9 décembre 2024 (Maÿliss Griboux)

calendrier avent Reines de Noël jour 9 Mayliss Griboux

Trust Is All Around

Je la hais ! se répéta Christy toute la nuit. Merry, je te hais !

Lorsque son réveil entonna enfin ses premières notes, l’elfe bondit de son lit telle une enfant le matin de Noël. À l’exception près qu’elle n’était pas portée par une grisante envie de découvrir ses cadeaux sous le sapin : elle était plutôt tenaillée par une boule au ventre.

Reine allait devoir affronter Merry le 21 décembre. Ses dents grincèrent à cette idée. Préparer sa petite protégée – ou, plutôt, son apprentie – à une telle épreuve s’annonçait bien plus ardu que n’importe quelle tâche accomplie jusqu’alors.

Pourquoi faut-il toujours que je me retrouve avec d’aussi lourdes responsabilités sur les épaules ? pesta-t-elle tandis qu’elle tirait sur les oreilles de sa cafetière-lutin pour faire couler la boisson fumante dans sa tasse.

Ce matin-là, son café lui parut trop amer malgré ses cinq sucres habituels plus les cinq autres qu’elle avait ajoutés. Sans doute lui donnait-il un avant-goût de la journée à venir…

Christy inspira profondément pour tenter de dompter sa respiration agitée. Sa jumelle, Merry, ne devait pas remporter cette compétition. C’était impossible. Il ne le fallait pas.

À cette simple pensée, un tremblement s’invita dans ses mains et eut raison de son habileté caractéristique. Elle renversa ainsi une partie de son breuvage sur sa jolie chemisette en satin rouge.

— Je la hais ! hurla alors Christy à voix haute. Je te hais, Merry ! Tu ne gâcheras pas Noël… plus jamais.

***

Lorsque Christy arriva devant la porte de l’entrepôt, Reine y était déjà postée, aussi droite qu’un soldat casse-noisette. Il fallait le reconnaître : la mère Noël en devenir était motivée. Mais serait-ce suffisant pour concurrencer Merry ?

— Alors, quel est le programme du jour ? s’enthousiasma Reine en sautillant d’impatience.

Christy arqua un sourcil, se demandant comment autant de niaiserie pouvait être réunie en une seule personne. Cependant, derrière son masque de froideur et de professionnalisme, elle ne put ignorer la douce chaleur qui se diffusa dans sa poitrine lorsqu’elle croisa le regard pétillant de Reine. Après tout, elle pourrait laisser l’optimisme et la légèreté de son apprentie déteindre sur elle. Un peu. Juste un peu…

— Aujourd’hui, nous allons éprouver ta patience et ton sang-froid. Les mettre à rude épreuve, avec un test redoutable : le simulateur d’enfants… un jour de Noël.

— Trop facile ! souffla Reine. Je sais y faire avec les enfants.

Ça, c’est ce qu’on va voir, jubila Christy alors qu’un discret rictus se formait au coin de ses lèvres.

— C’est ce qu’ils disent tous, se contenta-t-elle de lui répondre.

L’elfe se dirigea ensuite vers le poste de commande de la salle, pianota sur quelques touches, et un tiroir intégré s’ouvrit. Il contenait une paire de lunettes aux propriétés étonnantes qui faisaient toujours leur petit effet sur les aspirants pères Noël.

— Enfile ça, ordonna-t-elle à Reine en les lui donnant.

L’apprentie s’exécuta, munie de son sourire indéfectible. Un sourire qui, si Christy se montrait honnête, lui plaisait… Les jolies lèvres de Reine s’élargissaient chaque fois en une courbe mutine qui agaçait et déstabilisait l’elfe au plus haut point. Elle avait d’abord cru que la jeune femme la troublait par son innocence et son absence de rigueur. Pourtant, elle se surprenait désormais à la détailler avec curiosité et… intérêt.

Intérêt ? Elle se mit à tousser violemment – sa réflexion lui était restée en travers la gorge. Qu’est-ce qui te prend, à la fin ? Secoue-toi les cloches, Christy ! se sermonna-t-elle. T’intéresser à ton apprentie, sérieusement ? Reine n’est encore qu’une gamine ! À 75 ans, elle ne connaît rien à la vie !

