Du retard dans l’interview de Lola Keeley donc un autre article à la place
Aujourd’hui, comme pour chaque sortie de livre, nous devions mettre en ligne les réponses de Lola Keeley à notre interview. Malheureusement, comme pour la sortie de Royale Attraction, Lola Keeley n’a pas encore eu le temps de nous répondre. Mais nous nous en doutions, cette fois-ci. Chat échaudé craint l’eau froide ! (je suis trop fière d’avoir glissé cette expression ici, laissez-moi savourer).
Du coup, on a choisi de s’adapter. Et à la place de l’interview, on vous propose un extrait du roman.
Mais un extrait différent de celui accessible sur la fiche produit. Comme ça, ça vous fait deux fois plus de lecture pour savoir si vous êtes intéressée ou non. En sachant que comme le livre est énorme avec ses 392 pages, on avait l’embarras du choix.
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Vous vous souvenez du résumé de l’histoire ?
Vous avez raté notre précédent article ? Pas de panique ! Voici un petit rappel de la quatrième de couverture de Face au Miroir de Lola Keeley.
Anna vit un rêve éveillé, elle vient d’intégrer une compagnie de ballet de renom à New York. Pourtant, son premier cours avec sa mystérieuse idole, Victoria Ford, ne se passe pas comme prévu. Elle manque de ruiner sa carrière avant même que celle-ci ne commence. Mais lorsque Anna finit par montrer tout son potentiel, la maîtresse de ballet la choisit en tant que future danseuse étoile.
La nouvelle arrivante fait alors face à la jalousie, au sabotage et aux blessures. La pression monte, et Anna sait qu’elle doit tout donner pour la soirée d’ouverture. Elle n’a pas le droit à l’erreur si elle veut prouver à ses rivaux, ainsi qu’à elle-même, que Victoria a eu raison de croire en elle.
Au fil des mois, Anna est de plus en plus captivée par sa mentore. Et de cours en répétitions, elle découvre que les danses les plus excitantes ne se jouent pas forcément sur scène…
Un extrait de Face au Miroir de Lola Keeley
Huit heures du matin. Quelle idée stupide !
Victoria remonte ses lunettes sur son nez, déroule sa colonne vertébrale pour s’extirper de la voiture et grimace lorsque ses talons de sept centimètres et demi de haut se posent sur le trottoir. D’accord, elle a montré à cette fille qui était la patronne, mais maintenant qu’elle s’approche du bâtiment désert, ce tour de force lui paraît complètement ridicule.
Les choses auraient été plus faciles sans cette fichue gueule de bois. C’est comme si un orchestre jouait une composition de Stomp[1]sous son lobe temporal. Hier soir, afin de trouver le sommeil, Victoria a été forcée de descendre quelques verres d’alcool fort.
En outre, rien ne garantit que la fille sera au rendez-vous.
La chorégraphe y croit, cependant. Bien qu’elle ait à peine échangé quelques mots avec elle, son petit doigt lui dit que cette Anna va venir. Elle a toujours su cerner les personnalités et détecter les talents au premier coup d’œil.
Bingo. Près de la porte du studio, là-bas, un tas de vêtements informes surmonté d’une queue de cheval blonde est agrippé à un gobelet Starbucks comme si sa vie en dépendait. Victoria se retient de le lui arracher des mains.
— Ça commence mal ! s’exclame-t-elle d’un ton sec. Tu ne sais pas lire l’heure ?
Le tas de vêtements s’étire avec grâce, révélant des jambes puissantes et des bras musclés.
— Je m’apprêtais à entrer, réplique Anna. Ethan m’a dit qu’il fallait quinze minutes pour s’échauffer. Il est sept heures quarante, alors…
— Laisse tomber, l’interrompt Victoria. De toute façon, tu ne pourras rien faire tant que la porte sera verrouillée.
Cette fille attise son mal de crâne, avec ses phrases sans queue ni tête.
— Et puis respire, pour l’amour du Ciel ! Va enfiler ta tenue et commence à t’échauffer au studio en m’attendant.
