires]. Mes proches sont tous ravis pour moi de cette aventure que je vis. Ma sœur, qui s’est auto-proclamée manageur en chef, me demande un versement de 10% de mes droits d’auteur pour (je cite) Indemnité compensatrice pour me supporter depuis notre naissance…
J’avoue ne pas trop savoir comment le prendre… [rires] Et le pire dans cette histoire, c’est que l’année dernière, elle a eu ses 10%. Que voulez-vous, je crois que je suis trop sympa en fait [rires]. Mais je l’annonce ! Cette année elle n’aura rien ! (Quand elle lira cet interview je prédis un texto du type Cause toujours, ou Si si si j’aurai mes 10%) [rires].
Regarder Au-delà
Mes amis ont eux aussi eu une très bonne réaction, beaucoup d’enthousiasme et de joie face à cette nouvelle. Ils savaient dans l’ensemble que j’écrivais, et la concrétisation de cette passion les a rendu très heureux pour moi. Pour l’anecdote, j’étais avec ma meilleure amie quand j’ai reçu le tout premier mail. Nous rentrions d’un week-end de vacances, elle conduisait et me voyait me décomposer à côté d’elle. Elle a d’abord cru qu’il se passait quelque chose de grave, puis j’ai retrouvé ma capacité à parler et nous avons explosé de joie ensemble.
Bon après, mes amis d’enfance m’ont aussi demandé de leur payer un verre avec les droits d’auteur pour fêter ça [rires], mais les pauvres ils l’attendent toujours [rires]. Oups ! [rires]. Pour Flore Tinaire, la joie face à cette annonce a aussi été synonyme de travail [rires] elle l’a compris de suite [rires]. Car comme elle est MA RELECTRICE EN CHEF, les séances de brainstorming, coup de stress, échanges ont augmenté de façon exponentielle. Pardonne-moi Flore… Mais c’est pas prêt de s’arrêter ! [rires].
Et enfin il y a ma compagne. Elle me soutien dans chaque étape de cette aventure, elle était à mes côtés au Salon du Livre Lesbien à Paris, elle est à mes côtés à chaque instant et jamais je ne pourrai suffisamment la remercier. Quand nous nous sommes rencontrées je venais tout juste d’être publiée et dès lors elle m’a soutenue. A Noël elle m’a même offert un magnifique stylo gravé à mon nom pour me montrer à quel point elle me soutien dans toute cette aventure. En résumé, je suis une auteure comblée car tout mon entourage est super enthousiaste face à mes publications !
Flore Tinaire : Ti Punch
Je me souviens, début juillet 2016, j’ai dit à ma mère que nous allions passer le week-end à Paris et que nous ferions un tour au Salon du Livre Lesbien car Clémence Albérie (que mes parents ont rencontré lors de mon mariage) y présentait son premier roman. Sa première réaction, une grimace, puis un magnifique « Quel intérêt ? ».
A l’époque j’y allais aussi pour rencontrer l’équipe de Reines de Cœur et signer le contrat de Ti Punch et j’hésitais à en parler à mes parents. Au vu de l’enthousiasme de ma chère maman, j’ai décidé de garder pour moi cette nouvelle. Je n’avais aucune envie de devoir m’expliquer, me justifier. Vis à vis de mes parents, l’écriture c’est mon jardin secret. Je leur en parlerais peut-être un jour, mais ce n’est pas d’actualité. Concernant mes amis, ils sont au courant, sont ravis pour moi, mais on n’en parle pas plus que ça. Je vois l’écriture comme un loisir alors ce n’est pas nécessaire d’en discuter sans arrêt.
A part avec Clémence Albérie mais là c’est autre chose. Je crois que l’on saoule nos moitiés respectives à parler de nos projets dès qu’on en a l’occasion [rires]. Je dois d’ailleurs remercier mon épouse qui fait preuve d’énormément de compréhension, de patience et qui me soutient dans tous mes projets.
Axelle Law : A Petit Feu, Vol de Diamants et Blood Moon l’Eveil
Au départ, mon petit hobby était plutôt source de taquineries de la part de ma famille. Je n’étais pas du tout prise au sérieux. Mais je vous rassure tout de suite, depuis ma publication, ça n’a pas changé ! [rires] Plus concrètement, avec la sortie de ma première nouvelle, mon temps « perdu à écrire » n’était plus si vain à leurs yeux. Toutefois, on évite plus ou moins le sujet, mes parents n’étant pas très à l’aise à propos de l’homosexualité. Alors quand ils ont su que mes histoires racontaient des relations entre deux femmes…
L’une de mes sœurs m’a même demandé pourquoi il existait des maisons d’édition exclusivement lesbiennes, que cela faisait plutôt sectaire et qu’elle ne comprenait pas pourquoi j’avais une préférence à écrire sur des femmes homosexuelles qu’hétérosexuelles… On va éviter le débat. [rires] Bref, on n’en parle pas trop dans la famille, mais ils respectent mon travail et me félicitent tout de même. Du côté de mes amis, c’est toute autre chose. Tout d’abord, il n’y a que mes amies lesbiennes qui sont au courant de mes écrits avant ma publication. (OK, OK, là, ça fait sectaire !) Au fil du temps et de mes écrits, j’ai su m’entourer de camarades qui me sont proches et qui sont de fidèles lectrices. Et je n’ai même pas eu à les menacer ! Enfin, pas tout le temps…
Elles étaient ravies et très fières de ma publication. Elles viennent régulièrement me questionner sur la maison d’édition et sur mes projets en cours. Du coup, cela donne un côté plus « réel » à la situation parce que parfois, j’ai encore du mal à croire que tout ceci est sérieux, pour de vrai. Bien évidemment, ma fan numéro un n’est nulle autre que ma moitié. Elle me suit dans l’aventure depuis le début, pour le bien et pour le pire. Surtout le pire, je pense. [rires] Je vénère sa patience, car je la harcèle souvent pour lui expliquer une histoire qui, la plupart du temps, restera au stade de simple idée. Ou encore, je la poursuis pour qu’elle lise le dernier texte que j’ai pondu.
