Interview de Véronique Bréger pour la sortie de Second Souffle, sa nouvelle romance lesbienne
Bonjour, Véronique, peux-tu nous présenter ton nouveau livre ?
Bonjour, avec grand plaisir. Pour commencer, il faut saluer le tour de force des Reines de Cœur qui ont réussi à stimuler mon envie de revenir sur le terrain de jeu de la romance. Une romance, donc, mais pas que, forcément.
Second Souffle est un roman choral dans lequel vous allez faire la connaissance de nombreux personnages parmi lesquels des héroïnes qui nous ressemblent et des animaux aux destins singuliers. Tout ce petit monde va se rencontrer dans un domaine, L’Arbre à Poules, au cœur d’une campagne où les cours d’eau ne seront pas les seuls à confluer.
Cette aventure vous emmène en voyage au fond du jardin. Un vaste jardin peuplé de simples, d’arbres fruitiers, de plantes compagnonnes, de bruissements et d’odeurs. Là où les douleurs du passé sont tapies, là où les espoirs du présent germent et les promesses du futur s’épanouissent.
De la poésie, des rencontres, une plume captivante…
Qu’est-ce qui t’a inspiré ? Comment est née l’idée de cette histoire ?
Mes grands-parents, et, plus largement mes ancêtres, étaient des cultivateurs. Dans ma généalogie familiale mes parents ont été les premiers à s’installer « à la ville ». J’ai vécu une enfance tout en métissage, entre ces deux univers différents, parfois opposés et pourtant interdépendants. On a beaucoup parlé de « retour aux fondamentaux » à l’occasion de la crise COVID, un peu à la manière des bonnes résolutions que l’on prend en début d’année. On a beaucoup oublié depuis, et en très peu de temps.
J’avais envie d’écrire une histoire sur le temps long, ce qui constitue notre monde et comment la fulgurance d’une rencontre est capable de s’inscrire dans cet espace où tout va trop vite, mais, où un regard, une parole, un acte peuvent à jamais changer deux vies.
J’ai puisé mon inspiration dans la nature et son intarissable (je l’espère), renouvellement.
Cette histoire est née d’une anecdote souvenir. Un jour où j’étais en vacances à la ferme chez ma grand-mère est arrivée une famille de Parisiens qui louaient une maisonnette à proximité. Parents et deux enfants, dont une fillette de mon âge, dix ans. C’était la première fois qu’ils venaient à la campagne. Nous avions un vaste poulailler en bordure de la petite route qui traversait le hameau et je ne manquais pas une occasion d’aller nourrir les volailles et surtout chercher les œufs. La gamine me regardait faire de loin, elle ne semblait pas rassurée.
J’avais entendu un échange dont je n’avais pas compris le sens : « Maman, ici ça pue, pourquoi on va pas à la mer. » « Ma chérie, on ira se baigner au lac. » « Le lac est tout marron, il est sale. » Et un autre jour où elles passaient devant le poulailler, il faut savoir que les gallinacés ont tendance à accourir vers de potentielles mains nourricières : « Maman, regarde ! Les poules, elles me reconnaissent ! »
Mon idée était nichée au creux de ce souvenir : qu’est-ce que donnerait la rencontre d’une fille de la ville avec une fille de la campagne. Deux univers situés aux antipodes l’un de l’autre. Ces deux-là seraient-elles en mesure de s’approcher, de se rapprocher, de se comprendre, et parce que nous sommes dans une romance, de s’aimer ?
Deux héroïnes très différentes faites l’une pour l’autre ? Découvrez-en davantage dans cette interview de Véronique Bréger
Tu as deux héroïnes très différentes en même temps faites pour tomber amoureuses. Peux-tu nous parler un peu d’elles ?
Faites pour tomber amoureuses, pas si sûr en réalité. Éléa et Maxence sont issues de milieux très différents et elles ont reçu une éducation dissemblable. Elles sont, pour diverses raisons, à un carrefour de leur existence. Elles sont chamboulées, en rupture avec leur passé et en perte de repères. Prêtes à tout, sauf à tomber amoureuses, qui plus est en un laps de temps très court.
Ici, il est question d’un sujet fort : le lâcher prise ou comment se fier à une intuition et décider de la suivre.
Pour autant, il n’y a pas que Maxence et Éléa. Il y a aussi d’autres personnages dont les vies sont liées à celles de tes deux héroïnes. Tu peux nous dire quelques mots sur chacun et chacune ?
C’est un roman avec de nombreux personnages aux voix singulières. C’est l’ADN de ce roman. Quand je parle de personnages, il faut entendre : humains, animaux, végétaux et lieux.
Coté humains, il y a les indéfectibles amies dÉléa, Bénédicte l’amie d’enfance et Angèle son épouse. La belle-sœur et le frère de Maxence, Juliette et Paul. Sa nièce Chloé et son neveu Timothé.
Pour les animaux, vous ferez la connaissance de Rustic, Ginette, Géode et Piranèse.
Concernant les végétaux, mes deux héroïnes se nomment Sphaigne Humus B et Saxifrage Thalatte.
Le lieu vedette est sans conteste L’Arbre à Poules.
Une botaniste passionnée par la nature et la vie et une femme en fuite…
Maxence est une bosseuse, elle a des valeurs de partage et aime se perdre dans le travail, n’est-ce pas ?
