Une romance entre femmes qui joue sur le subtext lesbien
Bonjour Clémence, peux-tu nous présenter ta dernière nouvelle Scène 13 Première ?
Scène 13 Première, c’est l’histoire de l’amour à sens unique de Jo, actrice, envers sa partenaire de jeu Estelle. Frustrée par ses sentiments et ses désirs inassouvis, Jo va prendre une décision radicale : manipuler son scénariste en chef pour qu’il développe une histoire romantique entre son personnage et celui joué par Estelle. Comme vous pouvez l’imaginer, cette idée n’est pas la plus lumineuse de sa carrière, mais que voulez vous, l’amour à ses raisons que la raison ignore [rires]. Entre péripéties, rebondissements et galères, Joséphine vous raconte son histoire.
Comment est née l’idée de cette histoire ?
Alors là, très bonne question… Je ne sais plus vraiment [rires]. Je pense que le point de départ réside dans mes propres débuts d’un point de vue écriture. En effet, comme j’ai fait mes premiers pas d’écrivain via l’écriture de fanfiction, j’aime beaucoup ce monde. En discutant avec des fans sur Twitter, j’ai réalisé toute la dynamique qu’il pouvait y avoir autour d’un ship (relation imaginaire entre deux personnages) et j’avais cette petite idée qui me trottait dans la tête « Et si un jour un ship ne naissait pas des fans mais d’une des actrices concernées ? »
L’idée se baladait dans un coin de ma tête car je trouvais ça drôle d’imaginer la chose de ce point de vue là. Puis vous avez lancé le concours de nouvelles « l’amour au travail » et ma petite idée a grandi. J’ai commencé à imaginer un subtext naissant d’un amour inavoué. J’ai commencé à essayé de l’écrire, mais par manque de temps, je n’ai pas pu finir. Finalement le concours « faites nous rêver » est arrivé à point nommé, j’ai eu le temps de finaliser ma nouvelle et la voici !
Clémence Abérie se livre sur cette belle romance homosexuelle
Combien de temps t’a-t-il fallu pour la rédiger ?
LOOOOOONGTEMPS ! Un an et demi environ. Faut dire j’ai commencé à l’écrire et entre temps, je me suis lancée dans un roman [rires]. J’ai pu d’ailleurs acter que travailler sur deux projets solo en même temps, c’est pas pour moi. Maintenant je fais un projet après l’autre et je ne m’éparpille plus.
Mon seul projet parallèle est un roman à 4 mains en cours d’écriture avec Flore Tinaire. La dynamique projet à 4 mains est complètement différente.
Scène 13 Première se passe sur les plateaux de télévision, pourquoi ce choix ?
Quoi de mieux que le monde si attirant des plateaux télé ? Plus sérieusement, c’est venu de mes débuts Fanfiction. Le monde des ships autour des séries télés est très très très développé et dynamique, surtout dans la communauté homosexuelle, je trouve. Les choix scénaristiques se portent encore trop peu sur les couples homosexuels, et nous devons souvent les faire vivre nous même à défaut de les voir un jour sur nos écrans.
Cette nouvelle c’est un peu une dédicace à tout ça. Je me suis amusée à impliquer une actrice dans cette défense acharnée d’un couple imaginaire. Et qui est mieux placée que la principale intéressée pour rendre les choses possibles, vous ne trouvez pas ?
Une écriture à la première personne
Pour la première fois, tu as décidé d’écrire à la première personne. Qu’est-ce qui t’a plu dans ce procédé et qu’est-ce qui a été le plus difficile ?
J’ai énormément aimé le côté « intime » de l’écriture à la première personne. Ça offre plus de liberté dans l’écriture, le personnage de Jo m’a semblé encore plus réel du fait que je la fasse/laisse vous raconter son histoire. C’est assez compliqué à expliquer sans donner l’impression d’avoir des personnalités multiples [rires]. Ce qui a été le plus difficile c’est : LA CONCORDANCE DES TEMPS ! Oh enfer pavé d’obstacles infranchissables ! La fille d’instit que je suis ne fait pas honneur à son papa là-dessus ! J’ai vécu une torture, je n’ai cessé de me mélanger c’était catastrophique. C’est vraiment un exercice bien différent, et je suis peut-être un peu trop sortie de ma zone de confort [rires].
D’ailleurs, je voudrais qu’on fasse toutes et tous une standing ovation à Isa qui a sué sang et eau pour rattraper ce fouillis fouilla ! Je crois qu’à certains moments, tu as du me détester, Isa, alors du plus profond de mon cœur, MERCI… et… PARDON ! Promis je le referai plus ! Fallait tester… [Sourire tout mimi destiné à attendrir mon éditrice à bout de nerf]… Bref, je crois que c’était ma seule et unique tentative à la première personne (Isa survivra pas à une seconde, je peux pas lui faire ça !)
Du subtext lesbien encore et toujours
Ton histoire utilise les notions de subtext, de couples lesbiens fictifs souhaités par les fans de série. C’est plutôt rare d’aborder ce sujet, non ?
