C’est aujourd’hui que tout commence
Quand le réveil sonna, Reine sursauta et un grognement de désespoir lui échappa.
— Dépêche-toi, nous n’avons pas une minute à perdre, annonça la voix parfaitement réveillée de Christy.
Avec difficulté, Reine ouvrit un œil et découvrit que son amante était déjà habillée et terminait d’accrocher sa ceinture. Consciente qu’elle n’avait pas le choix, elle se redressa et commença, elle aussi, à se vêtir en murmurant :
— Bon sang, mais quelle heure est-il ?
— Trois heures.
— Trois heures !
— Aujourd’hui et demain vont être des journées chargées. Tout ce pour quoi tu t’es battue va prendre sens.
— Non d’un renne volant ! s’exclama alors Reine. Aujourd’hui, on distribue les cadeaux !
D’un coup, un immense sourire apparut sur son visage et elle accéléra le rythme. Une énergie nouvelle, vivifiante et enthousiasmante, coulait dans ses veines.
— Oui ! Et avant, on a quelques problèmes de dernière minute à régler, comme chaque année, lui livra Christy avec un clin d’œil. Surtout, quoi qu’il se passe, respire profondément et ne panique pas.
— Pourquoi voudrais-tu que je panique ?
— Je te dis juste que tout va bien se dérouler, donc pense à respirer et à faire confiance à ton équipe. C’est bon, tu es prête ? On doit partir maintenant.
— Oui, oui.
Sans comprendre le sens des paroles de Christy, Reine décida de suivre sa compagne. Après tout, en tant que Commandante en cheffe des lutins, cette dernière avait l’habitude des 24 décembre. Si elle déclarait qu’il ne fallait pas paniquer, Reine ne paniquerait pas. Foi de mère Noël !
Elles quittèrent la maison de Christy au pas de course et parvinrent à l’entrepôt en quelques minutes. Reine transpirait déjà et avait l’impression de s’être échauffée pour une séance de sport. Dès qu’elles mirent un pied à l’intérieur, des lutins se pressèrent autour de leur Commandante en hurlant :
— On a réussi à récupérer 56 947 mails tombés en spams ! Urgence absolue !
— De nouvelles commandes arrivent encore sur la boîte mail urgente, on doit les faire passer en priorité.
— Les lettres retenues pour cause de problèmes techniques et d’intempéries viennent de nous parvenir. Certaines sont illisibles. La cellule des experts graphologues est sur le coup. Ça, c’est grave, et on ne sait pas comment on va recouvrer…
— Stop ! Stop ! Stop ! s’interposa immédiatement Christy, les mains levées. Où est ma sœur ?
— Ici, frangine, l’informa Merry, qui venait d’arriver à sa suite, un sourire plaqué sur le visage, un mug de café entre ses mains.
— Parfait, rétorqua la Commandante en cheffe. On va s’installer toutes les trois dans mon bureau.
Calme et maîtresse d’elle-même, elle porta dans un second temps son attention sur les lutins qui l’encerclaient. D’une voix posée, Christy expliqua :
— Côté urgence, commencez tous à remplir les tableaux. Pain d’Ép assurera la liaison, comme d’habitude. On va gérer tout cela et Noël sera une nouvelle fois sauvé.
— On n’a jamais eu 56 947 mails tombés en courrier indésirable ! Noël est perdu ! Des enfants vont pleurer ! s’écria un lutin que Reine fut incapable d’identifier tant il fit volte-face brusquement pour partir à l’autre bout de l’entrepôt.
Une effervescence absolue régnait dans l’immense hangar. Reine étudiait ce fourmillement d’un regard moins confiant que les fois précédentes. Tout le monde semblait stressé et une étincelle paraissait susceptible de tout embraser d’un coup.
— C’est moi où c’est moins détente et rigolade que d’habitude ? osa Merry, qui avait elle aussi perçu l’atmosphère lourde et avançait en troisième position derrière sa sœur et Reine.
— Prêtes à tester votre capacité à prendre des décisions sous la pression ? demanda Christy en se retournant et en observant celles qui allaient gérer la distribution des cadeaux.
— Heu… oui… lâcha Reine du bout des lèvres. Où est mon père ?
— Il a choisi de faire la grasse matinée et de ne venir qu’à partir de 8 heures, rétorqua sa compagne tandis que l’ascenseur s’ouvrait devant elle et qu’elle invitait sa sœur et Reine à la précéder. Il a une totale confiance en vous.
— Ton père considère qu’arriver à 8 heures au travail, c’est avoir fait la grasse matinée ? s’étonna Merry. Mais, le concept de la grasse matinée, ce n’est pas de dormir après 10 heures ?
— La bonne blague ! se moqua Christy au moment d’appuyer sur le bouton.
Les portes de l’ascenseur se fermèrent et, l’espace d’un instant, le bruit extérieur se tut. Reine et Merry réalisèrent alors qu’au-delà du mouvement, les cris, les chocs et autres créaient une cacophonie étouffante.
— Surtout, quoi qu’il se passe, pensez à respirer. On va y arriver. On y arrive toujours, les encouragea Christy.
Cette fois-ci, Reine comprit que cette recommandation allait au-delà d’un simple conseil. C’était un avertissement pour survivre à cette journée, elle en aurait mis sa main à couper.
