Anveshan Rébellion, un roman de science fiction lesbienne
On ne présente plus Sylvie Géroux dont les romans remportent un accueil positif unanime à chaque nouvelle sortie. Efficace, riche, rythmé sont autant d’adjectifs qui pourraient caractériser son style d’écriture unique.
Sylvie Géroux s’est déjà illustrée dans plusieurs genres : la romance notamment avec La Brise du Désir et Nadya et Elena. Le thriller, également, avec Punies soient les lâches. Désormais, elle conquiert un nouveau territoire… Elle publie son tout premier ouvrage de science-fiction lesbienne : Anveshan – Rébellion.
Attachez vos ceintures et préparez-vous au décollage, car le voyage dans l’espace que Sylvie vous a réservé va vous décoiffer !
Extait du roman :
Le Lieutenant Penny McFate étouffa un bâillement en marchant dans les coursives de la zone technique. Elle détestait être dans l’équipe du matin. Penny n’était pas et ne serait jamais une lève-tôt. Elle s’arrêta finalement face à une trappe de maintenance et vérifia sa position sur sa tablette de service. Satisfaite du résultat, elle activa la purge automatique sur le panneau d’accès, puis ouvrit l’écoutille sécurisée et se glissa dans l’espace réduit. Mieux valait ne pas être claustrophobe pour travailler dans l’équipe de Maintenance Opérationnelle. En même temps, venant d’une famille d’ouvriers-mineurs qui avaient passé leur vie dans les tunnels des mines de Trinitium de la MineralCorp, on pouvait presque dire que c’était dans ses gênes.
Penny avait une certaine affection pour les machines, en particulier celles de l’Anveshan, mais il fallait bien avouer que ceux qui s’imaginaient que les vaisseaux de la CoalitEx étaient aussi propres et brillants de l’intérieur qu’ils ne l’étaient de l’extérieur se trompaient lourdement. Tous ces systèmes sophistiqués qui leur permettaient de voyager à plusieurs centaines de fois la vitesse de la lumière en toute sécurité, nécessitaient des liquides de refroidissement, de la graisse hydraulique, des humidificateurs synthétiques, des lubrifiants gélifiés. Et tout ça, c’était sans même compter les fuites régulières des systèmes de collecte de l’usine de traitement des fluides.
Penny atteignit finalement la portion de conduite qui avait déclenché une alarme, un peu plus tôt, sur la console de contrôle. Elle ne mit pas bien longtemps à découvrir le problème. C’était presque toujours le même depuis qu’elle avait embarqué. Les joints utilisés sur les conduites secondaires non essentielles n’avaient visiblement pas bénéficié des mêmes critères d’excellence technique vantée par la CoalitEx que le système de propulsion.
Elle grommela quelques jurons et démonta la portion de tube, ce qui dans un espace aussi exigu n’était vraiment pas une partie de plaisir. De plus, la gaine technique où elle se trouvait était assez proche du réseau de circulation du Cesium fluide qui alimentait les turbines de Suprapulsion, pour que la chaleur y soit inconfortable… Surtout pour une Écossaise plus habituée aux Lochs gelés qu’aux mers tropicales. Le temps qu’elle finisse la réparation, elle était en sueur, et ses mains, une partie de son uniforme et de son visage étaient recouverts du lubrifiant D33 qui circulait normalement dans cette conduite.
Le communicateur qu’elle portait à la ceinture s’activa alors qu’elle venait de terminer.
— Randall à McFate ?
Penny grimaça en s’essuyant les mains sur les cuisses de son pantalon d’uniforme, puis répondit :
— Ici McFate, je vous écoute.
— Vous en êtes où avec cette réparation ?
— Je viens de finir… Encore un de ces maudits joints. Il va falloir revoir les spécificités techniques du modèle d’origine avant toute reproduction.
— Remarque notée, McFate. En attendant, vous vous rendez immédiatement au Pont 5, secteur A32. Il y a un problème électrique dans un logement civil.
— Maintenant ?! Mais je ne…
— Maintenant McFate, sans discussion.
Le léger crachotement qui remplaça la voix de son supérieur hiérarchique l’informa qu’il avait coupé la communication. Elle baissa le regard vers son uniforme souillé. Le D33 avait une couleur brune, une texture à la fois grasse et un peu collante, et surtout une odeur qui lui avait toujours rappelé celle de la graisse rance des cuisines du Bloody King Inn d’Inverness. Les cabines du Pont 5 étaient celles réservées aux VIP civils, pas aux ouvriers de la zone technique. Elle allait certainement faire tache dans le décor, dans tous les sens du terme. Elle secoua la tête et commença à ramper vers le panneau de sortie en maugréant :
— Sans discussion, sans discussion… C’est toujours la même chose avec ces maudits Anglais.