Oui, je pense en effet que ça l’est, et pourtant c’est super dommage car c’est un monde tellement riche et vaste. Je crois que presque chaque série à son lot de subtext plus ou moins développé. La communauté de fans qui gravitent autour de ça est énorme ! Et puis ils sont la cristallisation d’un phénomène récurrent dans notre société, les producteurs, scénaristes…
Sont encore trop frileux parfois pour développer un couple lesbien. De plus en plus de séries s’y mettent, certaines sont même des spécialistes et ça fait du bien. Après les subtext ne concernent pas que des couples lesbiens, il y a une multitude de couples hétéro que les fans auraient aimé voir se développer sans que ça n’arrive jamais. Je crois que dans la catégorie subtext, mes deux plus grandes frustrations sont Régina et Emma dans Once Upon A Time et Miss Parker et Jarod dans Le Caméléon !
La famille de coeur par opposition à la famille de sang ?
Il est question dans ton histoire de famille de cœur par opposition à famille de sang. Cette question te tient à cœur ?
Oui, énormément. J’ai une famille de sang géniale que je ne remplacerai pour rien au monde. Mais mon cas n’est malheureusement pas celui de tout le monde. Je vois tellement de personnes, dont certaines proches de moi, qui se sont crée leur famille de cœur, au fil de rencontres extraordinaires…
On a tous besoin d’une famille, et pour tous ceux qui ont le malheur d’être rejetés par la leur, pour quelque raison que ce soit, je leur souhaite de croiser sur leur route des personnes capables de devenir leur famille de cœur. Que ce soit des « parents », des « amis/frères/sœurs », s’ils deviennent votre famille de cœur, ce sont des liens uniques qui n’ont pas de prix ! J’ai tellement d’admiration pour ces personnes, ouvrir leur porte et leur cœur à quelqu’un à 30000%, sans concession, pleinement.
Ça me rappelle que quand le monde n’est pas toujours rose, il faut se concentrer sur les personnes extraordinaires qui en font parti. Ce sont les seules qui comptent !
Quel passage as-tu préféré écrire dans Scène 13 Première ?
Je ne peux pas répondre à cette question sans spoiler [rires]. Je vais du coup dire que ce sont toutes les disputes et prises de bec entre mes deux héroïnes. A mon avis, je suis définitivement accro à cette dynamique entre deux personnages ! J’adore chercher des réparties cinglantes ou expressions loufoques. Avec cette histoire j’ai vraiment pu m’en donner à cœur joie !
D’autres histoires en cours pour Clémence Albérie ?
Qu’aimerais-tu que les lectrices retiennent de cette nouvelle ?
Qu’elles ont passé un bon moment et que ma tentative d’écriture à la première personne n’est pas un échec cuisant [rires]. Plus sérieusement, j’aimerai que mes lectrices et lecteurs se disent qu’ils ont bien rit et bien stressé aussi. J’aimerai que cette histoire les emporte et qu’ils retiennent que le mensonge peut vite nous glisser entre les doigts, et nous mettre dans des situations bien plus complexes que prévu. [rires]
Et oui, sans subtext lesbien cette fois !
Tu travailles actuellement sur une autre histoire ? Tu peux nous en parler un peu ?
Je travaille actuellement sur Roman numéro 3 (à défaut d’avoir un titre). C’est une histoire qui commence par un drame et qui traite de la reconstruction. Je suis une éternelle positive et je pense que quoi qu’il nous arrive, nous pouvons remonter la pente et être plus fort que le drame. Dans ce roman il y aura cette tristesse de départ bien sûr, mais également de l’humour, de l’amour, des sentiments.
Je ne suis pas d’accord avec les gens qui disent qu’un drame défini une personne, que la vie est dure et que raconter une histoire de vie ne peut être que plein de tristesse et négativité. Nous sommes ce que nous décidons d’être et même si la vie apporte son lot d’obstacles, parfois terribles, il existe cette lumière au fond du tunnel. Il ne faut pas fermer les yeux au risque de ne pas la voir !
Et puis je pense que vous commencez à me connaître, j’aime les situations atypiques. Avec ce roman, je vous avoue que l’intégralité du contexte est atypique. C’est ça qui rend cette histoire si stimulante et passionnante à écrire. Deux femmes brisées vont être liées par un drame et un désespoir aussi commun que diamétralement opposé. Elles n’ont rien en commun, ne se connaissent pas, et pourtant elles vont se reconstruire ensemble, un peu malgré elles au début.
Bref, je ne sais pas vraiment comment parler de cette histoire, elle me tient énormément à cœur, car je vais plus loin dans la psychologie de mes personnages. Je veux raconter l’histoire d’un drame qui finit bien. Que bien que la blessure ait existé, elle ne disparaît pas puisque restent les cicatrices, mais elle n’empêche pas de vivre, et n’interdit pas d’être heureux.