Quand toutes les trois pénétrèrent dans le bureau de Christy, elles découvrirent les parois blanches des murs tapissées de mots. Dans tous les sens. Partout. La Commandante en cheffe ôta sa veste, son écharpe et son bonnet en quelques secondes, puis elle s’avança vers le premier pan de mur. Là, elle commença à lire :
— On n’a plus de vis pour les jouets en bois. Pas de problème. On les remplace par des clous. Pain d’Ép ! cria-t-elle.
Le lutin accourut devant la porte d’entrée.
Christy pivota vers lui et demanda avec un froncement de sourcils :
— Pourquoi a-t-on noté qu’il n’y avait plus de vis sur le panneau d’urgence ? On n’a qu’à utiliser des clous.
— Il n’y a plus de clous non plus.
— Ah, là, ça devient intéressant ! rétorqua la Commandante en cheffe en se tournant vers les deux novices. Prêtes à faire preuve d’ingéniosité ?
Les yeux écarquillés, Reine et Merry s’observèrent. Personne ne leur avait parlé de problèmes de ce genre durant leur formation !
***
— Qu’est-ce que ça fait du bien de s’offrir une bonne grasse matinée ! Comment ça va, les filles ? questionna l’ancien père Noël en entrant dans le bureau de Christy, frais et disponible.
Il observa son enfant et Merry, qui paraissaient tendues à l’extrême. De son côté, Christy donnait des ordres à Pain d’Ép, qui transmettait les informations via son talkie-walkie bleu criard. Le fameux appareil qui jurait complètement avec les couleurs de Noël. Ce n’était pas faute de lui avoir demandé, à plusieurs reprises, d’en changer. Impossible ! Pain d’Ép ripostait sans cesse qu’il était plus facile à trouver dans tout cet océan de vert et de rouge. Une réalité qui, ma foi, les avait déjà sauvés.
— Papa ! On a trop de commandes urgentes à gérer, on ne va jamais réussir ! On a les spams, les retardataires, les illisibles, les…
— Pas de panique, on y arrive toujours, rétorqua l’ancien père Noël en s’approchant. Vous avez lancé le tri par jouets identiques ? Le tout classé par ordre alphabétique ? En fonction de la localisation géographique des parents ? Si on doit repasser ici pour les dernières commandes, ce n’est pas grave. On l’a déjà fait.
— Hein ? Tu ne fais pas toute la tournée en une fois ? s’étonna Reine, qui jeta un regard désespéré à Merry.
— Tu connais les gens qui sont « laaaaaaaarges » ? Ceux qui t’envoient la liste une heure avant le départ ? Tu penses qu’on les gère comment ? On n’a pas réellement le choix dans certains cas : on ne peut pas laisser leurs enfants sans cadeaux.
— Mais personne ne nous a jamais parlé de ça ! s’exclama Merry, les bras levés au ciel en signe d’impuissance. C’est un véritable enfer !
L’ancien père Noël déposa un baiser sur le front de sa fille et tapota affectueusement l’épaule de Merry en ricanant.
— Rassurez-vous, Christy et moi avons l’habitude. Carol vous attend en bas pour aller voir Fada. Je vous remplace pour la gestion des urgences. En plus, j’ai l’impression qu’une petite pause vous fera le plus grand bien.
— De toute manière, il est bientôt 14 heures, on va lancer la distribution, tenta de s’enthousiasmer Reine.
— Il est 8 heures du matin. Il nous reste encore un bon moment avant le décollage. De quoi rajouter des quantités de cadeaux dans les deux hottes sans fond. Allez ! Plus vite vous irez voir Fada, plus vite vous serez de retour. Dépêchez-vous, Carol vous attend.
Reine et Merry ne se firent pas prier davantage. Elles récupérèrent leur veste, puis se précipitèrent dehors presque en courant afin d’éviter les demandes diverses et variées des lutins. Une fois la porte extérieure refermée, le brouhaha disparut. Là, elles respirèrent plus librement. Merry admit alors :
— Je n’aurais jamais imaginé que ce boulot puisse être aussi stressant.
— Moi non plus. Mon père a toujours donné l’impression que c’était facile.
— Je crois que je comprends l’intérêt de cette épreuve du château de cartes maintenant, concéda Merry en massant ses tempes.
— Hé, les filles, par ici ! s’exclama Carol, assise sur une motoneige, en désignant un deuxième engin. Reine, tu montes derrière moi, Merry, tu nous suis sur la seconde. Le chalet où nous avons isolé Fada est un peu à l’écart.
Le temps leur étant compté, Reine et Merry se dépêchèrent de s’installer. Cette confrontation était actuellement le cadet de leurs soucis, mais elles n’avaient pas le choix : elles devaient essayer de comprendre les motivations de Fada si elles ne voulaient pas voir les sabotages continuer…
***
Carol et Merry garèrent les motoneiges devant le chalet cosy qui faisait office de centre de détention pour la première hors-la-loi du royaume de Noël. Une fois son casque ôté, Carol pouffa et agita sa main en marmonnant :
— Excusez-moi, je commence à songer que nous aurions dû l’enfermer dans son propre donjon rouge et noir.
— Elle adore mettre les gens mal à l’aise de cette façon, soupira Merry, qui paraissait parfaitement visualiser le lieu mentionné par Carol.
