Le feu et la glace
Une nouvelle journée qui débute, songea Reine, bien au chaud sous sa couette, en s’étirant. Elle commençait véritablement à s’habituer à ce rythme effréné de journées bien remplies et de sommeil bien mérité. Elle ouvrait désormais les yeux avant même la sonnerie du réveil et savourait ces quelques minutes de calme avant le flot ininterrompu de formations.
Aujourd’hui, les consignes étaient claires. « Pas d’initiatives vestimentaires », avait dit Christy. « Huit heures pétantes à l’espace aquatique et en tenue officielle. » Reine avait déjà pu profiter de la grande piscine après une rude journée de travail, mais quel pouvait être le lien entre la natation et son uniforme de mère Noël ? Elle ne tarderait pas à le découvrir.
Elle posa les premiers orteils au sol quand une voix familière se manifesta.
— Je crois que la Commandante t’a tellement aimée dans ta robe blanche hier qu’elle préfère éviter de te voir dedans, au risque d’en perdre les pédales, commenta Unicœur.
— T’es bête ! réagit Reine, plus du tout surprise par ces apparitions soudaines. Hum… Tu crois ?
La petite licorne rit de bon cœur en voletant autour d’elle, satisfaite d’avoir titillé la curiosité de l’apprentie mère Noël. Cette dernière rêvassa quelques minutes à cette douce éventualité, un rictus niais sur le visage, en repensant à sa formatrice. Un ange passa, puis elle se ressaisit.
— Hum, il est clair que tu ne me diras rien. Alors, laisse-moi me préparer.
— Bien, bien, je file. De toute façon, j’ai à faire aussi. On se retrouvera plus tard.
— D’accord.
Reine ne s’étonnait plus des disparitions soudaines de l’animal, qui faisait désormais pleinement partie de son univers. Elle s’apprêta donc pour une nouvelle journée de défis. Elle enfila sa tenue de mère Noël, attrapa un petit pain d’épices et rejoignit, toute guillerette, son lieu de rendez-vous.
***
Reine arriva devant la porte de l’espace aquatique un peu en avance et eut la désagréable surprise d’y retrouver Merry dans la même tenue qu’elle. Ses cheveux rouges s’accordaient parfaitement avec son uniforme, qu’elle portait d’ailleurs divinement. Son regard bleu acier ressortait de manière encore plus intense. Tels deux mini-glaciers, ses yeux la fixaient avec intérêt. Une vraie mère Noël, se figura instinctivement Reine tant c’était une évidence. De quoi faire vaciller la confiance des plus courageux.
— Qu’est-ce que… Toi aussi, tu as été conviée ? demanda Reine en lissant nerveusement ses longs cheveux blancs.
— Bonjour à toi aussi, ma chère belle-sœur. Comment vas-tu aujourd’hui ? Pas trop ballonnée par ton repas d’hier ? Cette tenue te va à ravir.
Reine rougit malgré elle. Elle était incapable de savoir si Merry était sincère ou narquoise dans tous leurs échanges. Une chose était pourtant sûre : elle ne se ferait pas voler la place par cette pâle copie de sa formatrice, aussi alléchante soit-elle dans ces vêtements.
— Oui, bonjour, se contenta-t-elle de répondre froidement.
— Eh bien, quelle ambiance, les filles !
Unicœur apparut entre les deux jeunes femmes et vola en les examinant à tour de rôle.
— Si ce devait être sur le style, ce ne serait pas simple de vous départager, mesdames.
— Chut, murmura Reine en tâchant de garder un air aussi naturel et détaché que possible.
— Je présume que tu lae vois également ? questionna Merry devant la posture figée de Reine. Dis donc, toi, tu n’avais pas prétendu que j’étais la seule à pouvoir te voir, maudite licorne volante ?
Reine cligna des paupières, n’y comprenant plus rien.
