Interview Jude Silberfeld-Grimaud et Marguerite Grimaud pour la sortie de L’Hôtel de la Voie lactée

Marguerite Grimaud et Jude Silberfeld-Grimaud

Interview Jude Silberfeld-Grimaud et Marguerite Grimaud pour leur premier roman à deux

Bonjour à vous deux. Avant de débuter, est-ce que vous pouvez nous présenter votre roman écrit ensemble ?

M & J : Il s’agit d’une romance de Noël située dans un village imaginaire des Hautes-Alpes. En une journée, Céleste est licenciée, perd son appartement à Paris et apprend qu’elle a hérité d’un hôtel à Montlouis. Avec le soutien de ses parents et de sa meilleure amie, elle décide de saisir cette occasion pour changer de vie. Grand bien lui en prend puisque dans ce charmant village, elle rencontre Rose, talentueuse chocolatière et astronome.

M : Avant de continuer à répondre à tes questions, information importante : Jude et moi sommes rarement d’accord alors il risque d’y avoir des différences dans les réponses. Mais nous avons réussi à écrire un livre ensemble. Nous avons été très bien accompagnées, notamment portées par la confiance de nos éditrices !

J : Là, on est d’accord ! On avait prévenu que si nous voulions divorcer au bout de deux chapitres, nous arrêterions. Au bout de vingt-huit chapitres et un épilogue, on s’aime toujours.

M : Plus qu’hier, moins que demain.

Comment avez-vous eu l’idée de situer votre romance, L’Hôtel de la Voie lactée, dans un petit village de montagne ? Qu’est-ce qui vous a inspirées pour créer Montlouis ?

J : La recette de la romance de Noël, c’est souvent « rat des villes, rat des champs ». Mais surtout, j’adore Noël et Noël, c’est la neige, les lumières et le chocolat. Et c’est bien connu, le chocolat c’est la vie.

M : Jude a de l’esprit de Noël à l’intérieur de sa personne pour deux, et moi… moins, mais j’aime énormément les ambiances de neige, le froid tranchant et tout ce qui en découle dont, à la fin d’une promenade, d’aller se réfugier dans un cocon. J’ai puisé dans mes très bons souvenirs de vacances dans un hameau du Queyras. Des petits bonheurs de flocons, de tartiflette (parce que le fromage fondu, c’est aussi la vie), de promenades à raquettes, de traces d’animaux dans la neige, de marmottes mignonnes. J’ai failli vivre à la montagne, d’ailleurs, car j’ai été à deux doigts d’entrer dans l’équipe de France espoir de ski alpin quand j’étais ado !

L’astronomie et le chocolat au centre de cette belle romance de Noël saphique

Lastronomie et le chocolat sont deux passions centrales dans votre roman. Pourquoi avoir choisi ces deux univers et comment les avez-vous liés à vos héroïnes ?

J : J’ai deux amours, le chocolat et le fromage (sans oublier Marguerite, et notre enfant et nos chats). Écrire cette romance était l’excuse rêvée pour participer à un atelier de confection de chocolat, qui nous a été très utile pour décrire les gestes de Rose.

M : J’adore regarder les ciels étoilés et il y en a plein mes romans, de La Voie du Sud à La Constellation des Sentiments où même une de mes héroïnes porte le prénom d’une constellation.

J : Dans nos téléphones, nous avons des applications d’astronomie ou de suivi de l’ISS. Sur le plafond de notre chambre, il y a longtemps eu des étoiles phosphorescentes et nous nous endormons désormais sous une nébuleuse entourée d’astres. Il y a quelque chose de fascinant dans le cosmos, cet infiniment grand dont nous ne connaissons quasiment rien, et dont seules les lumières nous parviennent. Mystérieux et romantique. C’est aussi pour ça que j’adore Star Wars.

M : Je suis moins chocolat que Jude mais je suis fascinée par ce que l’on peut créer autour du cacao. J’ai l’impression qu’on pourrait découvrir à l’infini des bonbons de chocolat différents, comme Rose le fait. D’ailleurs, l’après-midi passée à apprendre certains gestes chez un chocolatier de renom a été mémorable.

L’Hôtel de la Voie lactée semble presque être un personnage à part entière. Pouvez-vous nous parler de la genèse de cet établissement si particulier avec ses chambres thématiques ?

M : Nous avons des souvenirs de soirées enneigées dans de petits établissements avec juste quelques chambres, le parfum du feu dans la cheminée. 

J : L’idée des chambres thématiques est venue de l’envie de présenter le caractère à la fois sérieux et créatif d’Augustine, de la montrer au travers d’un lieu qui lui est cher et pas seulement dans le regard des habitants.

M : Cet hôtel, c’est un refuge. Et la montagne, c’est le ski pour beaucoup mais c’est aussi la nature été comme hiver et une façon de l’apprécier autrement qu’en dévalant les pentes.