Conformément à la loi noëlienne sur le droit au confort de vie, Fada ne manquait de rien dans son petit logement entièrement aménagé. Sans la farandole de bonhommes de neige reconvertis en gardiens pour l’occasion, on aurait pu se croire face à une maison comme une autre. Reine jeta un coup d’œil à Merry et nota que cette dernière ne semblait pas dans son assiette. Elle avait l’air plus pâle qu’auparavant et ses traits tirés trahissaient sa fatigue.
Carol poussa la porte d’entrée et toutes les trois pénétrèrent dans le chalet. Elles quittèrent leurs bottes et la captive les accueillit bien vite de sa voix chargée de sarcasme.
— Un trio d’honneur pour me distraire ! Quelle chance j’ai en ce 24 décembre !
— Ta machination à l’encontre des Rennes de Cœur a échoué, Fada. Nous sommes venues te prévenir, intervint Carol avant que la prisonnière ne puisse parler davantage.
— Oh ! feignit de s’offusquer la captive, la main devant la bouche, en jouant très mal la surprise.
— C’est toi qui as lancé l’attaque du yéti ? l’interrogea Merry, son regard froid braqué sur son ancienne mentore.
— Pourquoi cette question ? rétorqua Fada en rejetant sa sombre chevelure dans son dos.
— Ma sœur a failli mourir… tempêta Merry, prête à se battre. En plus, tu t’es servie de moi pour assassiner le père Noël !
— Le père Noël est mort ? s’enquit Fada, sourcils froncés.
— Non ! Heureusement ! ajouta Reine, prenant la parole pour la première fois depuis le début de l’échange.
— Et…
La « détenue » croisa ses bras sur sa poitrine et se dirigea vers le salon, où les trois « invitées » la suivirent. Fada s’installa de manière royale dans l’un des fauteuils en face du sofa. Ni Merry ni Reine ne la quittèrent du regard. Carol fut la première à s’asseoir sur l’immense canapé rouge et les deux plus jeunes l’imitèrent bientôt. Merry reprit la parole en premier et expliqua à celle qu’elle avait longtemps considérée comme une mère de substitution :
— Il a décidé de prendre sa retraite et Reine va lui succéder.
— C’est tout ?
— Ce n’est pas vous qui menez cette discussion, Fada ! s’emporta Reine. Vous ne nous soumettez pas à un interrogatoire, c’est nous qui venons chercher des réponses !
— Oh, tu viens chercher des réponses, jeune fille ? Mais j’ai de nombreuses questions pour toi. Est-ce que ce n’est pas un schéma monarchique, la fille qui hérite du poste de son père ? Est-ce que ce n’est pas une manière stupide et rétrograde d’être nommée ? Comment sont sélectionnés les candidats à la succession ? Qui désigne le vainqueur ? Sur quels critères ?
— J’ai gagné ma place honnêtement ! se défendit Reine en se tournant vers Merry, qui rentra la tête dans ses épaules.
— Quoi ? Merry, tu n’as pas réussi les épreuves ?
— Si… Enfin… c’est compliqué !
— Qu’est-ce qui est compliqué ? s’emporta Fada pour la première fois.
D’un bond, la prisonnière se leva. En cet instant, son sang-froid légendaire paraissait lui faire défaut. Elle commença à marcher en face de ses visiteuses, de long en large, dans le petit espace à disposition.
— Pourquoi n’as-tu pas utilisé la magie de Noël qui coule dans tes veines ?
— Comment ? Comment sais-tu que Merry possède la magie de Noël ? l’interrompit Carol, ses yeux lançant des éclairs.
— Je travaille avec Merry depuis des années ! J’ai vu la magie de Noël grandir en elle, impossible à canaliser et à arrêter…
— Alors, tu as voulu l’exploiter pour faire le mal ! la coupa la mère de Reine.
— Si seulement ! La magie de Noël doit servir Noël. Tu le sais, je le sais, tout le monde le sait !
— Tu veux me faire croire que tu as agi pour protéger Merry, peut-être ? s’exclama Carol en abandonnant sa position assise pour se redresser.
Elle s’avança jusqu’à se confronter à Fada. L’une en face de l’autre, séparées uniquement par un petit mètre, elles avaient l’air prêtes à se lancer dans un combat au corps à corps.
— Je n’ai pas tué ton époux. La dose était parfaitement étudiée. Elle avait simplement pour but de le libérer de la magie de Noël. Créer un léger arrêt cardiaque, permettre sa résurrection… Et comment il a réagi ? Au lieu de me remercier, il t’a envoyée pour me kidnapper !
— Te kidnapper ? Ne te fais pas passer pour la victime ! Tu es celle qui a tout manigancé, Fada !
— L’attaque du yéti, la coercition des Rennes de Cœur, ce ne sont pas de vrais problèmes et tu le sais. Il suffisait, pour ta fille ou Merry, de se connecter à la magie de Noël qui coule dans leurs veines. En canalisant cette force, les incidents auraient été résolus en moins de cinq minutes. Sauf qu’aucun de vous ne leur accorde assez de confiance pour ça ! Aucun de vous ne leur a appris à l’utiliser !
— Tu as tout manigancé ! s’emporta Carol.
