25 ans et 34 jours : Interview de l’autrice de romans lesbiens Marguerite Grimaud

Interview de l’autrice de romans lesbiens Marguerite Grimaud

Bonjour Marguerite, un an après La Voie du Sud, tu nous reviens avec un autre roman. Peux-tu nous le présenter ?

25 ans et 34 jours est une chronique familiale qui se passe à Paris. On va quand même voyager mais cette fois, ce sera dans le temps. En fait c’est une romance à l’envers… m’ont soufflé mes éditrices.

Quand l’intrigue commence, Joséphine et Béatrice filent le plus parfait amour depuis plus de 25 ans entourées de leurs trois enfants.

Les deux femmes flirtent aussi avec les sommets professionnels. Joséphine est une pianiste et cheffe d’orchestre respectée et les recherches de Béatrice en biologie promettent des progrès inestimables. Bref, une vie bien remplie, organisée et pleine d’amour absolu.

Mais un jour, Joséphine chute d’un arbre dans leur jardin. Elle est opérée et placée dans un coma artificiel le temps de guérir car, spoiler, elle va s’en sortir !

À son chevet, Béatrice se remémore les moments clefs de leur amour, leur première rencontre, leur premier baiser, leur première nuit de vacances, seules sur la plage d’une île grecque, la naissance des enfants, les interrogations, les succès, les victoires, les doutes, les triomphes…

Pourquoi cette histoire et combien de temps t’a-t-il fallu pour l’écrire ?

2534, comme je l’appelle, vient de très loin. J’ai commencé à l’écrire il y a plus de dix ans. J’avais pensé à un livre jeunesse. Une enfant est au chevet de sa mère dans le coma et lui lit des histoires sans lui raconter la fin en espérant qu’elle va se réveiller pour l’entendre. Petit à petit, j’ai réalisé que j’avais plus envie d’écrire sur cette famille et non les histoires inventées par celle qui est devenue Appoline, la petite dernière, dans 2534.

25 ans et 34 jours est une romance un peu différente des standards habituels…

Tu changes de style, d’ailleurs, puisque tu écris à la première personne dans celui-ci. Comment as-tu trouvé l’exercice ?

Je voulais être dans la tête de Béatrice, la narratrice pour être vraiment au cœur des deux tourmentes : la tourmente amoureuse de la rencontre qui pulvérise l’existence… tourmentée de Béatrice et celle qui s’abat sur la famille quand Joséphine chute de l’arbre.

Ton roman est assez différent des romances habituelles puisque l’une des deux héroïnes est dans le coma la moitié de l’histoire. C’était compliqué à gérer ?

Joséphine est omniprésente tout au long du roman ! Elle est toujours dans la tête de Béatrice et donc bien en vie, lumineuse ! De plus, les flash-back racontent la naissance d’un amour et franchement, j’ai pris un plaisir inouï à raconter ce cheminement. Et même au chevet de Jo, la famille peut créer des merveilles de petits moments touchants.

Comment tu décrirais ton histoire ? C’est entre la romance et la chronique familiale, non ?

Absolument. Une chronique familiale peut être une romance et vice-versa, n’est-ce-pas ?

La question de la PMA pour les couples lesbiens une évidence ?

Tes deux héroïnes, Béatrice et Joséphine, ont trois enfants et tu n’interroges jamais le comment elles les ont faits. C’est une ellipse volontaire ? Pourquoi ?

Oui, car ce n’est pas le sujet. On se doute que c’est une PMA. Je ne voulais pas entrer dans les détails techniques parce que ça aurait détourné l’attention de ce que je voulais raconter. La constitution d’une famille, d’un couple, d’un amour si grand. Je ne vais pas évoquer ici les enfants sinon j’en aurais pour des heures ! Ils s’appellent Virgile, Garance et Appoline, donc, ils ont 19 ans, 16 ans et 10 ans et ont des caractères et des vocations très différentes.