— Je vous ai dit à toutes les deux que j’étais un Esprit de Noël. L’Esprit de Noël du prochain père Noël, pour être exact. Enfin, mère Noël, vu les circonstances. Je n’y peux rien, moi, si vous êtes deux cette année !
— Mais comment peux-tu nous conseiller en même temps alors que nous sommes rivales ? s’étonna la noëlfienne.
— Pour ce qu’ils servent, ces conseils, de toute façon !
— Je ne te permets…
Merry adressa un geste d’énervement en direction de la petite licorne, mais le corps vaporeux de l’intéressée ne reçut heureusement aucun dégât. La porte du grand espace aquatique s’ouvrit en grand, coupant net la conversation. Christy et quelques membres du Conseil attendaient dans l’entrebâillement.
— Entrez, énonça Tomte, toujours aussi sérieux.
Christy fut ravie de voir que sa protégée avait respecté les consignes à la lettre. Volontairement, elle évita le regard de sa sœur et contempla Reine dans son uniforme. Sa doudoune légèrement entrouverte laissait deviner un sous-pull rouge à col V qui dévoilait peu chastement une naissance de poitrine plutôt engageante. L’elfe déglutit discrètement et se força à revenir au visage de son apprentie. Elle constata alors que son apprenante était figée dans une attitude d’incompréhension, le regard toujours fixé sur sa sœur.
— Qu’as-tu encore fait ? s’attaqua-t-elle à Merry sans préambule.
— Figure-toi que je n’ai rien fait du tout, mais je suis également heureuse de te voir, Christy chérie.
Christy avait horreur de ce surnom que lui donnait leur grand-mère quand elles étaient enfants. Décidément, sa sœur ne lui épargnerait rien. La Commandante peinait à calmer sa colère quand elle avait sa jumelle en face d’elle, et tout ce que cette dernière disait ou faisait la mettait inévitablement en rogne. Rien ne compte plus que la mission, se reprit-elle pour se calmer. Il fallait que Reine gagne coûte que coûte, et pour cela, elle devait être une mentore irréprochable.
La Commandante s’approcha donc de Reine et s’assura d’un regard complice de son état. La noëlfienne semblait avoir retrouvé son calme et son enthousiasme pour la compétition. Elle rayonnait littéralement. La magie de Noël coulait dans ses veines.
Tomte s’avança alors vers les deux candidates et déclara d’une voix solennelle.
— Bonjour, Mesdames, et merci d’être venues. Aujourd’hui, vous allez passer un test un peu particulier.
— Encore des questions ? demanda Reine, consciente des enjeux et des capacités de son adversaire.
— Non, non, tu as suffisamment prouvé tes connaissances pour le moment, la rassura Christy à voix basse.
— C’est un test de résistance à la chaleur, précisa Tomte, comme s’il n’avait jamais été interrompu par les piaillements féminins. Suivez-moi, je vous prie.
Christy se plaça à côté de Reine et lui toucha le bras d’un signe rassurant. La candidate au poste de mère Noël eut un frisson à ce doux contact et recentra son attention sur sa formatrice.
Cette dernière, consciente qu’elle avait peu de temps pour préparer son élève, commença son coaching en chuchotant.
— En tant que mère Noël, tu devras livrer les cadeaux de tous les enfants la nuit du 24 décembre. Or, pour certains, en cette période, il ne fait pas si froid que cela. Aux Maldives, par exemple, la température peut monter jusqu’à 30 degrés.
— Oh ! comprit soudainement Reine. Et évidemment, je ne suis pas autorisée à retirer ma tenue.
— Voilà, tu as tout saisi. J’ai conscience que ton uniforme est plutôt conçu pour les températures extrêmement froides, mais nous ne pouvons pas délaisser une partie des enfants pour ce détail.
— Bien sûr. Comment procède-t-on ?
Le cortège s’arrêta devant une zone entièrement recouverte de boiseries. Un sauna ?