— Bien sûr que j’ai tout manigancé ! Je voulais que ton mari prenne sa retraite et que les filles le remplacent ! Deux femmes possédant la magie de Noël à la même époque, c’est une première. Et j’ai bien l’impression que ça a marché. Donc, oui, j’ai tout manigancé !
Fada s’avança de quelques centimètres jusqu’à surplomber Carol de toute sa stature. Elle paraissait encore plus imposante qu’elle ne l’était en temps normal. Reine avait du mal à suivre et pivota vers Merry. Cette dernière semblait tout aussi perdue. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Reine l’ignorait. Cette histoire n’avait aucun sens.
— Je ne comprends pas, finit par lâcher Reine.
Sa voix fluette, à deux doigts de se casser, attira l’attention des deux femmes qui s’affrontaient jusqu’à présent. D’un même mouvement, elles se tournèrent vers la nouvelle mère Noël et captèrent tous ses doutes.
Carol se calma immédiatement et Fada se recula avec une lenteur délibérée.
— Christy et Merry sont porteuses de la magie de Noël depuis leur naissance. Au contact de ton père, Christy a vu sa magie grandir et s’épanouir. Mais Merry, à mon contact… soupira Fada en retournant s’installer dans le fauteuil. Sa magie luttait contre la mienne, il fallait la laisser vivre, la libérer…
Un silence choqué répondit à Fada, qui, après avoir conquis son public, reprit :
— Reine, tu es la descendante d’un noëlien. Bien sûr qu’on s’attend à ce que la magie de Noël coule dans tes veines ! Aux dernières nouvelles, Merry et Christy sont des elfes ! Elles sont une exception. Une première. Peut-être parce qu’elles sont jumelles, qu’est-ce que j’en sais !
Carol observa Merry avec attention. Elle donnait le sentiment d’avoir assimilé une vérité lourde de sens.
— Tu as sauvé Merry… chuchota-t-elle en se tournant vers Fada.
— Oui. Et je m’excuse d’avoir dû priver ton mari de ses pouvoirs pour en arriver là, mais il n’a jamais considéré mes idées comme dignes d’intérêt.
— Kris ne… commença Carol, avant d’être interrompue par sa rivale.
— Il a abandonné son titre pour reprendre son prénom de naissance, les choses avancent vite, l’interrompit Fada.
— Je… Je… Tu m’as sauvée ? répéta Merry, restée sans voix jusqu’à présent.
— Envoyer une elfe porteuse de la magie de Noël dans mon royaume, c’était la condamner. Je n’ai jamais compris pourquoi personne n’avait vu ce que j’ai vu, soupira Fada, qui scrutait ses ongles manucurés avec bien trop d’attention.
Merry saisit immédiatement que cette attitude faussement distante n’était qu’un moyen pour dissimuler ses véritables sentiments. Un étrange silence s’abattit dans la pièce. Les respirations, superficielles et rapides à cause du choc des révélations, imitaient celle d’un animal acculé. Ce fut Fada qui eut le courage de relancer l’échange après de longues secondes.
— Vous allez donc travailler ensemble, toutes les deux. C’est bien. Maintenant, si vous pouviez me laisser seule, je dois m’appliquer une nouvelle couche de vernis à ongles.
— Je… commença Merry avant d’être interrompue par Carol.
— Il va falloir que nous discutions tous… Avec mon mari. Si tu dis vrai… tu n’as rien à faire ici.
— Je n’ai pas besoin de votre pitié, Carol. Je connaissais les risques et je sais ce qui m’a poussée à agir.
— Merci !
Reine n’eut pas le temps de cligner des yeux que Merry se précipita dans les bras de Fada pour l’enlacer.
— Merci… répétait-elle, blottie contre celle qu’elle avait considérée comme une mentore à bien des égards.
Les larmes dévalaient les joues de Merry. Abritée contre Fada, qui la serrait fort, la sœur de Christy laissa sa tristesse et sa reconnaissance prendre le dessus.
— C’est rien, c’est rien. Tout va bien, chuchota Fada à son oreille. Comment s’appelle l’Esprit de Noël que tu vois ?
— Unicœur, avoua Merry entre deux sanglots.
— Cette bonne vieille licorne ! Ça faisait longtemps qu’Unicœur n’avait pas eu de protégé.
— Reine aussi lae voit, continua Merry sans bouger de la place confortable où elle était logée.
— Deux fois plus de boulot ! C’est la vengeance de ses supérieurs parce qu’iel est apparu·e auprès de certains humains pour défendre son précédent père Noël.
— Quoi ? s’étrangla Reine.
— Vous lui demanderez. Je suis certaine qu’iel refusera d’en parler, lança Fada à Reine avec un clin d’œil.
Puis Fada s’adressa à la jumelle de Christy.
— Merry, regarde-moi, murmura-t-elle en forçant sa disciple à se reculer pour l’obliger à croiser son regard. J’ai toujours eu confiance en toi. J’ai besoin que tu prennes soin de tous les grinchs et de tous ceux qui avaient pour but de contrebalancer l’univers autour de Noël. Ce n’est pas juste une fête géniale, incroyable, fantastique. Il est de ton devoir de rappeler la réalité du monde tel qu’il est. À cette période, il y a aussi de la solitude, de la douleur, de la souffrance. L’équilibre doit être maintenu, tu comprends ?