La métamorphose des personnages tout au long de l’histoire

Céleste traverse une véritable métamorphose, passant dassistante juridique parisienne à hôtelière de montagne. Comment avez-vous construit ce parcours de réinvention personnelle ?

J : C’est quelqu’un de relativement désabusé et passif dans sa vie métro-boulot-dodo. Grâce à une série de coups du destin, elle se redécouvre et se révèle pleine d’enthousiasme et d’imagination.

M : Elle avait ça en elle et elle est juste passée à côté. Mais maintenant qu’elle est là, elle va prendre le volant de sa propre vie comme elle le dit elle-même.

J : J’avais dit à Marguerite que j’avais envie de raconter la métamorphose qu’on peut connaître quand les conditions sont réunies. Pour moi, il y a une sorte de parallèle avec la vie qu’une personne neurodivergente peut traverser en faisant de son mieux pour s’adapter et celle qu’elle embrasse après le diagnostic qui explique et déculpabilise. On peut aussi comparer au coming-out, les années pendant lesquelles on se cherche, et la libération quand on se découvre et qu’on s’assume.

Rose incarne parfaitement lartisane passionnée avec sa chocolaterie Le Chocolat des étoiles. Quest-ce qui vous a séduites dans ce personnage de femme enracinée dans sa région ?

M : Il fallait des personnages diamétralement opposés – un peu (beaucoup) comme Jude et moi – pour que ça soit amusant à écrire et intéressant à lire. Rose sait ce qu’elle veut, ce qu’elle ne veut pas. Elle a construit son existence avec intensité entre le ciel (les étoiles) et la terre (le cacao) avec ses chattes, ses amies, sa famille. Le seul aspect de sa vie qui ne la satisfait pas complètement, c’est l’aspect sentimental.

Interview Jude Silberfeld-Grimaud et Marguerite Grimaud pour l’Hôtel de la Voie lactée

Vos deux héroïnes semblent être des opposées qui sattirent – la citadine et la montagnarde. Comment avez-vous travaillé cette complémentarité ?

M : Peut-être parce les deux étoiles contraires que nous sommes savent que l’eau et l’huile peuvent fusionner à merveille. Il suffit d’une alchimie plus forte que tout, ce qui est le cas de Rose et Céleste.

J : Et le nôtre, apparemment 😉 Nous avons aussi travaillé leurs voix, leurs façons de penser, pour qu’elles soient différentes mais qu’elles se comprennent. L’enthousiasme et l’énergie de Céleste émerveillent Rose, dont la stabilité combinée à la passion attirent Céleste.

La tension amoureuse entre Céleste et Rose se construit progressivement. Pouvez-vous nous parler de la façon dont vous avez orchestré leur rapprochement ?

J : On a très sciemment voulu qu’il n’y ait pas d’anicroche entre les deux héroïnes. Rose tombe tout de suite sous le charme de Céleste et celle-ci, occupée par sa nouvelle vie, mettra plus de temps à comprendre qu’elle a trouvé l’amour de sa vie. Mais il est très clair que les choses se font progressivement et assez naturellement sous le regard amusé et parfois un peu intrusif de leurs proches. 

M : Et, de l’au-delà, d’une grand tante facétieuse.

J : Je crois que nous avions aussi envie d’un slow burn lesbien, parce que c’est un peu comme Noël, on sait que quelque chose de délicieux arrive et on savoure l’attente, l’impatience.

Des scènes spicy ? Vous avez parlé de scènes spicy ????

Il y a plusieurs scènes spicy au fil du roman. C’est dur à écrire ? C’est indispensable pour vous ?

J : Certaines romances fonctionnent très bien avec des scènes d’amour en fondu au noir, derrière une porte fermée. Avec des personnages comme Rose, dont le travail est tout en sensualité, et Céleste, qui, une fois libérée des carcans qu’elle s’était inventés, mord la vie à pleines dents, il nous a très vite paru évident que ces scènes devaient être sur la page, et non simplement suggérées. Comme en plus Marguerite adore les écrire et que j’ai découvert qu’en effet, c’était très amusant, ça aurait été dommage de se priver !

M : Pour moi, c’était assez évident que la révélation pour Céleste de la vraie vie allait ouvrir beaucoup de portes. Parmi elles, la découverte de son désir et du plaisir, ce qui ne déplaît pas du tout à Rose. Car bien qu’introvertie, celle-ci est très passionnée et très… créative. Et je suis très attachée, dans tous mes romans, à écrire l’appropriation de son corps, de ses sentiments et à raconter le plaisir lesbien. Et puis, c’est l’hiver et il faut bien se réchauffer.

La solidarité villageoise joue un rôle important dans lhistoire. Quel regard portez-vous sur ces communautés rurales soudées ?