— C’est ici que se déroulera l’épreuve, expliqua Tomte. Les règles sont claires : vous devrez rester le plus longtemps possible dans ce sauna. Toute sortie sera définitive et toute perte de connaissance sera considérée comme un abandon. Il vous sera attribué un système de points. Chaque minute passée à l’intérieur de la pièce représente un point. Vous avez la possibilité d’enlever des éléments de votre tenue. Toutefois, une pénalité de cinq points se verra appliquée pour chaque vêtement ôté. Est-ce clair ?
— Et à quoi serviront les points ? s’étonna Christy en découvrant cet ajout.
— À les départager, bien sûr, répondit Tomte. Il ne s’agit plus seulement de les former, désormais. Nous devrons bien faire un choix à la fin !
— C’est de la triche, s’insurgea Merry. La noëlfienne vivait en Californie, elle est habituée aux températures élevées.
— Et vous vivez vous-même principalement dans le sud de la France depuis de nombreuses années, la coupa Tomte. Il n’y a que peu d’écart entre vos deux environnements. Acceptez-vous les termes du défi ?
Reine s’avança d’un pas et répondit la première avec assurance.
— Je les accepte. Aurais-tu peur de te faire battre, Merry ?
Son regard de défi surprit l’assemblée. Reine était plus que jamais déterminée. Elle remonta la fermeture éclair de sa doudoune et se tint droite comme un I, prête à en découdre.
— Un dernier conseil ?
Christy fixa son regard dans celui de sa prometteuse élève. Ses yeux bleu glacier se firent plus doux et Reine sentit une tendre chaleur l’envahir. Elle puisa dans cette confiance toute la force qui lui était nécessaire.
— Je crois en toi, ça va aller. Fais ce que tu peux pour gagner. Tu as tout mon soutien.
Merry les bouscula pour les interrompre.
— Finissons-en, princesse.
***
— Tu devrais retirer ta doudoune, proposa Merry.
Reine, installée à l’autre bout du banc en bois, gardait le silence depuis le début de l’épreuve. La chaleur avait envahi la pièce depuis huit longues minutes. À l’intérieur, un chronomètre aux chiffres rouges leur permettait de garder une trace du temps qui passait, seconde après seconde.
— Nous ne sommes pas obligées d’être en guerre, tu sais, ajouta l’elfe d’une voix lasse.
La noëlfienne releva la tête, surprise. Elle lissa ses longs cheveux blancs vers l’arrière de son crâne pour éviter qu’ils ne collent à son visage. La fourrure bordant l’encolure de sa doudoune était si moite qu’elle retombait tel un animal mort.
— Si tu ne voulais pas d’une compétition entre nous, il ne fallait pas tenter de voler MA place ! répliqua-t-elle, amère.
Merry baissa les yeux et son regard se perdit dans la buée qui avait envahi la porte vitrée, privant les juges d’une vue sur elles deux. Les coupant du monde, de Christy. Cette satanée Christy !
— Je suis désolée pour cela.
— Tu te moques encore de moi ? Je ne suis pas aussi naïve, tu sais.
— Reine, cela n’est pas contre toi et ne l’a jamais été. Je suis désolée que tu te retrouves au milieu de tout.
L’elfe était-elle capable de mentir à ce point ? Cela faisait-il partie d’un plan machiavélique pour lui faire perdre pied ?
— Tout quoi ?
Merry entrouvrit sa propre doudoune, n’en pouvant plus de la chaleur régnant dans la pièce. La sueur perlait le long de ses tempes. Elle sentit un filet humide glisser le long de son dos. Les étés méditerranéens n’étaient manifestement pas aussi intenses qu’elle le pensait.
— À quel point penses-tu connaître ma sœur ?
À cette question, Reine se tendit. C’était donc bien un piège destiné à lui faire perdre pied et confiance en sa formatrice. Si seulement elle pouvait comprendre ! Reine restait fidèle à Christy : un lien fort s’était tissé entre elles, c’était indéniable.