— Oui… Oui, accepta Merry en essuyant ses joues avec les paumes de ses mains.
— L’équilibre doit être maintenu, mais… la magie de Noël coule en toi. Alors, tu trouveras une manière de conserver cette harmonie en l’utilisant et en faisant le bien. Promets-le-moi.
— Je… Je te le promets.
— Bon. Et maintenant, filez. Je crois qu’une grosse journée de travail vous attend.
— Tu ne t’en tireras pas comme ça, Fada ! la menaça tout de même Carol avant de se relever.
— Quand ton mari aura un peu de temps libre, je serai ravie de discuter avec lui. D’ici là, vous savez où me trouver.
Merry s’était éloignée pour se rapprocher de Reine. Fada quitta le fauteuil où elle était installée jusqu’à présent. Sans un regard de plus pour ses invitées, elle se dirigea vers une autre pièce, au fond du chalet. Reine posa une main réconfortante sur l’épaule de Merry en demandant :
— Ça va ?
— Oui. Allez, on doit retourner travailler. On doit relayer ton père et ma sœur.
— Tu crois qu’on a autant de magie de Noël que Fada l’imagine ?
— Je pense qu’on en a encore plus. Fada ne s’est jamais trompée sur quoi que ce soit depuis que je la connais.
***
Après cette visite, impossible pour Reine, Merry, Christy ou Carol de discuter. Les minutes filaient bien trop vite et une montagne de problèmes de dernière minute leur étaient tombés dessus. Avec leur inexpérience, Reine et Merry perdaient un temps précieux. Heureusement, l’ancien père Noël les épaulait comme il le pouvait, habitué à cette pression et à certaines difficultés déjà rencontrées par le passé.
Alors que Reine tentait de savoir si elle avait le droit de mettre des piles moins performantes dans une guitare électrique, Merry intervint pour lui venir en aide :
— Je crois que c’est une blague des grinchs. On faisait exprès de proposer les piles à la plus longue durée de vie pour que les parents nous maudissent. Ils ont dû se dire que ce serait drôle de se venger des listes en retard. Mets ce que tu as sous la main, ça ira très bien !
Reine la remercia et transmit l’information à Pain d’Ép. Soudain, un bruit de bips stridents retentit dans tout l’atelier, faisant sursauter Reine et Merry, qui s’observèrent, incrédules.
— C’est l’heure, grogna Christy en échangeant un regard avec l’ancien père Noël.
— Il nous reste encore beaucoup à gérer. Je pense qu’il va falloir mettre en place une liaison téléphonique entre nous et la base.
— Même si nous avons deux équipes, nous devrons repasser ici. Reine et toi d’un côté, Merry et moi de l’autre.
— Je te le confirme, au moins une fois, si ce n’est deux…
Reine et Merry écoutaient les deux plus gradés dans la distribution des cadeaux discuter comme si elles étaient absentes. C’était à la fois dur à encaisser et rassurant parce que, même si elles adoraient avoir pris du galon, aujourd’hui elles intégraient parfaitement la quantité de travail inhérente à ce poste et à quel point agir en équipe était une bénédiction.
Reine murmura alors pour que seule Merry l’entende :
— Je suis vraiment heureuse qu’on fasse ça ensemble. Ça a peut-être l’air stupide et naïf, mais j’aime déjà l’idée qu’on se raconte nos pires histoires quand on sera de retour…
— Devant un grand verre de vin chaud, compléta Merry, visiblement sur la même longueur d’onde.
— On pourrait imaginer plus corsé encore, non ?
— Toi, tu sais me parler !
Soudain, la voix grave du père de Reine les interpella :
— Hé, les filles ! Vous n’êtes pas habillées ? Il ne vous reste que dix minutes pour être sur les traîneaux en tenue ! Allez, hop, hop, hop, on se dépêche !
— Ah, le bruit ! C’était ça ? demanda Reine, dont le rythme cardiaque venait subitement de s’accélérer.
— Ce sont les montres de tout le monde ici ! Dépêchez-vous de vous changer. On se retrouve devant les traîneaux ! leur lança Christy avant de franchir la porte derrière l’ancien père Noël d’un pas vif.
— On ne pouvait pas deviner ! s’exclama Merry en retour tandis que le battant se refermait. Comment tu la supportes au quotidien ?
— On s’habitue, s’amusa Reine alors qu’un large sourire dévorait son visage. Allez, on s’active. Dix minutes pour se préparer ? Je veux bien que le poste ait été occupé uniquement par des hommes jusqu’à présent, mais c’est un peu trop court, non ?
— C’est sûr qu’on peut dire adieu au maquillage… la taquina Merry.
— Hé, je ne songeais pas à me maquiller ! Personne n’est censé nous repérer, je te signale !
Toutes les deux se changèrent à toute vitesse et se présentèrent devant les traîneaux, à l’extérieur de l’entrepôt. Christy et le père de Reine étaient en pleine discussion quand elles arrivèrent. Dès qu’ils les aperçurent, ils se turent et les détaillèrent avec plaisir et fierté.
— Tu es magnifique, ma puce, déclara l’ancien père Noël à sa fille. Toi aussi, Merry.
— Je confirme, se contenta d’ajouter Christy, qui, même si elle avait déjà contemplé Reine dans cette tenue, paraissait avoir du mal à la quitter des yeux.