Elle agita la tête pour reprendre ses esprits, et un tintement s’échappa de ses oreilles. Celui qu’émettait chaque elfe de Noël en effectuant ce geste.

— Tout va bien, Christy ? s’enquit Reine.

— Oui, oui, bredouilla celle-ci après quelques raclements de gorge. Mettons-nous au travail. Ferme les yeux et rouvre-les seulement lorsque je t’en aurai donné l’autorisation.

Reine lui obéit, mais une moue d’incompréhension se forma sur ses lèvres.

— Que… Que vas-tu faire ?

— Je dois murmurer une formule magique à tes lunettes afin qu’elles s’activent.

Reine voulut rétorquer. Cependant, la stupeur balaya l’incompréhension au moment où le souffle de Christy lui caressa le visage…

Alors, une satisfaction honteuse gagna la Commandante en cheffe lorsqu’elle réalisa combien son apprentie était… réceptive. Ses joues, qui avaient pris une teinte pourpre, en témoignaient, et son corps tout entier se retrouvait désormais bien plus tendu.

Christy entreprit de la déstabiliser davantage en approchant peu à peu ses lèvres de son oreille. Christy, reprends-toi, nom d’une clochette ! se morigéna-t-elle. Elle aurait dû se ressaisir, oui. Malheureusement, cette fois-ci, son propre cœur rata un battement quand elle fut en mesure de sentir l’odeur gourmande et sucrée de Reine. Elle déglutit, puis se contracta pour tenter de museler ses réactions corporelles. Elle ne pouvait pas jouer à cela avec Reine, non. La noëlfienne n’était pas désagréable à regarder, elle devait l’admettre. Néanmoins, Christy se connaissait : si elle lâchait les rênes avec Reine, elle commencerait à la considérer différemment. Comment ? Elle l’ignorait encore. Mais différemment, cela était une certitude. Et Christy s’était juré de ne plus jamais s’embarquer sur le terrain des sentiments, ni au travail ni dans sa vie personnelle. Pour cette raison, elle parvint à reprendre ses esprits et à murmurer son incantation.

— Ô mon beau miroir, révèle ton pouvoir. Ô reflet enchanté, révèle-nous la vérité…

À ces mots, les lunettes scintillèrent et illuminèrent au passage le visage de Reine.

— Surtout, garde les yeux fermés ! lui ordonna Christy. Ou ta curiosité te rendra aveugle.

Le scintillement évolua en une lumière plus vive qui irradia dans toute la pièce. Une bourrasque s’abattit alors sur Reine, si bien que sa longue chevelure s’affola et qu’elle lutta pour ne pas tomber à la renverse.

— Que se passe-t-il, à la fin ? paniqua la jeune apprentie.

La tempête cessa après quelques secondes, et la lumière vive se transforma en une douce lueur que Christy savait désormais supportable pour les yeux fragiles de la noëlfienne.

— C’est bon, l’informa Christy. Tu peux regarder. Mais je te préviens : tu risques d’être… quelque peu secouée.

Un nouveau sourire fendit les lèvres de la Commandante. Sa partie préférée de l’exercice allait commencer.

Lorsque Reine découvrit ce que les lunettes reflétaient, elle pâlit si fort que Christy crut qu’elle allait défaillir. Déjà ? Elle n’était pourtant pas au bout de ses peines.

— Christy ? Christy, aide-moi ! lança Reine, tremblante. Une marée d’enfants m’arrive dessus ! Ils vont m’écraser, Christy ! Me piétiner ! M’écrabouiller ! Qu’est-ce que je fais ?

L’elfe ricana et croisa les bras, curieuse de savoir comment Reine allait se dépêtrer d’une telle situation. Le genre d’imprévu qui pouvait véritablement se produire lors d’une tournée du 24 décembre. Une année, l’un des pères Noël avait loupé son atterrissage et son traîneau s’était fracassé au sol. Le bruit avait réveillé de nombreuses familles, et il avait été contraint de fuir la flopée de mini-humains qui le poursuivaient et réclamaient leurs cadeaux. Ainsi, les pères – et désormais mères – Noël se devaient de faire preuve d’ingéniosité et de débrouillardise.