— Je ne suis pas la méchante que tu imagines, tu sais. Et ta Commandante n’est pas aussi blanche comme neige que tu le crois. Elle ne mérite même pas son poste.
Reine décela la sincérité dans la voix de sa rivale, ce qui l’intrigua. Depuis leur rencontre, Christy avait toujours maintenu une distance avec elle et semblait parfois porter le poids d’un lourd fardeau. Lui cachait-elle réellement quelque chose ?
— Tiens, je t’offre cinq points d’avance, reprit Merry en retirant sa doudoune. Ce qu’il fait chaud ! Faut vraiment être tordu pour inventer des épreuves de ce genre. Je ne serais pas étonnée que cela vienne d’elle !
Après une courte hésitation, Reine suivit le même chemin et retira sa veste. Garder cinq points d’avance ne valait rien si elle faisait un malaise. L’espace d’un instant, elle eut la sensation de mieux respirer, mais ce bien-être s’évanouit rapidement à la première inspiration. L’air brûlant s’inséra de nouveau dans ses poumons. L’effet de la chaleur avait quelque chose de grisant : il lui embrumait l’esprit, lui faisant perdre certains repères.
— Écoute, proposa la noëlfienne en tentant de rester le plus lucide possible. Nous sommes enfermées ici, alors, si tu souhaites mettre les choses à plat, c’est le moment ! Personne ne nous dérangera et je ne compte pas sortir la première.
Merry glissa sur le banc pour s’approcher de Reine d’un mouvement habile. Elle attrapa alors sa main.
— Tu me plais, déclara l’elfe simplement.
— Qu… Quoi ? Tu ne peux pas être sérieuse deux secondes ? Il n’y a donc aucune limite à ce que tu peux inventer ?
— Pourquoi personne ne me croit jamais ? Pourquoi les gens n’ont confiance qu’en Christy ? s’énerva-t-elle en se relevant.
Merry tituba légèrement, le mouvement étant trop brusque dans la chaleur étouffante régnant ici. Elle eut un vertige, qui s’estompa quand elle se stabilisa d’une main contre la paroi en bois.
— Combien faut-il qu’elle brise de cœurs pour qu’on réalise qu’elle est loin d’être la sainte que l’on croit ? Je suis fatiguée de me battre contre elle…
— Christy ?
— Tu ne comprends pas. À cause d’elle, ma vie est un enfer !
Ce cri du cœur toucha Reine au plus profond d’elle-même. Ces mots ne pouvaient pas être feints. Qu’avait bien pu faire Christy pour que sa sœur la déteste à ce point ? Qui était réellement sa formatrice ?
— Comment cela ? investigua Reine.
— Tu crois vraiment que c’était un choix pour moi de travailler avec le père Fouettard ? Christy a tout manigancé quand nous étions jeunes. Je n’ai jamais eu mon mot à dire.
Reine s’approcha d’elle, émue par la fragilité dans sa voix, et l’incita à se rasseoir à ses côtés. Merry posa alors sa tête dans le creux de son cou, provoquant un agréable frisson à la fille du père Noël, ennuyée de voir la situation lui échapper. La tête lui tournait, elle n’était plus certaine de ce qu’il se passait.
— Je ne comprends pas tout, s’adoucit-elle, mais pourquoi vouloir devenir mère Noël ?
— Si Christy échoue, elle sera probablement destituée de son poste et ainsi percée à jour.
— Donc, tu veux juste te venger ? Noël va bien au-delà de nos petites querelles personnelles, voyons ! Que fais-tu de la magie, des rêves des enfants, et même de l’investissement des lutins ?
— Je respecte tout cela. J’ai grandi dans cet univers, bien plus que toi, d’ailleurs. Je ne vois pas pourquoi l’on ne pourrait pas moderniser un peu tout cela. Passer du temps à rire et à s’amuser avec nos employés plutôt que de les martyriser sans cesse.
Merry marquait un point. C’était justement ce que Reine essayait de faire entendre à Christy deux jours plus tôt.