Au milieu des quatre peuples qui formaient la Coalition des Républiques Stellaires et des milliers d’origines possibles, il avait fallu que son chef soit un pur représentant de ce qu’il restait de l’aristocratie anglaise. On pouvait dire qu’elle avait la poisse. Elle s’engagea dans les coursives en direction du Pont 5, ignorant au mieux les regards de plus en plus prononcés que provoquait son apparence, au fur et à mesure qu’elle se rapprochait de sa destination.
Lorsque Penny pénétra finalement dans le secteur A32, elle sortit sa tablette de service sur laquelle son planning venait d’être mis à jour par Randall. Cabine 04… Bien, autant ne pas traîner. Plus vite elle en aurait fini avec ce job, plus vite elle pourrait prendre une douche. Elle pressa le bouton « appel » du digicode positionné à l’entrée de la cabine. Une minute plus tard, une voix féminine lui répondit d’entrer. Elle activa l’ouverture de la porte, qui n’était en effet pas verrouillée, et pénétra dans les quartiers de… Elle consulta sa tablette… la Conservatrice Lyra Felorn.
Penny jeta un regard autour d’elle. C’était sans aucun doute une cabine VIP. Sa surface devait être au moins deux fois supérieure à celle de ses propres quartiers. Elle disposait visiblement d’une chambre séparée, puisqu’aucune couchette n’était en vue. Le salon était équipé d’un projecteur holographique dernier cri et d’un canapé luxueux, mais surtout il était dominé par une verrière de près de deux mètres de long. À l’extérieur, le défilé spectaculaire et légèrement hypnotique des filaments luminescents multicolores montrait que l’Anveshan était toujours en Suprapulsion. Pas étonnant qu’elle n’ait jamais rencontré cette Lyra Felorn, elles n’évoluaient vraisemblablement pas dans les mêmes sphères toutes les deux. Se détournant presque à regret de la vue, elle repéra enfin sa « cliente », qui s’affairait derrière un bureau entièrement recouvert de tablettes tactiles.
Un peu mal à l’aise, et avec cette impression désagréable de jurer dans le décor qu’elle avait presque toujours sur le Pont 5, Penny se dandina d’un pied sur l’autre en attendant que la jeune femme se tourne vers elle. C’était bien la première fois qu’elle avait droit à ce genre d’accueil. En général, elle était soit attendue tel le Messie, soit traitée de tous les noms parce que « rien ne marchait jamais correctement sur ce vaisseau », parce que « 30 minutes, c’était beaucoup trop », ou juste pour le plaisir de râler. Finalement, commençant à perdre patience, elle se décida à prendre l’initiative.
— Bonjour. Lieutenant McFate, Madame. Je suis là pour votre problème électrique.
Son interlocutrice se retourna d’un bloc et lui lança un regard étonné, vaguement réprobateur.
— Oh ! Vous m’avez surprise ! Je vous avais oubliée.
Charmant, pensa Penny en levant un sourcil dubitatif. Elle ne put cependant éviter de remarquer la délicatesse des traits de la jeune femme et le contraste saisissant de ses yeux presque noirs sur la pâleur de sa peau. La Conservatrice Lyra Felorn n’était peut-être pas très accueillante, mais elle était indéniablement très séduisante.
— Oubliée ? répéta Penny d’un ton légèrement sarcastique. Entre le moment où vous m’avez demandé d’entrer et maintenant, vous voulez dire ?
— Je vous ai demandé d’entrer ? demanda Felorn d’un air un peu absent.
Penny fronça les sourcils et répondit, sur la défensive :
— Bien sûr ! Sinon je ne me serais jamais permis de passer la porte. Je n’entends pas encore des voix quand même !
La jeune femme quitta enfin son bureau et vint se planter devant Penny, l’observant soudain avec curiosité. Elle fronça légèrement le nez lorsqu’elle se trouva assez proche pour sentir l’odeur du D33.
Penny se sentit rougir, hésitant entre gêne et irritation, mais resta silencieuse, levant légèrement le menton pour fixer dans les yeux cette brune qui la dépassait d’une bonne tête.
— Grands Dieux ! Vous êtes dans un drôle d’état ! Que vous est-il arrivé ? s’exclama finalement la Conservatrice.
— Rien du tout ! Il y a des gens sur ce vaisseau qui sont bien obligés de se salir les mains pour gagner leur vie. Bon, vous avez un problème électrique, oui ou non ?
— Vous êtes en colère… remarqua doucement Felorn.
— Et vous, très perspicace. Remarquez, si vous accueillez tous vos visiteurs comme ça, ça doit vous arriver souvent.