— Allez, tout le monde, en place. On doit partir ! Et surtout, on doit savoir si la magie de Noël est prête à vous laisser travailler simultanément.
— Comment ça ? s’étonna Reine.
— On en parlera plus tard, il ne nous reste que deux minutes avant le départ. Montez sur les traîneaux, à vos postes.
Merry répondit à sa sœur par un salut militaire. Reine se mordit les lèvres pour ne pas éclater de rire face à cette réaction puérile. Elles grimpèrent chacune sur un traîneau et saisirent les rênes. Les lutins, elfes, grinchs et autres créatures s’étaient massés autour des deux engins. Rapidement, ils entonnèrent le décompte d’une même voix :
— Dix, neuf, huit, sept, six, cinq, quatre, trois, deux, un… C’est parti !
Bientôt, les rennes prirent leur envol. Une fois qu’ils furent en vitesse de croisière en direction de la Nouvelle-Zélande, Christy tendit une oreillette à Reine. Cette dernière l’observa avec surprise, mais l’attrapa et la positionna. La Commandante en cheffe des lutins demanda :
— Équipe 1 à équipe 2, vous m’entendez ?
— Parfaitement.
Reine saisit la voix de son père avec une netteté stupéfiante.
— Pourquoi on est l’équipe 2 ? ronchonna alors Merry, que Reine pouvait apercevoir à quelques mètres sur sa droite. En plus, c’est nul, comme noms d’équipe.
— C’est vrai que ça manque d’esprit de Noël, renchérit Reine, en soutien, tout en gardant son attention sur sa conduite.
— Stop ! On n’a pas de temps à perdre avec vos bavardages !
Christy venait de mettre un terme à leur échange d’une voix bien trop forte. Reine se tourna pour la dévisager en fronçant les sourcils. C’était étrange de l’avoir juste à côté d’elle et de l’entendre en double.
— On reste focus, toutes les deux. Pour information, nous avons le livre des présents avec nous. Il va falloir qu’on s’assure que vous arriviez à vous connecter à sa magie pour connaître le nom des enfants, les adresses et les livraisons à faire.
— D’accord, et comment on procède ? osa Reine.
— Vous faites appel à la magie de Noël qui vous habite.
La réponse de son père surprit Reine. C’était tout ? C’était son seul conseil ? Vraiment ? Mais ce n’était pas assez précis ! Elle avait besoin de plus d’explications, de plus d’entraînements, de… Oh non, elle n’avait pas le droit de paniquer maintenant alors que la distribution allait démarrer dans quelques minutes ! Reste calme, concentre-toi, aie confiance en toi, s’encouragea-t-elle intérieurement.
— Heu… on pourrait avoir un tout petit peu plus d’indications ? intervint Merry, à son grand soulagement.
— Pfff ! Tu verras, c’est facile. On va débuter par Vladivostok, en Russie, pendant que l’équipe 1 attaque avec le cap Reinga. Dès que vous visualiserez un toit, il vous suffira de vous focaliser dessus, et normalement, le livre vous soufflera quel enfant habite là et quel cadeau déposer.
— Mais… heu… pour la hotte sans fond… Comment on trouve… tenta Reine après l’explication laconique de son père.
— Faites confiance à votre magie, les filles. Tout va bien se passer. Vous repérez un toit, vous vous concentrez, vous descendez et vous piochez dans la hotte.
Résumé ainsi, ça avait l’air tellement simple ! Reine aurait aimé être aussi confiante. Pourtant, au fond de son cœur, elle doutait. Si elle venait à échouer, tout le monde s’empresserait de le lui reprocher. On mettrait ses capacités en question, ses choix, son genre. Le Conseil justifierait son échec de la pire des manières – elle l’imaginait avec une netteté évidente. Seulement, elle n’eut pas le temps de s’interroger davantage. Merry bifurqua et, de son côté, elle apercevait les lumières du nord de la Nouvelle-Zélande.
Ses heures d’apprentissage payèrent et Reine orienta les rennes de sorte qu’ils se rapprochent de l’océan. Le traîneau suivit avec douceur, sans embardée, sans virage violent. Un sourire fier naquit sur le visage de la pilote. À ses côtés, Christy ôta son oreillette, qu’elle dissimula dans sa main, et se pencha afin de murmurer à son amante :
— Tu vis ton rêve, Reine. J’ai besoin que tu y croies, que tu sois sûre et certaine que ce sera simple, et ça le sera. D’accord ?
Christy avait-elle perçu ses doutes ? Si c’était le cas, elle était réellement douée. Et surtout, ses paroles vinrent se loger dans un endroit du cœur de Reine où elles semblèrent allumer son corps de mille feux. Elle pouvait le faire. Elle allait le faire. Et ce Noël deviendrait l’un des plus beaux succès des millénaires à venir. Tout allait changer à partir de maintenant et on se souviendrait de ce moment comme de celui qui avait transformé Noël pour le meilleur.
— Je vais réussir.
— Parfait.
Christy remit en place son oreillette pendant que Reine arrêtait le traîneau au-dessus de la première maison. Maison qui n’avait, bien évidemment, pas de cheminée. Ça démarrait bien. Aidée de Christy, Reine passa la hotte sur ses épaules en se demandant comment elle allait rentrer. L’option porte lui semblait la plus facile.