— Je veux qu’on la voie pour ce qu’elle est ! poursuivit l’elfe aux cheveux rouges. Elle a volé ma vie, c’est normal que je prenne la sienne. Je veux qu’on rende sa liberté à Noël, qu’on cesse toutes ces règles idiotes qui pourrissent notre organisation.
— Et moi, là-dedans ? Je ne suis qu’un dommage collatéral ?
Merry se redressa et porta une main vers le visage de Reine. Sa paume la caressa doucement. Son pouce glissa sur sa peau trempée. Reine aurait aimé ne pas y réagir, mais son regard, ses traits étaient si semblables à ceux de sa sœur que son esprit embué peinait à faire la distinction. Son corps frémit alors, malgré elle.
— Toi, je voudrais apprendre à mieux te connaître, poursuivit Merry en ancrant ses iris dans les siens.
Reine déglutit et devint encore plus rouge que ce que la chaleur avait déjà marqué sur ses joues. Comme elles se ressemblent… Christy.
— Désolée, c’était peut-être un peu trop direct. Depuis que je t’ai vue descendre de cette cheminée, j’ai été intriguée. Je ne sais pas ce qu’il y a entre ma sœur et toi, mais, la connaissant, elle privilégiera toujours son travail. Je ne commettrai pas cette erreur.
La chaleur devenait insupportable. Cette conversation surréaliste troublait Reine plus qu’elle ne l’aurait voulu.
— Le malaise nous guette toutes les deux si ça continue, remarqua Merry. Ils seront bien embêtés pour nous départager, alors.
Reine scruta les chiffres rouges : 18 minutes et 51 secondes, alors qu’il lui semblait être enfermée depuis plus d’une heure ! La compétition faisait toujours rage et elle s’accrochait à cette mission autant qu’elle le pouvait. Pourtant, son esprit s’égarait de plus en plus.
— Si on retire la même chose à chaque fois, il n’y aura aucune pénalité pour chacune. C’est plutôt juste, non ? proposa Reine, n’en supportant pas davantage.
Merry enleva son pull pour toute réponse, soulagée de leur accord tacite. Reine fit de même dans un habile mouvement des hanches, dévoilant les motifs sur son flanc gauche. Les deux jeunes femmes se retrouvèrent en brassière pour l’une et en soutien-gorge pour l’autre.
— Tes flocons… ils sont… waouh ! bredouilla Merry.
À ces mots, Reine reporta son regard sur son propre corps. Son tatouage faisait tellement partie d’elle qu’elle en oubliait régulièrement la présence. Quand elle sentit les doigts fins de Merry l’effleurer à cet endroit, elle fut parcourue d’un agréable frisson qui la déstabilisa. Le contraste chaud-froid entre la température ambiante et le tremblement qui la saisit déclencha dans son bas-ventre une sensation inattendue de fourmillements. Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas eu de contact physique aussi délicat. Prise d’un vertige, elle laissa échapper un gémissement plus langoureux qu’elle ne l’aurait voulu. Christy ?
Fiévreuse, Reine réalisa que l’elfe était accroupie devant elle, ses mains délicates entourant ses hanches. Christy, j’ai la tête qui tourne, pensa-t-elle en admirant la poitrine lui faisant face. Elle s’attarda sur la dentelle rouge du soutien-gorge. Il galbait parfaitement les seins rebondis et fermes de sa propriétaire, qui se releva légèrement. La vue de Reine se troubla. Elle ferma alors les yeux comme pour mieux se concentrer sur ses sensations. Lorsqu’elle sentit des lèvres douces et charnues se poser sur les siennes, elle n’émit aucune résistance à ce contact charnel délicieux. La chaleur était trop forte. La noëlfienne perdait pied et semblait à deux doigts du malaise.
— Je serai prête à partager mon titre avec toi, susurra Merry en empoignant ses hanches avec fermeté.