Anna s’élance dans le sillage de Victoria d’un pas hésitant. La chorégraphe rejoint son bureau en quelques enjambées. À la seconde où la porte se referme, elle s’écroule dans son fauteuil, envoie ses talons hauts s’écraser contre le mur – d’abord le droit, puis le gauche – et va chercher la paire de chaussures plates dans le placard calé dans un coin de la pièce. Ouf ! C’est quand même plus facile de marcher avec ces trucs aux pieds. Sa canne luit doucement dans la pâle lueur du matin ; il lui semble même l’entendre l’appeler. Sale tentatrice ! Victoria est à deux doigts de céder : elle sent déjà les tiraillements de chaque côté du genou.
Non. Pas aujourd’hui. Il faut toujours faire une bonne première impression – c’est primordial. Anna a beau être une véritable bouffée d’air frais, il est hors de question d’afficher la moindre once de faiblesse.
Une stagiaire ensommeillée apparaît, munie d’un café et d’une bouteille d’eau. La maîtresse de ballet s’en empare – sans commentaire acerbe, pour une fois – puis elle traverse le bâtiment jusqu’au studio de Valois, baptisé ainsi en l’honneur du fondateur de l’école de danse où elle a effectué la plupart de ses répétitions.
Anna s’est déjà mise au travail, constate Victoria d’un air satisfait. Elle travaille à la barre avec application. Dans le miroir qui recouvre la porte, la chorégraphe scrute avec une attention mêlée de fascination les lignes bien nettes de son corps, mises en valeur par chacun de ses gestes. Ses muscles et ses articulations se meuvent en un rythme fluide qui n’est pas sans lui déplaire. C’est un bon début. Rien qu’en regardant ces enchaînements, Victoria a conscience qu’elle n’aura pas à regretter sa décision d’hier.
Elle pénètre dans le studio, faisant sursauter Anna. Bien. Cela prouve qu’elle sait se concentrer. Dans cette pièce tapissée de miroirs où ne résonne aucune musique, un danseur peu appliqué l’aurait entendue arriver et n’aurait pas été surpris.
La maîtresse de ballet va s’installer sur le tabouret de piano, attrape le classeur coincé sous son bras et entreprend de le feuilleter tout en sirotant son café. Après un instant de silence contenu, Anna reprend son enchaînement. Lorsqu’elle est suffisamment échauffée, elle laisse glisser son sweat à capuche gris perle sur le sol, puis elle accélère la cadence.
— Sauf exception, tu t’échaufferas en cours avant de venir me voir, annonce Victoria.
La danseuse hésite une demi-seconde et poursuit ses mouvements.
— Tout dépendra de ton emploi du temps, continue la chorégraphe. Il changera tous les jours – à toi de le vérifier.
Anna hoche la tête avec véhémence. À l’évidence, elle est prête à tout pour bien faire. Il va falloir qu’elle se calme : Victoria la trouve un poil trop zélée.
— La première semaine est une illusion. Ne te méprends pas : ce ne sera pas si simple. Comme tu as besoin d’entraînement, je t’ai placée dans le corps de ballet de La Bayadère. Je t’ai épargné Coppélia. Ce n’est pas une faveur – juste un gain de temps.
— OK, répond Anna.
Elle est passée à un autre exercice et regarde Victoria dans les miroirs, à présent.
— Ma tenue est-elle… ?
Collants fins et justaucorps bleu marine délavé. Kelly dénichera quelque chose de plus approprié. En revanche, les jambières sont un peu trop criardes. Et avec ces ballerines, Anna ne force pas vraiment le respect – elles ne lui rendent pas justice.
— Ça va, ça va, soupire Victoria. Veille à ne pas avoir les cheveux dans la figure. Les partenaires n’aiment pas recevoir des mèches folles couvertes de sueur dans les yeux.
— Les partenaires, répète Anna. Bien.
Elle prend le temps de rassembler sa chevelure en chignon serré au sommet du crâne. Ses doigts s’agitent avec vélocité, tâtonnant un peu sous le regard insistant de Victoria.
— Aujourd’hui, je vais te faire faire tout ce qui me passe par la tête.
La maîtresse de ballet se lève et s’approche d’Anna. Cette dernière rate un pas. À nouveau, Victoria en conçoit de la satisfaction.
Les regards des deux femmes se croisent dans le miroir. Victoria ne se trouve pas si mal, étant donné l’heure matinale et sa gueule de bois carabinée. Le pull Chanel qu’elle a choisi, en accord avec les couleurs de l’automne, lui va à ravir. Comme à l’accoutumée, son pantalon près du corps souligne ses jambes galbées aux courbes harmonieuses.