— Je suis heureuse de commencer par la Russie ! Là-bas, au moins, les gens nous proposent un chemin tout tracé ! la taquina Merry.
Reine ne put s’empêcher de hocher la tête en signe d’assentiment avant de se souvenir que son interlocutrice ne pouvait pas la voir.
— Je te confirme que ça ne va pas être simple de mon côté, se reprit-elle aussitôt.
— Arrêtez de vous plaindre et de lambiner, vous n’avez que quelques secondes par enfant ! intervint Christy.
— Rabat-joie !
Ce fut la dernière phrase de Merry sur laquelle Reine se concentra. Elle venait de jeter l’échelle de bois en bas du traîneau et de se laisser glisser. Elle atterrit devant la première habitation de la nuit. Le bruit des vagues s’écrasant sur la plage lui donna l’impression d’avoir découvert un petit paradis sur terre. La température était agréable, aux environs des 18 degrés, et une légère brise déplaçait quelques mèches de ses cheveux. Elle s’approcha de l’entrée sur la pointe des pieds et posa délicatement sa main sur la poignée en bloquant sa respiration. Celle-ci s’ouvrit avec facilité, elle n’avait pas été verrouillée.
Bon début ! Elle pénétra dans la pièce et s’orienta grâce aux rayons de la lune. Éviter les chaussures, contourner la gamelle du chien, retenir la porte, déraper sur le parquet, rouler sur le canapé. Le sapin, enfin. Elle glissa la main dans sa hotte, au moment où son regard accrocha une photo de famille sur un coin du mur, et sentit un premier cadeau apparaître sous ses doigts en même temps que les prénoms des enfants : Liam et Arlo Yates.
Le sourire aux lèvres, elle récupéra les paquets et les déposa au pied de l’arbre – en pot. Tout d’un coup, une information frappa son cerveau, ou plutôt un grognement mécontent lui fit réaliser qu’elle avait oublié un détail : la gamelle du chien. Face à elle, un pitbull retroussait ses babines dans un sourire mauvais.
— Houlà ! Gentil, mon tout beau…
En réponse, le chien se mit à aboyer une première fois, puis une seconde.
— Qu’est-ce que tu fabriques, Reine ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu devrais déjà être dehors ! s’enquit Christy dans son oreillette.
— J’ai un pitbull à l’air mauvais devant moi et il vient d’aboyer !
— Sors ! Sors ! hurla son amante au moment où une lumière s’allumait à l’étage.
— Les filles, rappel de la plus haute importance : la vitesse est votre alliée, les encouragea l’ancien père Noël.
Reine ne se le fit pas dire deux fois. Elle se jeta sur le canapé, escalada le dossier pour retomber de l’autre côté au moment où le pitbull se lançait à sa poursuite. Arrivée devant la porte d’entrée, elle perdit l’équilibre dans les chaussures et la hotte l’entraîna dans une chute qu’elle se trouva incapable d’empêcher. Par réflexe, elle ferma les yeux, espérant secrètement survivre et ne rien se fracturer quand… rien ne se produisit. Son visage ne s’écrasa pas au sol, ses genoux ne furent pas égratignés, ses poignets ne se cassèrent pas. Non, elle se retrouva devant la porte d’une autre maison, debout, prête à recommencer.
— Je… Heu… On peut se téléporter, papa ?
— Comment tu crois qu’on passe d’une maison à une autre quand il n’y a pas de cheminée, sinon ?
— Ah… D’accord.
— Bon, ça ne marche que le jour de Noël pour la livraison, mais on ne va pas se plaindre. Au passage, je vous confirme que le livre a bien noté que tu as déposé les cadeaux des petits Yates pendant que Merry s’occupait d’Alevtina Ivazov.
— Parfait ! On continue sur cette lancée, les filles ! Allez ! les pressa Christy en tapant dans ses mains. On accélère, on ne peut pas se permettre de passer la nuit dans ces deux villes.
***
Quelques heures plus tard, le système s’avéra parfaitement rodé. Reine et Merry livraient les cadeaux dans les maisons, tandis que Christy et l’ancien père Noël campaient sur les traîneaux. Les discussions allaient bon train grâce à la transmission à distance et chacune suivait la progression de l’autre. Le rythme était soutenu, plus qu’au départ, et les deux responsables ne cessaient de piocher des présents dans leur hotte sans fond.
— Tu as caressé le chat ? J’aurais pas osé, confia Merry, que Reine entendit dans son oreillette tandis qu’elle déposait une salve de paquets au pied d’un arbre.
— Attends, tu as survécu à un bébé tigre ! Les gens sont inconscients, quand même ! Les tigres ne sont pas des animaux domestiques.
Reine quitta une nouvelle fois la pièce en un clignement d’yeux. Elle commençait à s’habituer à cette technique, très pratique en Chine, où elle se trouvait maintenant. Merry, de son côté, avait presque terminé avec l’Inde.
— Vous savez que vous êtes épuisantes, à commenter tout ce que vous croisez ?
— Continue de manger des cookies, sœurette, et laisse-nous gérer. On assure !
— Ce qui est agréable avec ces biscuits chinois, c’est le peu de sucre. Il y a cette pointe de sel qui ressort… C’est délicieux. Oh ! J’ai terminé le dernier…
— Quoi ? s’étonna Reine. Mais je t’en ai apporté au moins une cinquantaine !