Reine ouvrit les paupières et soutint le regard gourmand. Merry y décela un changement notable, une étincelle, une brillance qu’elle n’avait jamais remarquée jusque-là. Était-ce la chaleur ? Le moment ?
— Je ne crois pas que cela soit possible, rétorqua Reine en reprenant conscience de la situation.
— Je ne te cacherai jamais rien, promit Merry en faisant glisser une bretelle de soutien-gorge sur son épaule. Regarde, je peux me mettre à nu devant toi s’il le faut.
***
Une lueur d’espoir s’alluma dans le cœur de Merry. Trouverait-elle en Reine une alliée pour bousculer les codes ancestraux de ces traditions de Noël qu’elle jugeait archaïques ? Elle dégrafa son sous-vêtement sans aucune hésitation, libérant sa généreuse poitrine tout en sueur. Les deux femmes perdaient pied dans cette fournaise de l’enfer. Une réelle connexion semblait se mettre en place.
Merry poursuivit son effeuillage, ôta ses souliers, ses chaussettes, puis son pantalon moulant. Quel calvaire, cette matière qui colle à la peau ! Vêtue d’une simple culotte en dentelle, assortie au soutien-gorge gisant au sol, l’elfe fut exposée au regard indéchiffrable de Reine.
Cette dernière ramassa simplement les vêtements de Merry et se dirigea vers la porte.
— Je suis désolée, Merry, déclara Reine en refermant la porte sur l’elfe à demi nue.
La voix de la fille du père Noël était douce et sincèrement peinée. Merry comprit alors qu’elle avait échoué dans sa tentative pour détourner Reine de son objectif.
— Je ne t’ai jamais menti, Reine ! cria-t-elle de déception. C’est elle qui m’a envoyée en enfer ! Reine !
***
L’épreuve paraissait interminable à Christy. Que peuvent-elles bien faire là-dedans ?
— Vingt-cinq minutes, annonça Tomte, gardien du temps.
Tous commençaient à trouver le temps long quand, enfin, la porte s’ouvrit sur une Reine en nage vêtue de son pantalon moulant rouge, de ses bottes en cuir montantes et de sa brassière blanche détrempée.
Oh non ! A-t-elle abandonné ? s’inquiéta Christy.
— Deux chaussettes, deux chaussures, un pantalon et un soutien-gorge, déclara Reine en jetant les vêtements de Merry à terre.
D’un coup, elle se retourna vers Christy, le regard plus contrarié que jamais, et déclara :
— Il faut qu’on parle.
***
Christy avait suivi Reine jusque dans son propre bureau. Elle n’avait pas osé la questionner, mais il était évident que sa sœur avait réussi à la contrarier ! Au moins, elle a gagné l’épreuve.
Reine respirait enfin à pleins poumons. Sa température corporelle était redescendue assez vite et elle avait accepté la couverture mise à disposition par un lutin à la sortie du sauna. Enroulée dans le plaid, elle était assise, trempée, sur la chaise faisant face à la place officielle de la Commandante en cheffe des lutins.
— Tu voulais discuter ? tenta Christy, mal à l’aise.
— Que s’est-il passé avec ta sœur ? demanda Reine calmement.
— Comment ça ?
— Que lui as-tu fait ? précisa-t-elle. Si tu souhaites que l’on avance ensemble, il faut que je puisse te faire confiance. À toi de voir si tu veux m’en dire plus.
L’elfe tomba de stupeur sur son siège en cuir. Ainsi, le moment était enfin venu d’affronter ses démons. Je lui dois bien ça. Christy se tritura les doigts nerveusement, cherchant par quel bout commencer cette histoire. Elle se sentait presque soulagée de pouvoir se confier à quelqu’un et effrayée à l’idée que la future mère Noël puisse la juger comme elle se fustigeait elle-même.
— Je suis issue d’une famille d’elfes au service de Noël depuis des générations. Il est de tradition que les deux premiers enfants de notre lignée soient voués l’un à épauler le père Noël, l’autre, le père Fouettard.
