11 décembre 2024 (Flore Tinaire)

calendrier avent Reines de Noël jour 11 Flore Tinaire

Une tenue adaptée

Encore ensommeillée, les yeux à peine ouverts et les cheveux ébouriffés couvrant son visage, Reine se dirigea vers le frigo pour en sortir une bouteille de jus d’orange, qu’elle posa sur l’immense îlot central de la cuisine. Elle attrapa machinalement un verre dans l’un des placards et se servit une grande dose de vitamine C, qu’elle but d’une traite. Elle reposa le verre vide sur l’îlot.

— Bonjour, ma fille.

Reine sursauta et posa une main sur sa poitrine, comme pour empêcher son cœur de quitter sa cage thoracique sous l’effet de la peur. De l’autre, elle repoussa les cheveux qui gênaient son regard. Elle vit enfin sa mère, tranquillement assise sur l’un des tabourets entourant l’îlot, une tasse de café devant elle, qui la regardait avec un grand sourire sur le visage.

— Maman, bon sang ! Tu m’as fait une de ces frayeurs !

— Je n’avais pas la patience d’attendre que tu me remarques enfin.

— J’aurais pu faire une crise cardiaque, s’indigna Reine, maintenant complètement réveillée.

— Aucune chance, tu es jeune et en pleine forme. Et tu dois faire face, ces derniers jours, à bien plus angoissant que ta mère qui te salue.

— C’est pas faux, soupira l’aspirante mère Noël en s’asseyant en face de Carol.

— C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis levée aux aurores. Nous n’avons pas vraiment eu le temps de discuter de tout ce qui se passe, et je veux savoir comment tu te sens.

— Pffff…

— À ce point-là ? Bon, on va commencer par le commencement. Je vais te préparer un bon petit-déjeuner et tu vas me raconter tout ça. Ton entraînement commence à quelle heure aujourd’hui ?

— Je dois retrouver Christy dans son bureau à 8 h 30. Je ne sais pas quel est le programme du jour, mais je m’attends à tout.

— C’est pour ça que tu te lèves si tôt au lieu d’en profiter pour te reposer au maximum ? demanda Carol en s’activant dans la cuisine.

— Je me reposerai le 26 décembre. Je ne peux pas me permettre de perdre la moindre minute en futilités.

Carol posa une tasse de café devant sa fille et retourna devant la cuisinière afin de cuire quelques pancakes.

— Le sommeil n’est pas une futilité, c’est une nécessité. La fatigue peut avoir des conséquences loin d’être négligeables : baisse de la réactivité, manque de concentration, irritabilité, et j’en passe.

— Je ne peux qu’être d’accord avec ta mère, elle m’épate. Le veuvage l’a rendue pleine de bon sens.

— Salut, Unicœur. Toi aussi, tu vas me faire la morale et me dire comment je dois gérer ma vie ? chuchota Reine à la licorne apparue sur son épaule droite.

— Oh non ! Je laisse ta mère s’en charger. Je crois qu’elle va faire ça parfaitement ! À plus tard !

— Dis donc, ma fille, tu m’écoutes ? Si je t’ennuie, préviens-moi !

Carol avait posé une assiette de pancakes devant sa fille et la regardait, l’air énervé, les mains sur les hanches.

— Tu fais comme ton père ! D’un coup, c’était comme s’il n’était plus là, le regard vide, l’esprit ailleurs. J’ai toujours détesté ça. Et maintenant, toi aussi, tu fais pareil. Qu’est-ce qu’il t’arrive, Reine ?

— Je… Je suis désolée, maman. Je ne peux rien te dire, c’est un truc de père Noël, répondit Reine en commençant à manger avec appétit le petit-déjeuner préparé par sa mère.

— Un truc que tu possèdes même si tu n’as pas encore passé l’épreuve du 21 décembre et que tu n’as pas été officiellement intronisée par le Conseil ? s’étonna Carol.

Reine s’immobilisa, la bouche grande ouverte. Le morceau de pancake recouvert de sirop d’érable qu’elle allait manger glissa lentement de sa fourchette et tomba sur la table. Puis elle regarda sa mère, qui souriait maintenant d’un air plus que satisfait.

— Tu comprends ce que ça signifie, n’est-ce pas ?

— Tu crois vraiment que ça pourrait être ça ? murmura Reine, semblant avoir du mal à le croire.

— J’en suis sûre, ma fille. Quoique le Conseil puisse penser, la magie de Noël a déjà fait son choix. Tu n’as pas besoin de mon aide, finalement. Tu t’en sors très bien toute seule.

— Maman, ne dis pas n’importe quoi. J’aurai toujours besoin de toi à mes côtés.

— Dans ce cas, parle-moi un peu de ta relation avec Christy, demanda Carol avec malice en s’asseyant à côté de sa fille.

***

Il était 8 h 29 quand Reine arriva devant la porte du bureau de Christy. Elle fit son possible pour se composer un visage sérieux, mais elle eut du mal à camoufler le sourire qui semblait ne plus vouloir quitter ses lèvres. Même si son côté rationnel n’osait y croire, les paroles de sa mère résonnaient en elle. La magie de Noël a déjà fait son choix.