Il m’est même déjà arrivé de la réveiller en plein milieu de la nuit parce qu’une illumination m’avait frappée. Même si quoi que je dise ou quoi que j’écrive, elle me répond toujours : « ouais, j’aime bien ». Je pense que c’est sa façon de se venger… Sinon, ma compagne est toujours la première à me soutenir et à vomir quand mes écrits sont un peu trop mielleux à son goût. C’est tout de même elle qui m’a poussée à participer au concours de Reines de Cœur et d’ailleurs, elle ne cesse de me le répéter. Pour le bien et pour le pire, hein ?
Lena Clarke : Piégées en Mer
Ma mère a été assez surprise en apprenant la nouvelle. Je ne lui avais jamais dit que j’écrivais, alors quand je lui ai annoncé que j’allais être publiée, et ça parce que j’avais gagné un concours, elle a d’abord cru à une plaisanterie. Sa première réaction a été de me demander s’il s’agissait d’une » vraie » maison d’édition. Après lui avoir dit que oui, c’était sérieux, et lui avoir expliqué ce qu’était un ebook, elle s’est doucement fait à l’idée.
Maintenant, elle est simplement contente pour moi. Elle prend des nouvelles de l’avancée de mes romans, mais nous n’en parlons pas vraiment plus que ça. Du côté de mes amis, et surtout de ma meilleure amie, la réaction a été des plus enthousiaste. Il faut dire qu’elle est ma plus fervente supportrice depuis toujours. C’est elle qui m’a poussée à participer au concours d’été, si bien que quand je lui ai annoncé la grande nouvelle, j’ai eu le droit au légendaire » Ah, Ah ! Tu vois, je te l’avais bien dit ! « . Ensuite, j’ai eu le plaisir de la voir bondir de sa chaise et effectuer, ce que j’appellerais, la danse du kangourou.
Donc évidemment, inutile de préciser qu’elle était très heureuse pour moi. D’autant plus, quand elle s’est rendue compte qu’être publiée, m’incitait à terminer mes romans (oui, là, elle pensait surtout à son intérêt personnel). Au final, les quelques personnes à qui j’en ai parlé ont bien réagi. Le plus dur n’était pas de leur dire, mais bien de les entendre ensuite me harceler pour obtenir une copie de la fameuse histoire. Et être lue par des proches, ça, ça reste quelque chose auquel on s’habitue difficilement.
Alice Turner : Sept Jours
Je ne crie pas sur tous les toits que je suis « auteure », car moi-même j’ai parfois du mal à me considérer comme en étant une… En réalité, seule ma sœur sait et elle a pour instruction de ne surtout pas répandre l’info ! Donc, oui, on peut dire que je n’ai pas encore fait mon « coming-out d’auteure ». [rires]
Quand je lui annoncé que j’allais être publiée suite à un concours de nouvelles, elle n’a pas vraiment réagi au fait que j’avais gagné un prix. Ni même que c’était sur un thème lesbien… Non, elle était surtout étonnée d’apprendre ma participation à un concours d’écriture tout simplement. En effet, je n’ai jamais été une grande bouquineuse et elle ne savait même pas que j’écrivais des fictions… D’autant qu’ayant un esprit assez carré et très terre à terre aussi bien dans ma vie privée que professionnelle, ma sœur doit encore se demander ce que je fais dans un « milieu littéraire » ! [rires] Elle ne comprend donc pas vraiment pourquoi j’écris, ni même le temps que j’y consacre. Et comme j’en parle très peu, j’avoue que je ne l’aide pas du tout…
Bizarrement ou non, je ne ressens pas du tout le besoin de partager ça avec mes proches. Même mes meilleures amies ne sont pas au courant que j’écris. Sinon, à coup sûr, elles me harcèleraient pour lire mes textes ! Ce que je veux absolument éviter ! [rires] Personnellement, je trouve qu’écrire, c’est quelque chose de très intime. Etre lue et jugée par des inconnus est assez facile, être lue par des proches ça l’est beaucoup moins…
Finalement, je me dis que ce n’est pas plus mal ainsi. Si mon entourage me lisait (ce qui est peut-être le cas, sans même que je le sache), il est probable que je n’écrive plus de la même manière, en totale liberté. Et autant vous dire que je m’autocensurais à coup sûr et qu’il n’y aurait aucune scène d’amour dans mon prochain roman ! Et là, tout le monde ferait la gueule, les lecteurs et les lectrices, mais aussi et surtout, l’équipe Reines de Cœur ! [rires]