Un Risque à Prendre Interview de Marie Parson

Marie parson auteur lesbien

Un Risque à Prendre Interview de Marie Parson pour la sortie de son nouveau roman

Bonjour Marie, peux-tu nous présenter ton nouveau roman, Un risque à prendre ?

Un Risque à Prendre est avant tout l’histoire d’une rencontre bouleversante entre deux femmes. Deux femmes très différentes qui vont avoir un véritable coup de foudre réciproque. Elles travaillent dans le même hôpital, mais ne se sont jamais croisées jusqu’à présent. Et puis, Eve vient plus tôt pour une réunion matinale et percute le docteur Angelica Avellana. Un incident qui va changer leur quotidien et bousculer leurs certitudes.

J’ai voulu répondre à la question, « jusqu’où peut-on aller par amour » et la réponse de mes personnages est : très loin.

Quel est le « risque » que le titre de ton roman laisse entrevoir ?

Angelica Avellana doit prendre le risque d’être heureuse et de vivre pour elle et non pour les autres. Elle se cache depuis des années dans un moule de perfection censé convenir à tous les gens qui l’entourent. En agissant ainsi, elle se débrouille pour que tout le monde l’aime et se protège d’amères souffrances. Sauf qu’en contrepartie, elle s’empêche d’être véritablement elle-même et d’expérimenter de belles histoires, dont une magnifique romance.

Sa rencontre avec Eve va ébranler ses certitudes et elle va devoir faire un choix. Parce qu’Eve est trop entière pour se contenter de demi-mesures.

Dis-nous en plus sur tes personnages.

Eve est statisticienne dans un hôpital. J’avoue avoir cherché exprès un métier dans un hôpital qui ne soit pas en relation directe avec le soin. Parce que je voulais qu’elle ne comprenne pas forcément tous les principes de l’univers dans lequel évolue Angelica. Elle a tout d’un électron libre. Elle est indépendante, compétente, autonome et têtue. Comme elle est persuadée d’agir pour le mieux et que son activité a de l’importance, elle oublie un peu trop les règles. À tel point que son supérieur a décidé de les lui rappeler.

Et fait amusant, elle adore les T-shirts de superhéros et en met tous les jours, même au travail. Cette différence et cette liberté qu’elle affiche ouvertement la rendent captivante pour Angelica.

Angelica est une médecin née aux Philippines qui a quitté son pays pour étudier aux États-Unis avec le désir d’avoir une carrière. Elle suit les règles, ne fait pas de vagues et, en même temps, elle a conscience de ses capacités professionnelles. Un jour, elle se retrouve contrainte de suivre une formation de premiers secours alors que son travail au quotidien consiste à sauver des gens. Devant l’injustice de la situation, elle décide d’abandonner son côté « bon élève ». Une aubaine pour Eve qui va ainsi apprendre à la connaître réellement.

Un roman lesbien engagé malgré son aspect romance

Angelica est une médecin talentueuse qui souhaite devenir professeur. Être femme et immigrée dans un monde globalement dominé par les hommes, ce n’est pas facile. Cherchais-tu à faire passer un message à travers ce choix narratif ?

Je ne peux pas répondre juste oui, n’est-ce pas ? Je dois développer, j’en suis sûre.

Alors oui, je voulais faire passer un message. Celui qui fait qu’aujourd’hui, les femmes issues de l’immigration (ou même pas, il peut suffire de leur couleur de peau ou de la consonance de leur nom de famille) n’ont pas les mêmes chances que les autres. Elles ont moins de chance. C’est déjà compliqué pour les femmes blanches dans un monde patriarcal, mais c’est une lutte de tous les jours pour les femmes de couleur.

À un moment donné, Angelica dit qu’on la prend souvent pour une infirmière ou qu’on ne la croit pas quand elle se présente comme médecin. Cette histoire est vraie. Elle est un témoignage d’une personne que je connais qui, durant de très longues années, s’est battue pour qu’on arrête de la considérer comme une aide-soignante ou une infirmière alors qu’elle est médecin. Malheureusement, aujourd’hui, ça existe toujours en France et à l’étranger.