Elle avait bien essayé d’entrer en contact avec Unicœur, son Esprit de Noël attitré pour la soutenir, afin de savoir si sa mère avait raison ou non. Malheureusement, la licorne était aux abonnés absents. Cette découverte conduisait Reine à penser que Carol avait probablement vu juste.

La nouvelle la réjouissait, lui confirmant qu’elle était à sa place et faite pour succéder à son père. Cependant, elle ressentait également une pression encore plus importante sur les épaules. Elle ne pouvait pas décevoir la magie de Noël. Elle devait se montrer à la hauteur de sa confiance et redoubler d’efforts pour vaincre Merry. Après tout, l’Esprit de Noël pouvait encore changer d’avis, rien n’était définitif. Alors, elle respira profondément, afficha un air aussi neutre que possible et frappa à la porte.

— Entrez !

— Bonjour, Christy, la salua Reine en pénétrant dans la pièce. Quel est le programme du jour ?

— Ça va être plutôt calme aujourd’hui, répondit l’elfe au moment de se lever. Viens, je t’emmène dans une zone de l’atelier que tu ne connais pas encore.

— Tu titilles ma curiosité, mais j’imagine que j’ai encore des tas d’endroits à découvrir.

— Oh oui ! confirma Christy en avançant rapidement dans un dédale de couloirs. Tu as encore beaucoup à apprendre et il te faudra gérer plusieurs Noëls avant d’espérer maîtriser ton sujet.

— Tu penses vraiment que j’en suis capable ? l’interrogea Reine dans un soupir tout en accélérant le pas pour ne pas se laisser distancer.

L’elfe s’immobilisa d’un coup et, surprise, la future mère Noël la percuta. Reine dut s’agripper à elle pour éviter qu’elles ne finissent toutes les deux par terre. Une fois stabilisée, Christy pivota et se retrouva très proche de Reine, plus proche que la bienséance ne l’autorisait. Sans lui laisser le temps de s’excuser, elle plongea son regard dans le sien et déclara :

— J’en suis persuadée. Ma sœur n’a pas la moindre chance face à toi.

Puis elle se recula de plusieurs pas en désignant une porte que son apprentie n’avait même pas remarquée.

— Nous y sommes.

L’elfe frappa à la porte et entra sans attendre de réponse. Reine la suivit et fut ébahie par ce qu’elle découvrit. Une salle immense et lumineuse, haute de plafond. Le côté droit de la pièce était occupé par des étagères contenant des rouleaux de tissu de toutes les couleurs et comportant tous les motifs imaginables. Le côté gauche, quant à lui, ressemblait à un dressing géant. Sur plusieurs niveaux, des centaines de tenues de toutes tailles semblaient attendre que quelqu’un vienne les essayer. Les paires de chaussures se comptaient par dizaines, les chapeaux, par centaines. Dans le fond de la pièce, trois lutines étaient assises devant des machines à coudre et assemblaient des pièces de tissu fraîchement découpées.

— Wahou ! s’extasia l’apprentie mère Noël.

— Impressionnant, n’est-ce pas ? Bienvenue dans l’atelier des costumes. C’est ici que sont confectionnées les tenues de chacune des personnes travaillant à l’organisation de Noël. Viens, je vais te présenter l’équipe qui se charge de cette tâche, expliqua Christy en se dirigeant vers les lutines.

— Bonjour, les salua Reine.

— Voici Bobine, Aiguille et Pelote. Bobine est la styliste en cheffe, Aiguille est spécialiste en couture et Pelote n’a pas son pareil pour découper les tissus.

En entendant leur nom, les lutines avaient incliné la tête vers Reine.

— Je suis ravie de vous rencontrer. Cet endroit est impressionnant.

— Si je t’ai amenée ici aujourd’hui, c’est parce qu’il est temps que tu essaies ta tenue. Cela laissera quelques jours pour les retouches si nécessaire avant la cérémonie du 21.

— Ma tenue ? Tu veux dire que je vais avoir une tenue de père… enfin, de mère Noël ?

— Évidemment, répondit Bobine. Vous pensiez distribuer les cadeaux en jeans ?

— Non, non, bien sûr. Mais il y a tant à apprendre que je n’ai pas pris le temps de me pencher sur ce point.

— Qui est pourtant d’une importance capitale. C’est le costume qui rend le père Noël reconnaissable aux yeux de tous, expliqua Aiguille.

— Ne perdons pas une minute, il est temps de procéder à l’essayage. Déshabillez-vous, exigea Pelote.

— Que… Quoi ?

— Vous êtes sûre qu’elle est à la hauteur ? demanda Bobine en se tournant vers Christy.

— Faites-moi confiance, j’en ai formé de bien pires qu’elle et je n’ai jamais échoué.

Détestant que l’on parle d’elle comme si elle n’était pas là, Reine se gratta la gorge pour attirer leur attention.

— Où sont les cabines d’essayage ?

— Il n’y en a pas, répondit Pelote.

— Ne soyez pas prude. Vous n’avez rien que nous n’ayons déjà vu, tenta Aiguille pour la mettre à l’aise.