— Ils étaient excellents, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Ils avaient un petit côté addictif…
— Che comprends, Christy, intervint le père de Reine, la bouche pleine. Ches gâteaux sont à mourir !
— Si tu pouvais éviter, papa, ce serait cool.
— Oh, la blague ! ricana Merry. On a le droit de se moquer de ton père faussement assassiné et ressuscité ? C’est cool !
— Ce n’est pas un peu tôt pour ça ? s’étonna Christy. Reine, si tu pouvais me faire parvenir une autre fournée de biscuits, à l’occasion, je prends.
— Il y en a qui bossent ici, vous savez, grogna l’intéressée en abandonnant ses sablés à une horde de canards affamés qui lui couraient après.
***
Une autre maison. Une autre famille. Une autre liste.
— Quelle heure est-il ? Je suis épuisée ! se plaignit Reine en posant sa main sur le manteau de la cheminée pour changer de demeure.
— Presque minuit en Laponie, marmonna Merry afin de la réconforter. Ça fait déjà un moment qu’on travaille.
— Et on retourne à l’entrepôt. On doit refaire le plein de cadeaux. Ma fille, tu penses réussir à finir toute seule ?
— Oui, oui. Remplissez votre hotte. Je peux assurer sans problème ici. Que… Oh non ! s’exclama Reine, qui venait d’arriver dans le domicile voisin du précédent.
— Reine, qu’est-ce qu’il se passe ? s’inquiéta immédiatement Christy.
— Un enfant ! Devant moi. Salut ! lança-t-elle dans son plus beau souvenir d’espagnol.
Le gamin ne répondit pas, ne cligna pas des yeux et resta planté là, face à elle. Il y avait quelque chose de terrifiant dans son attitude, quelque chose qui ne tournait pas rond. Reine n’osa pas bouger, se demandant si elle devait essayer le basque comme elle était proche de Bilbao. Peut-être que son accent espagnol était réellement terrible et qu’il ne l’avait pas comprise. Pourtant, elle n’avait prononcé qu’un mot facile.
Soudain, Merry se matérialisa à ses côtés et Reine la dévisagea, interdite.
— Qu’est-ce que tu fais là ? murmura-t-elle à sa complice pour cette soirée.
— Figure-toi que tu viens de nous balancer que tu étais face à un enfant, alors j’ai paniqué et je suis apparue pour t’aider.
— Tu t’es dit que, quitte à se faire repérer, autant qu’on se fasse prendre la main dans le sac toutes les deux en même temps ?
— Ben, personne ne croira ce pauvre gosse s’il raconte qu’il a aperçu deux mères Noël déposer des cadeaux au milieu de la nuit.
— Pas faux, concéda Reine, son regard toujours rivé sur l’enfant, qui les scrutait fixement, sans bouger. Il fait un peu peur, quand même…
Merry se pencha alors devant le gamin, qui devait avoir six ou sept ans, et commença à lui parler. Impressionnant à quel point elle maîtrisait l’espagnol ! Pourtant, encore une fois, le petit ne réagit pas et resta planté là, immobile.
— Bon sang, il est somnambule ! grogna Merry en se retournant vers sa complice et en haussant les épaules. Je suis venue t’aider alors que le pauvre gosse n’est même pas conscient !
— Hé, ça va ! Je ne suis pas spécialiste en somnambulisme ! Comment je pouvais deviner ? rétorqua Reine, qui se penchait au pied de la cheminée afin de déposer les cadeaux attendus.
— Ma frangine était somnambule quand elle était gamine. C’est flippant, mais pas dangereux. Je vais le reconduire jusqu’à son lit.
— Tu es sûre ?
— Oui, mieux vaut éviter qu’il se blesse.
Merry fit pivoter le petit et l’entraîna doucement vers la première porte ouverte. Puis elle revint quelques secondes plus tard et murmura dans son oreillette :
— Poison Ivy à Ghost Rider. Poison Ivy à Ghost Rider. Tu viens me chercher ?
— Arrête avec ces surnoms ridicules ! s’étouffa Christy sur la fréquence que Reine et Merry utilisaient toutes les deux.
— Tu es jalouse parce que j’ai trouvé les meilleurs ! On est une équipe de badass, pas juste l’équipe 2.
Le père de Reine s’étrangla de rire et toutes les trois l’entendirent parfaitement. Puis Reine expliqua à Merry qu’elle devait continuer si elle voulait pouvoir boucler sa moitié du monde dans les temps. Elle la remercia d’être venue à son secours et se téléporta dans la maison suivante.
La nuit était loin d’être terminée…
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Cette photo est culte! Merci Ghost Rider!
Je ne suis pas sûre qu’on soit à la hauteur des tiennes, mais j’ai joué le jeu avec mon plus beau pull de Noël 😉
C’est top!
En préambule, le service des urgences assure : organisation au top !
Fada met les choses à plat : motivations acceptées.
Les équipes de livraison en teleportage se meuvent comme des funambules. Pitbull, somnambule gérés en un claquement de doigts.
Isabelle : prix pull hiver de super heroine qui te sieds à merveille 😉Raahh , je veux le même!! Joyeux Noël 🤩🤩🤩🦸♀️🦸♀️🦸♀️