Alors oui, on peut dire que ce choix est délibéré. Je crois que de cette manière, je voulais un peu ouvrir les yeux de certaines personnes sur une réalité trop souvent ignorée. Tout le monde ne débute pas avec les mêmes chances, beaucoup font face à un désavantage qui ne dit pas son nom.

Eve est une lesbienne fière et revendiquée, qui est également extrêmement douée dans son métier. D’où t’est venue l’inspiration ?

Des femmes qui m’entourent ? Une récente discussion avec Edwine m’a fait réaliser que mes personnages vieillissaient de plus en plus, comme moi. Il y a toujours quelques années de décalage, heureusement, mais je ne suis plus une adolescente. Du coup, je me suis beaucoup inspirée des gens autour de moi qui avec l’âge sont plus à l’aise dans leurs baskets et leur vie. Elles ne se cachent plus.

Autour de moi, mes amies, mes connaissances, toutes sont « out » au travail. Ça n’a pas été toujours simple, mais elles ont gagné en confiance en elles pour pouvoir dire « c’est qui je suis et ton avis ne m’intéresse pas ». Ça compte pour moi. Cette notion de banalisation est importante à mon sens. En offrant de la visibilité, on permet à d’autres, moins sûrs, encore indécis et/ou dans la peur de prendre confiance en eux.

La dernière fois, au boulot, j’ai une personne qui m’a dit « je trouve ça bien que tu parles de ton épouse parce que même si je suis en couple avec un homme, avant j’étais avec une femme et ce n’était pas simple d’en parler ». Tant que ce sera le cas, il faudra des personnes qui osent. Mais aujourd’hui, avec l’âge et les cheveux blancs, je n’ai plus les mêmes craintes ou appréhensions. Comme mes amies. Le temps fait son effet. Bon sang, on a l’impression que j’ai 100 ans quand je dis ça !

Des héroïnes avec des super-pouvoirs dans cette romance lesbienne médicale ?

Eve arrive à rendre les statistiques sexy. La vraie question : les statistiques sont-elles sexy ou est-ce qu’Eve, à l’image des superhéros qu’elle adore, a un super pouvoir ? [rires]

Alors ça, c’est une excellente question à laquelle je n’ai pas la réponse. Eve devait avoir plus de qualité que de défauts pour pousser Angelica à interroger sa vie et ses choix. Si ça avait été une femme banale, Angelica n’aurait jamais tout mis sens dessus dessous de son côté. Donc elle est drôle, sexy, attachante.

Et comme elle adore son métier et qu’elle croit profondément en ce qu’elle fait et la valeur de son travail, elle rend les stats sexy. Mais je pense que je ferai pareil avec d’autres métiers si j’en ai l’occasion. J’ai une idée de maître nageuse dans un camping en été… Sur le papier, c’est le pire job qu’elle pouvait trouver, en réalité, elle va rendre le truc grave sexy (parce que son père va l’aider aussi).

L’attirance entre Angelica et Eve est une évidence, pourtant elles ne parviennent pas à se mettre en couple. Quels sont les obstacles à leur amour ?

Je ne dois pas tout révéler, quand même ! Si ? J’ai le droit ?

L’obstacle numéro 1, c’est elles-mêmes. À ce titre, j’ai adoré Quand Camille Rencontre Oli et j’ai utilisé la même idée que l’autrice, Alice Turner. J’en profite d’ailleurs pour la féliciter pour cette histoire, je me suis régalée à la lire. Comme elle, j’ai exploité les défauts de mes personnages que j’ai poussés à l’extrême pour nuire à leur romance.

Angelica a intégré des règles, des concepts et, parce qu’elle veut satisfaire sa famille, être appréciée de ses collègues, elle ne les remet pas en question. Au point de se piéger elle-même, par lâcheté, par peur, pour plein d’autres raisons. Elle est coincée entre ce qu’elle imagine qu’on attend d’elle et la personne qu’elle est réellement et qu’elle pense ne pas avoir le droit d’être.