En soupirant, Reine commença à se dévêtir sous le regard neutre des lutines. Elle remarqua alors que Christy feignait de s’intéresser aux costumes accrochés sur le portant à côté d’elle, sans parvenir à s’empêcher de lui jeter de rapides coups d’œil. Elle était en train de regretter les sous-vêtements plus confortables qu’affriolants qu’elle avait choisis en vue d’une journée d’exercice. Au moins, ce n’était pas un ensemble dépareillé.

En quelques instants, elle se retrouva en brassière et culotte de coton noir. Puis elle fixa les lutines en attendant la prochaine consigne. Bobine et Aiguille s’approchèrent d’elle et déposèrent délicatement une housse sur la table de couture la plus proche. La styliste en cheffe descendit la fermeture éclair et dévoila un costume de père Noël flambant neuf.

— C’est une blague ? demanda Reine.

— Une blague ? s’indigna Bobine. Sachez que nous ne faisons jamais de blagues ici, surtout pas à propos du costume du père Noël.

Reine se tourna alors vers Christy, qui ne réagissait pas. En suivant le regard de la commandante, elle ne put s’empêcher de tenter de camoufler de la main ce qui semblait la perturber. Son absence de vêtement révélait aux yeux des personnes présentes le tatouage qui couvrait le côté gauche de son corps. Le motif commençait juste sous son sein et descendait jusqu’à sa hanche. Il représentait de délicats flocons, de tailles et de formes différentes, comme portés par le souffle d’un vent d’hiver. Christy ne se détourna de sa contemplation qu’au moment où la main de Reine recouvrit une partie du dessin en noir et blanc.

— Christy, dis-moi que c’est une blague, répéta Reine.

— Comment ça ?

— Ce costume, c’est exactement le même que celui de mon père.

— Évidemment, confirma Bobine. C’est un costume de père Noël, pas d’Arlequin.

— Je suis une mère Noël : ça se voit, quand même ! commença à s’énerver Reine en désignant son corps d’un geste.

— Oh oui ! répondit spontanément Christy, qui se figea lorsque quatre paires d’yeux se braquèrent sur elle et qu’elle réalisa avoir parlé à voix haute. Enfin, je veux dire qu’il est certain que des ajustements doivent être faits pour mettre cette tenue à ta taille.

— Des ajustements ? Mais je vais ressembler à Bibendum, moi, là-dedans. Et comment espères-tu que je puisse réussir à me faufiler discrètement dans une maison, comme Rouspétopoulos me l’a appris, avec ça sur le dos ? C’est mission impossible !

Christy ne put que reconnaître le bien-fondé de cette remarque.

— Que suggères-tu ?

Reine mit les mains sur les hanches d’un air décidé, oubliant totalement qu’elle était presque nue, et répondit :

— Bobine, Aiguille, Pelote et moi, nous allons régler ça ensemble. Toi, tu as sûrement d’autres activités de prévues. Reviens en fin de journée, nous ferons le point.

— Mais…

— Pas de « mais », Commandante. Je gère. Maintenant, dehors.

Christy sortit de l’atelier de couture sous les regards narquois des trois lutines, qui avaient bien vu que leur Commandante n’avait finalement pas tant de pouvoir que ça sur la future mère Noël.

***

Quand Christy revint à l’atelier quelques heures plus tard, Reine était invisible, cachée par un paravent qui n’était pas là le matin. Bobine, Aiguille et Pelote étaient debout, ayant l’air contentes d’elles.

— Alors ? demanda la Commandante en cheffe, impatiente.

— Alors, je pense que vous allez être satisfaite, répondit Bobine.

Reine choisit cet instant pour s’avancer. Elle sortit lentement de sa cachette et dévoila au regard curieux de l’elfe la tenue que les lutines avaient confectionnée à son intention ces dernières heures.

Les yeux de Christy commencèrent par les bottes en cuir noir, montant jusqu’à mi-mollet et terminées par une bordure en fourrure blanche. Un pantalon moulant de couleur rouge recouvrait ses jambes et ses cuisses, puis une doudoune à capuche rouge, fine et cintrée, mais que l’on devinait chaude, habillait le haut de son corps. Une large ceinture noire avec une boucle dorée marquait sa taille. De la fourrure blanche aux manches et autour du visage complétait la tenue. Une version simple, féminine et pratique de la tenue traditionnelle du père Noël.

— Verdict ? demanda Reine, les mains sur les hanches.

Christy resta muette un court instant, la bouche légèrement entrouverte. Reine savoura son effet et se retint d’envoyer un petit clin d’œil mutin à la Commandante, visiblement perturbée. Christy secoua la tête, se redressa, se racla sa gorge et acquiesça.

— Tu es parfaite.

Nouvelle F/F de Flore Tinaire

2 Commentaires sur “11 décembre 2024 (Flore Tinaire)

  1. Cortin Cecile dit:

    Gros coups de tension dans l’atelier des costumes.
    Entre déshabillage, essayage et habillage, Christy ressemble au Loup de Tex Avery !
    Alors, 36 chandelles pour elle, Fashion Award pour Reine et prix du court metrage pour Flore 🤩🤩🤩❤❤❤

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