— Hum. D’accord.
— Comme tu le sais, Merry et moi sommes jumelles. Or, la règle stipule que le deuxième enfant doit aller chez le père Fouettard. Nous sommes nées en même temps et aucune règle n’a été envisagée pour ce cas de figure. Durant quelques années, nos parents ont réussi à faire traîner les choses en attendant que le Grand Conseil statue sur notre situation.
— Elle dit qu’elle a été forcée d’y aller, intervint Reine, plus calme. Est-ce vrai ?
— Le Conseil a décidé que, si l’une de nous souhaitait se porter volontaire pour la deuxième option, il n’y aurait pas de débat. Malheureusement, Merry ne souhaitait pas plus que moi y aller. Nous nous sommes donc promis de ne jamais accepter d’être séparées. Nous avions grandi avec l’idée de servir toutes les deux le père Noël, nous empiffrant de pain d’épices et chantant joyeusement dès que l’occasion se présenterait. Un futur petit frère ou petite sœur aurait pris la place chez le père Fouettard. Nous ne nous sentions pas inquiétées. Mais aucun autre enfant n’est venu…
— Continue, l’encouragea Reine en entendant sa voix hésiter.
— Je devais avoir 60 ans lorsqu’un lutin du père Fouettard est venu me parler pour me convaincre de venir avec eux. Je n’ai su qu’après qu’il avait fait la même démarche auprès de ma sœur. Il m’a expliqué que, si je n’étais pas volontaire, son boss l’autorisait à choisir lui-même laquelle il prendrait. Il a ajouté qu’il m’aimait bien. J’ai eu tellement peur de devoir le suivre que je n’ai pas osé en parler à Merry.
— Qu’as-tu fait, alors ?
— Rien. C’est bien là mon drame. Je n’ai rien fait. Le Grand Conseil a décidé que celle qui était née en dernier était l’aînée, et donc ils ont annoncé le départ de Merry. Elle m’a regardée avec incrédulité, s’attendant à ce que je m’insurge, à ce que je m’y oppose, comme nous nous l’étions promis. Mais j’ai gardé le silence et baissé la tête pour fuir son regard.
— Pourquoi celle née en dernier ?
— Une ancienne croyance énonce que l’enfant né en second aurait été plus profond dans l’utérus de la mère, et donc serait le plus vieux des deux. Évidemment, cela n’a aucun fondement scientifique, mais la croyance était encore prégnante à l’époque.
— Tu n’as donc pas eu le choix.
— J’aurais dû m’y opposer et refuser de prendre mon poste auprès du père Noël. C’était ce dont nous avions convenu et je ne l’ai pas respecté. Merry a toujours été plus courageuse, plus téméraire que moi. J’ai égoïstement pensé qu’elle s’en sortirait mieux que moi.
— Je vois, répondit Reine. Ton acte est sûrement difficile à pardonner, mais, sans minimiser ta responsabilité, je pense que le souci est ailleurs. Ce règlement est profondément injuste si tu veux mon avis. C’est sûrement cela qu’il faut remettre en question.
— Merry a tenté de leur faire entendre raison, faisant intervenir des médecins pour prouver que cette légende n’avait pas lieu d’être, mais personne ne l’a soutenue, ni mes parents ni moi.
Une larme roula sur la joue de l’elfe, qui ne s’attendait pas à de la compassion.
— Il n’y a pas un jour où je ne regrette pas mon silence. Depuis, je fais de mon mieux pour tenir mon rôle à la perfection, pour mériter cette place que je lui ai en quelque sorte volée.
Sa plus grande honte avait enfin été dévoilée, et à la personne qui… enfin… la seule devant qui elle était prête à faire ces confidences. Pour la première fois depuis des années, Christy se laissa aller à pleurer toutes les larmes de son corps. Tant de honte et de colère accumulées se relâchaient en cet instant qui figerait probablement l’avenir de Noël.