Maxence donne tout à son métier de botaniste ingénieure en agronomie. C’est une passionnée avec d’incontestables valeurs terriennes et humaines. Elle poursuit une quête pour la Terre et ses habitant·e·s. C’est une idéaliste, mais elle est capable de compromis. Elle peut travailler avec des politiques et de grandes entreprises afin d’obtenir des finances pour ses travaux.
Éléa a une famille que l’on pourrait qualifier d’étouffante, non ? Elle se bat en quelque sorte pour tracer son propre chemin, loin de celui qu’on voudrait tracer pour elle.
Éléa est fille unique. Ses parents évoluent dans un milieu où argent et élitisme sont les valeurs qui prévalent. On décide pour elle et elle doit suivre la voie fixée par sa famille. Éléa réussit à comprendre qu’elle ne peut et ne veut pas vivre ainsi. Reste à transformer les désidératas en actes.
Interview de Véronique Bréger : L’Arbre à Poules, un titre provisoire bien trouvé
Peux-tu nous parler un peu de L’Arbre à Poules ? C’était le titre original de ton projet, mais impossible de le garder, ce n’était pas assez vendeur. Il n’empêche, ce lieu est incroyable.
L’Arbre à Poules est le socle de cette romance, le point de rencontre de tous les personnages, humains, animaux et végétaux. C’est l’ingrédient principal de ma recette, l’élément central. Là où tout se noue et se dénoue.
Quelques arpents de terre devenus au fil des ans, exploitation agricole, puis plus récemment domaine avec gîte à la ferme et paddocks pour chevaux.
Cet endroit de fiction est en fait un patchwork de lieux réels de mon histoire personnelle.
Il est beaucoup question de nature, de résilience, du monde tel qu’on le connaît et de la manière dont on pourrait le rendre meilleur. Tu es plutôt positive ou négative quant à l’avenir ?
Parfois, je me dis que l’humain est le parasite ou le pire nuisible vivant sur Terre, ça, c’est quand je suis énervée, c’est rare, objectivement je reste une incorrigible optimiste.
Nous sommes face à une sorte de rupture entre un passé connu et rassurant et un futur que certains peuplent déjà de nos pires cauchemars. Autrices et auteurs de science-fiction écrivent depuis longtemps sur les vertus d’une prise de conscience écologiste.
De mon point de vue, il s’agit, entre autres, de remettre le bon sens au milieu du « village » et de s’adapter. L’adaptation vient avec la compréhension du milieu dans lequel on évolue et l’acceptation que l’humain n’en est pas le maître.
Je vis une partie de l’année à la campagne. En cinquante ans, j’ai constaté de considérables changements, normal, nos sociétés se sont transformées et nous sommes plus nombreux. Pour autant ce n’est ni pire, ni mieux qu’avant, c’est différent.
À titre personnel, disons que je suis vigilante, j’écoute et je doute. Beaucoup de choses, quoi qu’en répètent ceux qui nous les vendent, ne sont pas utiles au bonheur.
Rustic un chien attachant et marquant…
On avoue, dans l’équipe on a eu un gros coup de cœur pour Rustic, son passé, son présent et son histoire. Comment on écrit ce qu’il se passe dans la tête d’un chien ?
À la construction du synopsis j’ai rapidement envisagé la présence d’animaux dont l’histoire ferait miroir à celle des humain·e·s.
Rustic est devenu un personnage à part entière et naturellement j’ai eu envie de formaliser son point de vue. On dit de certains animaux qu’il ne leur manque plus que la parole, mais en vrai ils ont de multiples facultés de communication. Dans le cas présent, il me fallait des mots afin que cela soit « lisible ». J’ai procédé de la même manière qu’avec un personnage humain. Un humain qui ne parlerait pas l’identique langage que celles et ceux qui l’entourent, mais qui comprendrait le sens des intentions. C’est un peu le « bordel » dans la tête de Rustic, comme ça peut l’être dans la nôtre, parfois.
Dans ce roman, il est énormément question de femmes et de l’impact qu’elles ont sur le monde. Tu penses que les femmes peuvent sauver ou au moins changer le monde qui les entoure ?
Les femmes se dévouent depuis la nuit des temps (sourires) au monde. Plusieurs verbes me viennent : procréer, survivre, porter, supporter, aimer, booster, veiller… Les femmes sont des bâtisseuses de présent et donc d’avenir. Pour autant, je crois en la diversité et en un iels aux valeurs universelles.
Interview de Véronique Bréger : Un retour à la romance lesbienne !
Après Cible, ça fait quel effet ça fait de renouer avec la romance lesbienne ?
Ma première romance date de 2004 et la dernière de 2010. Cela fait un certain temps que je n’avais pas évolué dans ce genre de littérature. Je me suis dit : « Véro, c’est comme le vélo, les réflexes ne s’oublient pas. »
En toute franchise, l’affaire s’est avérée plus complexe qu’il n’y paraissait au premier abord. Je me suis retrouvée face à un vrai challenge, mais je me suis également et immédiatement, beaucoup amusée.
Au final, le travail éditorial avec Isabelle m’a permis de pousser les curseurs et de vous offrir ce « Second Souffle » qui, je l’espère, vous séduira.
La ville et la campagne sont complémentaires pour notre épanouissement. Symbiose indispensable..et quand je vais à Paris, je prends toujours la même chambre d’hôtel avec ouverture sur le jardin à poules ( dont l’une s’appelle Georgette)..Si si, c’est possible !!, Rue de la Gaité en plus !. Autant dire que je vais me régaler avec Second Souffle !🥰🥰