Est-ce que j’en ai dit assez sans trop en dire non plus ?

L’univers hospitalier déjà exploité dans le travail de Marie Parson

Ce n’est pas le premier roman que tu écris dans l’univers hospitalier, pourquoi ces choix ?

Parce que j’ai pas mal de personnes dans mon entourage qui travaillent à l’hôpital. C’est facile. Je peux leur poser des questions, me documenter, répondre très vite à mes interrogations. Par exemple, je ne pourrais pas faire ce roman sur la vie d’un commissariat ou d’une prison. Je n’ai aucun contact, aucune connaissance, ce serait beaucoup trop de travail de recherches. Je n’ose même pas l’imaginer.

Après, j’aime l’univers hospitalier pour deux raisons.

La première, c’est le microcosme. L’hôpital, c’est comme l’école, c’est comme la prison, c’est un univers dans lequel vous pouvez recréer les relations extérieures en leur donnant plus de poids et en les mettant en lumière. Que ce soit dans le bon sens ou le mauvais. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Tom Fontana avec la série Oz qui est juste incroyable. Moi, je le fais à plus petite échelle dans un hôpital avec des femmes qui aiment les femmes. C’est tout.

La seconde raison c’est parce que dans un hôpital vous pouvez jouer sur la vie et la mort et le sentiment d’urgence que cela entraîne. Quand on est confronté comme ça à un épisode dur et/ou traumatisant, on est touché et impacté. Un hôpital est le lieu parfait pour créer de la tension et mettre des personnages en difficulté ou les sortir de leur zone de confort. Clairement, j’ai utilisé à deux reprises ce ressort dramatique pour forcer le personnage d’Angelica à affronter le monde réel. Elle m’en veut encore ! [rires]

On peut définitivement dire que ton histoire est feel good, non ? Pourquoi est-ce important pour toi d’écrire dans ce registre ?

Parce que j’écris ce dont j’ai besoin, tout simplement. Ce roman est gentil, doux, tendre. Oui, il y a un gros obstacle. Et on ne le voit pas arriver. Seulement oui, c’est volontaire. Après, c’est une petite dose de drame pour beaucoup de romance.

J’ai retravaillé ce roman en pleine période COVID. La tension était importante, le stress, l’angoisse. J’avais besoin de quelque chose de beau, de joli et de mignon. Un peu comme un doudou qu’on serre contre soi avec plaisir. J’espère que la lecture sera aussi agréable que l’écriture, parce que je me suis beaucoup amusée en imaginant les situations, en jouant avec les différences de mes héroïnes.

Et enfin, les questions complémentaires décalées

Question bonus : DC Comics ou Marvel ?

Question très difficile. J’adore les superhéros. Pour moi, ils incarnent le champ des possibles, le fait que rien n’est acquis et que si on se bat de tout notre cœur, on peut réussir.

Plus jeune j’étais une immense fan de DC Comics. En vieillissant, j’ai commencé à apprécier davantage Marvel. J’aime la franchise qu’ils ont créée, les personnages qu’ils ont revus en totalité ainsi que l’humour et l’autodérision qu’ils ont ajoutés. Je trouve que DC Comics se prend plus au sérieux, aujourd’hui. Et j’avoue avoir particulièrement apprécié le féminisme qui ressort de Black Widow, au-delà du physique des actrices (rires).

As-tu d’autres projets en ce moment ?

Oui, je viens de terminer la rédaction d’un autre roman. Je dois le relire, le faire relire et l’améliorer dans cette partie prise de recul sur les personnages que j’apprécie. Mon épouse m’a déjà fait rajouter plus de 11 000 mots et ajouter un épilogue qui n’est finalement pas celui que j’avais initialement imaginé. Mais elle avait raison, je préfère ce nouvel épilogue. Ne lui dites quand même pas trop, sinon elle va prendre la grosse tête !

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