— Je me suis excusée mille fois et, crois-moi, j’ai même essayé de prévenir le Conseil à l’âge adulte. Mais rien n’a fonctionné. Les choses étaient décidées et impossibles à changer. Merry n’a jamais rien voulu entendre malgré mes tentatives pour rectifier la situation.
Reine se leva et s’approcha doucement de sa formatrice, posant sa main sur son avant-bras.
— Une mauvaise décision ne fait pas de toi une mauvaise personne. Tu ne voulais blesser personne, j’en suis certaine. Je le vois dans ton attitude depuis deux semaines, dans ta bienveillance envers moi. Tu n’avais que 60 ans… C’est jeune pour une elfe.
— Ce n’est pas une excuse. Ma mère m’a choyée et protégée quand Merry s’est retrouvée seule dans un univers inconnu sans personne vers qui se tourner. Je lui ai volé son enfance, et peut-être même sa destinée.
— Ne sois pas mélodramatique, non plus. J’ai cru comprendre qu’elle n’avait pas toujours été malheureuse dans son rôle. Ses conquêtes en témoignent. Mais je comprends mieux son ressentiment envers toi.
— Tu n’es pas effarée par ce que j’ai fait ? demanda Christy, résignée à cette éventualité.
— Nous avons tous un passé. Je te l’ai dit, tu te fustiges bien assez pour que j’en rajoute. Quels que soient tes remords, ce qui compte désormais, c’est ce que tu fais de ton présent. Il faudra bien que tu te pardonnes un jour…
— J’aimerais, répondit l’elfe en souriant faiblement devant l’adorable moue de Reine. Ma sœur me manque terriblement.
— Tu ne crois pas que vous pourriez réussir à faire la paix ?
— C’est peine perdue, sa rancune est légitime et tenace. Nous n’arrivons plus à communiquer depuis des années.
Reine eut un frisson tant son corps se refroidissait. Christy lui tendit une bouteille d’eau.
— Tu devrais boire un peu, tu dois être complètement épuisée. Raconte-moi votre épreuve.
La future mère Noël retourna s’asseoir, une vive douleur la saisissant à la tête. La déshydratation faisait déjà des ravages dans son corps. Elle raconta leurs échanges et comment elle s’était accrochée à sa volonté de gagner et de rendre la Commandante fière d’elle.
— Ta sœur est malheureuse, je crois, ajouta-t-elle d’une voix de plus en plus faiblarde. Elle voulait seulement qu’on se rapproche, elle et moi. Ça m’a touchée.
Christy reçut l’information comme un coup de poignard dans la poitrine. Reine n’était certes pas sa propriété, mais elle aimait à se dire qu’une relation spéciale s’était tissée entre elles. Et, en toute honnêteté, elle n’entendait pas la partager. Encore moins avec sa propre sœur. L’apprentie mère Noël s’enfonçait dans un sommeil mérité. L’elfe voulait en savoir plus. Elle la secoua doucement.
— Quoi ? Qu’a-t-elle fait ? A-t-elle tenté de te séduire ?
— Hum, grogna Reine, au bord de l’inconscience. Elle m’a embrassée…
— Elle t’a quoi ?!
Mais, déjà, Reine ne répondait plus.
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J’ai trouvé cette épreuve géniale ! On en sait enfin un peu plus sur les jumelles Elfes et ça fait plaisir de voir la carapace de Christy tomber. Merry fait de la peine, j’espère qu’elles vont se réconcilier ! Hâte de lire la suite <3
Chaud devant
Christy brise sa carapace peu à peu
Même en maillot de bain, impossible de tenir plus de 10 minutes dans un sauna alors tout habillé : une vraie torture ! Mais l’épreuve est propice aux confidences et à un rapprochement chaudement vaporeux.
Donc, prix du contre la montre pour Reine et prix du chaudron magique pour Roxane 🤩🤩🤩❤❤❤