— Qu’est-ce que tu dois faire ? C’est à toi de le savoir, Reine. Après tout, c’est toi, la future mère Noël, non ?

— Mais… Je…

Impuissante, la noëlfienne se tétanisa face au tsunami d’enfants qui s’apprêtaient à l’engloutir.

— Ils t’ont découverte et ils veulent leurs cadeaux, à présent. Alors, fais quelque chose !

La menace se rapprochait inexorablement de Reine sans qu’elle parvienne à réagir. Pourquoi restait-elle figée ainsi ? Christy avait envie de la secouer, de lui hurler de se bouger les grelots, voire de la remplacer pour lui montrer ce que c’était que de prendre la situation en main ! Cependant, quand les premiers enfants arrivèrent et qu’ils inondèrent Reine à coups de « Je veux mon cadeau ! », « Il est où, mon cadeau ? », ou de « Où qu’il est, le vrai père Noël ? », ou bien de « J’avais demandé une voiture télécommandée, pas un robot tout naze ! », puis de « J’ai eu 17 cadeaux, l’année dernière, et j’en ai seulement 16 cette année : pourquoi il n’y en a que 16 ? », ou bien encore de « on veut parler au vrai père Noël ! », l’apprentie bredouilla, puis son esprit sembla quitter son corps.

Christy souffla et se massa le front pour calmer la migraine qui la menaçait. Qu’allait-elle faire de Reine si cette dernière n’était même pas capable de gérer un cas aussi simple ? Elle mit fin au massacre en arrêtant la simulation, seulement une boule de colère et d’inquiétude montait en elle à mesure qu’elle constatait la détresse de son apprentie.

— Je… Je suis désolée, Christy, bégaya-t-elle. J’ai… J’ai paniqué. Laisse-moi recommencer, s’il te plaît. Je…

— C’était pourtant facile ! fulmina la Commandante en cheffe. Tu dois réagir avec calme et garder le sourire, quoi qu’il arrive ! Tu es la future mère Noël, bon sang de renne !

— Je…

— Si tu ne t’en sens pas les épaules, alors c’est terminé, Reine ! Merry prendra ta place, et… et tout sera perdu ! Tu n’as pas le droit à l’erreur, tu comprends ça ?

Christy réalisa qu’elle était allée trop loin lorsqu’un spasme parcourut les lèvres de son apprentie. Cette dernière chercha à masquer son émotion par une déglutition plus appuyée, et ses iris noirs se recouvrirent d’un voile blanc. Reine s’éteignait. Devant cette vision, le cœur de Christy se fendit. Oui, elle était allée trop loin…

— Reine, je suis navrée de…

— Penses-tu que j’en sois capable, Christy ? la coupa-t-elle, la mâchoire contractée. Penses-tu que je pourrai succéder à mon père ? Crois-tu au moins un peu en moi ?

Seul le silence lui répondit.

Christy aurait voulu la rassurer, lui affirmer qu’elle avait toute confiance en elle. Malheureusement, elle ne parvint pas à émettre le moindre son. À la place, son cœur se serra un peu plus, étouffé par l’inquiétude et le remords. Elle souhaitait croire en Reine, mais elle avait si peur. Si peur que Noël, la fête à laquelle elle avait dédié toute sa vie, s’effondre…

— Moi, je crois en toi, Reine ! clama soudain une voix.

Une voix qui électrisa Christy sur-le-champ. Merry. Elle aurait reconnu le timbre de sa jumelle entre mille. Comme toujours, elle ne l’avait pas vue arriver… Depuis quand était-elle entrée ? Que venait-elle faire ici ? Elle se retourna et fit face à sa sœur, qui se pavanait dans la pièce, avançant dangereusement jusqu’à elles.

— Nous sommes concurrentes, la contra Reine. Tu ne peux pas croire en moi.

Un sourire malicieux étira les lèvres de Merry, puis elle détailla longuement la noëlfienne.

— C’est justement parce que je crois en toi que je souhaite te défier, ma chère Reine. Tu m’intrigues. Et pas qu’un peu…

Christy perçut le trouble de son apprentie à cette remarque. Merry avait le don de déstabiliser ses adversaires. Elle avait, plus globalement, le don de semer la zizanie partout où elle passait.