M : On connaît ça dans notre petit coin de Normandie. Quand il y a des tempêtes, les gens sont très solidaires, on est aux petits soins les uns pour les autres. Les tempêtes apportent parfois leur lot de coupures de courant, par exemple. Alors, ceux et celles qui ont le gaz apportent des plats chauds aux autres. Ou, si l’eau est coupée dans une partie du village, on le traverse pour aller prendre une douche chez les copains. Tous ces petits gestes sont très rassurants au lendemain de coups de tabac qui sont parfois effrayants.

Jude Silberfeld-Grimaud et Marguerite Grimaud nous parlent d’héritage et de la liberté d’être soi

Lhistoire damour entre Augustine et Palmyre apporte une dimension multigénérationnelle touchante. Pourquoi était-il important dinclure cette romance du passé ?

J : Cet arc narratif était important pour nous pour plusieurs raisons. Il apporte une certaine épaisseur à Céleste (qu’est-ce qui fait qu’elle « mérite » d’hériter ?), il nous permet d’ancrer le village dans une histoire (la Seconde Guerre Mondiale), aussi. Et de rappeler que de tout temps, des femmes ont aimé des femmes, y compris ouvertement, même par le passé. Et que ces pionnières nous permettent, à nous, à Rose, à Céleste, de vivre ouvertement aujourd’hui, et d’écrire, de publier, de lire des romances qui parlent de nous. Alors oui, c’était indispensable de montrer que nous marchons sur des chemins ouverts par nos ancêtres. Et de clamer bien haut, de génération en génération, bravo les lesbiennes !

Comment vous y prenez-vous pour écrire à quatre mains ? Avez-vous chacune vos personnages de prédilection ?

M : On va pas être d’accord sur cette réponse. Jude a choisi le personnage extraverti et moi je me suis retrouvée avec l’introvertie (j’étais d’accord). C’est à l’opposé de nos caractères. Ça été un défi de plus en fait. Car notre challenge le plus fou, ça a été de créer un roman en français et en anglais qui sortira quasiment simultanément dans les deux langues. Et ça, franchement, ça a été un truc de dingue, fabuleux, tortueux, incroyable.

J : Marguerite a écrit Rose en français et j’ai écrit Céleste en anglais puis les personnages ont trouvé leur deuxième langue. L’idée, ce n’était pas de traduire mais bien de proposer la même histoire, qui a évolué au fil de l’écriture en français et en anglais. 

M : Nous nous sommes aussi permis des petites différences parce que nous voulions vraiment un roman dans une version francophone et anglophone. Ce n’est pas le jeu des sept différences mais, par exemple, si la version française s’étend un peu sur la bonne chère, la version anglaise est plus pragmatique. Autre exemple, les prénoms des chattes ne sont pas les mêmes.

J : Pour revenir à l’introvertie et l’extravertie, je ne l’ai pas du tout vécu de la même façon, je n’ai pas l’impression d’avoir « choisi » quoi que ce soit. D’abord parce que les personnages nous entraînent plus que nous ne les écrivons, mais aussi parce qu’on apprend à connaître Rose et Céleste par le regard qu’elles portent l’une sur l’autre. Céleste est devenue extravertie parce que c’est ainsi que Marguerite l’a écrite vue par Rose. Et l’assurance de Rose lui vient de la façon dont je l’ai vue par les yeux de Céleste.

Écrire à deux et se surprendre chaque jour, malgré les années d’amour et de vie commune

Est-ce dur de se surprendre quand on écrit ensemble ? Dans la même maison ? Dans la même pièce ?

M : Après toutes ces années, on se surprend encore et toujours parce que pour nous, tout est une aventure. La panne de scooter au milieu de nulle part, écrire un livre, fonder une famille : Tout. Est. Une. Épopée.

J : On a eu des surprises, on a eu des fous rires, des émerveillements et à chaque fois, ça semblait nouveau. Il y a eu quelques grognements par ci par là, aussi, mais ça aussi, ça fait partie du process !

M : Je tiens à ajouter que Jude m’a absolument bluffée, une fois encore en jonglant avec les deux versions puisque mon amour a été le lien permanent entre les deux langues. La traduction, c’est un métier !

J : Je souhaite à tout le monde au bout de tant d’années de se surprendre de continuer à s’amuser et à s’aimer comme ça. Et de découvrir ou de comprendre des aspects de la personnalité de son amour même après tant d’années. Nous avions déjà travaillé ensemble ponctuellement quand nous étions journalistes mais jamais sur un projet de longue haleine comme celui-ci, et de voir à quel point nos cerveaux sont différents est fascinant.

M : Tout à fait d’accord avec cette réponse parfaite ! Avant cette épopée, nous travaillions dans deux pièces séparées, mais, là, mon bureau a servi de camp de base et il risque fort de devenir notre pièce à écrire commune.

Pour finir, quaimeriez-vous dire à vos lectrices et lecteurs ?

J : Il est recommandé de se munir de chocolat sous quelque forme que ce soit avant d’ouvrir cette romance.

M : Bonne lecture et joyeux Noël !

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