— J’ai besoin de connaître tes capacités techniques et de voir si tu maîtrises la terminologie. Dois-je m’attendre à des problèmes ?
— Non.
Le souffle d’Anna s’est accru de quelques décibels. Des gouttes de sueur perlent à la naissance de ses cheveux.
— On ne vous a jamais dit que trop d’information tuait l’information ?
Surprise, Victoria recule. Quelle audace ! Personne ne lui a parlé sur ce ton depuis des années – excepté pendant une dispute.
— C’est pour voir si tu suis, lâche-t-elle d’une voix rauque, à la limite du feulement.
L’élan de courage d’Anna est de courte durée. Une poignée de seconde plus tard, il a disparu derrière un nuage.
— J’ignore qui t’a enseigné cet échauffement, mais tu fais tout de travers.
— Ah bon ?
— Ce sera rectifié en cours, se hâte de poursuivre Victoria. Chausse tes pointes. Nous avons du travail.
Anna fouille dans son sac et se change en quelques secondes.
Au moins, ses pointes sont de bonne qualité. Ce ne sont pas des Freed of London – la marque favorite de Victoria – mais bon. Il est clair que personne ne l’a amenée chez la costumière. Rick n’a sûrement pas pris la peine de lui dresser la liste de tous les avantages dont peuvent bénéficier les membres de la compagnie. Les pointes sur mesure qu’on aurait pu lui confectionner, entre autres.
Dix secondes plus tard, la danseuse se hisse sur ses pointes et exécute quelques pas timides. Les embouts renforcés sont assez discrets. À moins qu’elle ne les ait écrasés à coups de marteau avant de venir, ce qui serait un choix pour le moins judicieux.
— Bien. Voyons ce que vaut ton grand jeté, déclare Victoria.
Pour toute réponse, Anna la gratifie d’un regard incrédule.
— Avant le déluge, si possible.
— Mais…
— Mais quoi ?
Presque tous les danseurs échouent à ce petit test.
— Avec tout le respect que je vous dois, vous venez de dire que mon échauffement ne valait rien, conteste Anna, les yeux rivés au sol et les joues cramoisies. Et même s’il était correct, je ne suis pas assez échauffée pour effectuer un saut d’une telle envergure.
Pendant soixante secondes, Victoria se tient coite. Voilà. Maintenir le suspense. La foudroyer des yeux. Anna garde la tête baissée, sans jamais croiser son regard.
Finalement, la chorégraphe opine du chef de manière quasi imperceptible.
— Bien joué. J’ignore combien de danseurs expérimentés ont réussi ce test. Il n’empêche que j’attends deux choses de toi. Un : exécuter mes ordres à la lettre. Et deux : repousser toutes tes limites sans abîmer ton corps. C’est clair ?
— Comme de l’eau de roche.
Enfin, Anna relève les yeux. Le rouge de son visage vire au rose, trahissant son soulagement.
— Alors par quoi je commence, Madame For… euh… Victoria ?
— Remontre-moi tes tendus, intime cette dernière en la faisant pivoter dos à la barre. Je veux pouvoir repérer tes imperfections.
[1] Stomp est une troupe d’artistes qui propose des spectacles à partir d’un jeu instrumental chorégraphié basé sur les objets du quotidien dans une rythmique de percussion.
En espérant vous avoir donné envie de lire la suite de ce roman…
Pour rappel, Face au Miroir est disponible au format papier et ebook depuis le 3 décembre à 0h01. Il s’agit du deuxième roman de Lola Keeley traduit en langue française.
Encore un joli coup de patte Isabelle 😉
Cette Victoria se prend pour la Reine d’angleterre ou quoi?
L’extrait m’a titillé. Bien sûr je passe commande 😊
Hello Cécile,
Oh oui, Victoria ne se prend pas pour rien, mais c’est normal, c’est une ancienne danseuse étoile adulée par tous. Et puis, elle a un petit côté génie incompris qui la rend incroyable dans son travail.
Heureusement, en face, Anna ne va pas se laisser impressionner trop longtemps. Enfin, surtout, elle va persévérer pour la séduire…
Et ça, on adore !!!