— Laisse-la tranquille ! la menaça Christy, qui se dressa entre elles deux.

— La laisser tranquille ? Ne serait-ce pas plutôt toi qui devrais la laisser un peu respirer ? Vu comment tu te défoules sur ta pauvre élève, je ne serais pas étonnée qu’elle rejoigne bientôt le camp adverse…

Les mains de Christy tremblèrent pour la deuxième fois aujourd’hui, mais elle serra les poings pour le dissimuler. En vain. Sa jumelle la connaissait malheureusement un peu trop.

— Mais reprenez, je vous en prie, enchaîna Merry. J’ai hâte de voir comment tu vas briser le cœur de cette pauvre Reine en lui faisant revivre sa pire rupture amoureuse.

— Quoi ? bondit l’intéressée. En quoi est-ce lié avec ma préparation du 24 décembre ?

Merry recoiffa sa chevelure rouge et souple, comme elle se plaisait à le faire lorsqu’elle paradait. Christy, quant à elle, disciplina ses longues mèches de jais en une queue de cheval serrée.

— L’exercice suivant consiste à faire face à tes souvenirs les plus douloureux tout en restant capable de sourire aux enfants le soir de Noël, expliqua la Commandante.

Les traits de Reine se crispèrent.

— Et c’est Christy qui a mis en place cette fabuleuse épreuve, crut bon de préciser Merry.

— C’est un entraînement capital ! se défendit sa sœur. S’il t’arrive la moindre chose le soir du 24 décembre, tu dois être capable d’assurer la tournée coûte que coûte ! En bonne mère Noël, tu dois savoir reléguer tes émotions et tes intérêts après ceux des enfants qui comptent sur toi.

— Ton exercice n’en reste pas moins cruel. Tu es bien trop insensible à mon goût, sœurette. Mais ça, ce n’est plus une surprise…

— Je t’interdis de remettre le passé sur la banquise, Merry, bouillonna Christy.

Son regard s’assombrit en raison de toutes ses émotions enfouies. Le passé ne devait pas ressurgir. Il leur fallait l’enterrer, et l’oublier. Ne plus jamais en reparler. Car Christy n’en avait ni le temps ni la force…

— J’ignore quelle est votre histoire, déclara soudain Reine, mais sachez une chose, mesdames.

Elle leva le doigt en l’air pour appuyer son sermon, et Christy ne put s’empêcher d’être attendrie par sa tentative d’intimidation.

— Premièrement, Merry, n’essaie plus jamais de me monter contre ta sœur. Car, moi, j’ai une totale confiance en elle et en notre réussite.

Elle osa alors un regard en direction de Christy. Cette dernière sentit son cœur s’adoucir devant ses mots : Reine avait confiance en elle. Son apprentie n’avait pas hésité une seule seconde à le lui affirmer, contrairement à elle, quelques minutes plus tôt. Reine avait confiance en elle. Réveille-toi, Christy. Cette jeune femme croit en toi. Elle t’a même défendue auprès de ta sœur. Alors, toi aussi, tu dois trouver le courage de lui accorder ta confiance.

— Et deuxièmement, poursuivit Reine en se tournant vers Christy, sache que je n’ai pas besoin de revivre ma pire rupture pour réussir à sourire la nuit de Noël. Tu sais pourquoi ? Car, depuis que je te connais, je garde le sourire en permanence, malgré tous tes reproches. Malgré ta mauvaise humeur. Malgré ton caractère à coucher dehors. Malgré tes peurs. Alors, peut-être que celle qui devrait effectuer cet exercice… c’est toi, Christy.

Soufflées, la Commandante en cheffe et sa jumelle observèrent Reine enfiler son manteau.

— Ce sera tout pour moi aujourd’hui, conclut l’apprentie. Je vous laisse régler vos comptes entre vous. De mon côté, je vais me reconnecter à mon optimisme dans le but de gagner le titre de mère Noël, malgré le fait que tu n’y croies pas, Christy.

Son ton rempli d’amertume et de tristesse donna une impulsion inattendue à la Commandante.

— Reine, attends ! la pria-t-elle.

Elle rattrapa la jeune femme, lui saisit le poignet et lui confia d’une voix à peine audible :

— Moi aussi… je veux croire en toi, Reine. Et, si tu me laisses une chance, je te promets de te le montrer dès demain.