La Conservatrice la dévisagea en silence et Penny grimaça. Une autre plainte d’un civil, surtout un VIP, n’était certainement pas ce dont elle avait besoin pour adoucir ses relations avec son supérieur. Elle aurait probablement mieux fait de garder cette réflexion pour elle. Pourtant, contre toute attente, la jeune femme la gratifia soudain d’un sourire éblouissant, et hocha la tête.
— Vous avez raison, je suis désolée. D’une façon générale, mes manières ne semblent pas toujours être… hum, disons appropriées, mais j’y travaille. Lyra Felorn, se présenta-t-elle en se saisissant soudain de la main de Penny pour la secouer avec vigueur. Je suis la responsable du centre culturel du bord et accessoirement la cheffe d’orchestre du tout nouveau Anveshan Philarmonique Amateur… Vous jouez d’un instrument ?
— Euh… non. Je n’ai jamais…
— Vous devriez essayer, ça pourrait vous aider, la coupa Felorn, en observant d’un air étonné la matière huileuse qui lui collait aux doigts.
— Désolée, je n’ai pas eu le temps de vous empêcher de me toucher.
— M’empêcher de vous toucher ? Mais pourquoi ? Je vous ai juste serré la main… C’est ce qui se fait, non ? répliqua la jeune femme, paraissant soudain préoccupée.
Penny secoua vivement la tête en levant les mains en signe d’apaisement.
— Non, non, je ne voulais pas dire vous empêcher de me toucher dans ce sens-là ! Je n’ai aucun problème avec l’idée que vous me touchiez… Enfin, je veux dire, que vous me serriez la main, se reprit rapidement Penny, sentant sa phrase dévier vers un terrain délicat. C’est juste que j’ai passé la matinée à démonter une conduite de lubrifiant et… j’en suis couverte. Je suis désolée pour votre main.
— Oh… Je comprends. Ne vous en faites pas pour ça, ce n’est rien. Il faut bien se salir les mains de temps en temps, c’est vous qui l’avez dit. Et puis, cette matière est… hum… intéressante. Je me demande si on pourrait s’en servir en cours d’expression sensorielle libre. Le toucher en est à la fois doux et visqueux, et l’odeur est…
— Répugnante, vous pouvez le dire, je ne vais pas me vexer.
— J’allais dire puissante, répliqua Felorn avec un sourire qui commença à convaincre Penny que cette journée ne serait peut-être pas aussi pénible que prévu.
— D’accord, disons, puissamment répugnante alors, fit-elle en lui rendant son sourire pour la première fois.
— Voilà, c’est beaucoup mieux.
— Quoi ? demanda Penny, un peu perdue.
— Quand vous souriez, cette espèce de tension qui vous entoure se dissipe soudain.
Comme Penny la dévisageait sans comprendre, Lyra expliqua patiemment :
— Je ne suis pas perspicace Lieutenant McFate, je suis Théosienne.
— Télépathe… murmura Penny, en se sentant soudain complètement idiote.
— En fait, surtout empathe en ce qui me concerne. Lire les pensées des espèces non théosiennes me demande en général beaucoup de concentration pour un résultat plutôt décevant. Par contre, on peut dire que leurs émotions me sautent au visage en quelque sorte.
— Ça doit être… ennuyeux, répondit prudemment Penny.
— Non, j’ai l’habitude. Sur Théos, chacun ressent et entend ce que pense l’autre. Ça fait partie de notre mode de communication. Mais il faut bien dire que ça n’aide pas à acquérir des compétences sociales très développées… Comme vous venez de me le faire remarquer.
— Ah, désolée… Je me suis un peu laissée emporter, fit Penny avec une grimace contrite.
— Non, ne vous excusez pas, vous aviez raison, répondit Felorn en agitant vaguement la main.
Un silence s’installa, tandis que la musicienne plongeait son regard dans celui de Penny. Une fois encore, celle-ci se retrouva à danser gauchement d’un pied sur l’autre. Elle ne savait décidément pas quoi penser de l’étrange attitude de son interlocutrice. Finalement, le regard insistant de la jeune femme la rendant vaguement mal à l’aise, Penny finit par reprendre la parole :
— Il vaudrait mieux que je me mette au travail.
Couverture d’un livre de Science Fiction Lesbienne :
Une suite sortie en 2020 : Anveshan Conspiration !
La suite de ce roman de science fiction lesbienne est sortie en 2020. Et l’histoire se déroule sur Terre juste après le crash de l’Anveshan…
Wha ! La couverture me plaît 🙂
Bon, OK, l’extrait aussi 😀
Mais la couverture … Wahou !
J’ai hâte de pouvoir le lire en entier, j’adore l’idée des télépathes et empathes. 🙂
C’est vrai que la couverture est sympa ;P