Peux-tu nous parler un peu de Béatrice, de qui elle est et de son univers de la recherche fondamentale ?

C’est un génie. Elle a fait partie d’une équipe européenne de recherche qui a reconstitué le génome humain et dirige un laboratoire de pointe à Paris. C’est une référence absolue. C’est évident pour moi qu’elle deviendra une Prix Nobel. Elle a montré dès sa thèse qu’elle a toujours un coup d’avance, les bonnes intuitions qui permettent de faire sauter des verrous.

Elle tire tout cela de son cerveau génial, d’une équipe scientifique assez solide, mais aussi de son amour avec Joséphine, du quotidien avec ses enfants, son frère, ses beaux-parents. Être sans cesse dans la réalité d’un devoir, d’une lessive à étendre, d’une partie de basket ou de foot (je n’en dis pas plus), des siestes de tendresse ou d’amour avec Joséphine lui permettent de décoller sur sa lune pour inventer la science de l’avenir. Même si parfois, quand elle est pleine recherche, elle rapporte des tablettes de chocolat au lieu des tablettes de lave-vaisselle !

Joséphine un personne qu’on apprend à connaître à travers le regard de la femme qui l’aime

Pareil pour Joséphine qui est assez différente et pourtant…

Joséphine, c’est un soleil, une musicienne brillante et une femme pleine de certitudes, toute entière attachée à inventer tous les petits bonheurs d’une famille et d’une carrière. Le plus dingue, c’est qu’elle y parvient parce qu’elle n’a peur de rien. Elle est très positive, attentionnée, bosseuse et portée par la musique romantique qu’elle interprète et dirige à merveille. Et bien sûr parce qu’elle a Béatrice à ses côtés. Celle-ci a une confiance inébranlable en elle et elle a évidemment sa part dans cette construction car elle est toujours au soutien, sait régler le temps, les problèmes et parfois tempérer son incandescente épouse !

Il y a énormément d’émotions dans cette histoire, tu n’as pas peur de faire peur aux lectrices ?

Une des raisons pour lesquelles j’écris des romances, c’est pour les émotions, les chocs, les sensations, les révélations et comment les protagonistes vont décider de forger leur destin avec. Dans La Voie du Sud, Héloïse Freinet arrive en Australie après que sa carrière de cantatrice a été pulvérisée par une ex et rencontre Camille qui a été éprouvée par la vie. C’est pas folichon non plus, mais ce qui est fabuleux c’est comment elles se reconstruisent avec ce tourbillon d’émotions.

Dans 25 ans et 34 jours, c’est pareil. Comment, à la lueur d’un passé amoureux, passionné, fascinant, une femme tient le choc dans la tempête et puis reconstruit une vie encore plus forte.

Un happy end, forcément, on est chez Reines de Coeur !

Le happy end, c’était obligatoire ?

Ah mais carrément ! Il était impossible que ces deux femmes soient séparées ! Il y aura des épreuves futures mais elles seront ensemble pour les traverser, avec leurs enfants, leurs proches. Et comme le promet Joséphine, un soir qu’elles contemplent le coucher de soleil sur la plage de l’île grecque avant une nuit passionnée, elles s’en sortiront car l’amour triomphe de tout ! Comme dit la chanson, ces deux femmes s’aiment plus qu’hier et moins que demain.

Tu aimerais que les lectrices et lecteurs retiennent quoi de cet ouvrage ?

Que la romance est un genre littéraire extraordinaire car on peut raconter toutes les histoires. Pour paraphraser Alfred Hitchcock, un bon scénario commence par trois mots : «Girl meets girl ».

Dernière question, ça fait quoi d’être une autrice de romans lesbiens après en avoir lu autant au fil des ans ?

Vous savez parler à mon cœur. Traverser le miroir, c’est ça ? J’ai adoré traverser le miroir ! Et je lis toujours avec autant de plaisir. Peut-être plus !

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