L’apprentie durcit ses traits pour camoufler un nouveau spasme, puis elle acquiesça brièvement avant de quitter la pièce, abandonnant Christy. Les épaules de la Commandante s’affaissèrent. Un poids douloureux s’installa dans sa gorge et l’empêcha de respirer correctement. Elle se dirigea ensuite avec empressement vers l’immense vitre qui donnait sur l’extérieur. Reine foulait déjà le sol enneigé. Une pluie de flocons obscurcissait le panorama, si bien que, d’ici quelques mètres, elle disparaîtrait dans le paysage blanc. Elle allait la perdre de vue. Et tu vas la perdre tout court si tu continues ainsi.

— On peut dire qu’elle ne manque pas de caractère, ta petite protégée, commenta Merry en la rejoignant.

— Tais-toi, Merry. Je sais très bien ce que tu cherches à faire.

— À la mettre dans mon lit ? Peut-être bien, gloussa-t-elle. Elle m’intéresse.

Christy se fit violence pour ne pas exploser face aux provocations de sa jumelle, mais n’en pensa pas moins. Merry renchérit alors :

— J’ai pourtant cru comprendre que la place était libre, sœurette… et que son cœur l’était aussi.

— Tu cherches surtout à tout ruiner. Comme d’habitude.

— C’est ce que tu crois. Comme d’habitude, c’est moi la grande méchante, n’est-ce pas ?

La Commandante se retourna pour la fusiller du regard.

— Tu as choisi ton camp, Merry.

— Non. Toi et le reste de la famille m’y avez mise de force. Et si… Et si Reine me plaisait vraiment, à moi aussi ?

— À toi aussi ? Que sous-entends-tu par là ?

— Oh, arrête, sœurette, j’ai vu comment tu la regardes. Je te connais par cœur, même si tu penses que nous sommes différentes. Même si j’ai été forcée de prendre un chemin différent du tien…

Christy inspira pour tenter de reprendre le contrôle de ses réactions. Merry savait parfaitement où la piquer. Plus que cela, Merry savait comment lui faire mal.

— Et si j’avais envie d’apprendre à connaître Reine ? reprit sa jumelle. Tu me laisserais la voie libre ? Puisque ton cœur est aussi gelé que la banquise.

— C’est hors de question ! explosa Christy. Laisse-la tranquille ! Laisse-moi tranquille… Je ne te permettrai pas de me prendre à nouveau celle que je…

Un silence remplaça la fin de sa phrase. Pourquoi perdait-elle soudainement ses moyens ? Au fond d’elle, Christy s’en doutait, mais refusait d’admettre ce qui sautait pourtant aux yeux de tout le pôle Nord.

— Celle que tu… ? insista Merry en se parant d’un rictus.

— Non… rien…

Sa jumelle ricana, puis se dirigea à son tour vers la sortie.

— Alors, on dirait bien que j’ai deux combats à remporter, déclara-t-elle. Je battrai Reine au poste de mère Noël et reprendrai ce qui me revient de droit. Une fois cela fait, je lui volerai aussi son cœur… Bonne chance, Christy.

Elle saupoudra sa pique d’un clin d’œil avant de s’éclipser. Lorsque Christy se retrouva seule, son ventre se noua. Elle eut un goût amer en bouche, celui d’un mauvais souvenir qu’elle aurait préféré oublier. Enfouir à tout jamais. Merry ne lui laisserait donc aucun répit. Elle prit appui contre le poste de commande et ne put empêcher quelques larmes de couler. Des larmes qu’elle contenait depuis bien trop longtemps.

Malgré la saveur désagréable de cette journée, elle se souvint d’un élément qui contrastait avec tout le reste. Une lueur d’espoir, à laquelle elle voulut se raccrocher… Reine te fait confiance.

Et dorénavant… elle lui accorderait aussi la sienne. Oui, c’était décidé. Elle s’ouvrirait à Reine, malgré ses craintes.

À cette idée, l’amertume qu’elle gardait en bouche se dissipa au profit d’un doux arôme, lui rappelant l’odeur de celle qu’elle considérait désormais… avec intérêt.

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