5 décembre 2024 (Lena Clarke)

calendrier avent Reines de Noël jour 5 Lena Clarke

Double Christy

Sourire aux lèvres, Reine entra dans l’entrepôt et entreprit de rejoindre Christy au quatrième étage. Elle ignorait ce que l’elfe avait prévu, mais avait un excellent pressentiment. Aujourd’hui, elle brillerait et prouverait à son instructrice qu’elle était née pour le rôle de mère Noël. Maintenant que le pire était passé, à savoir ses débuts sur un traîneau, plus rien ne l’effrayait. Peu importe ce que Christy lui demanderait, elle s’exécuterait et l’impressionnerait. Pour une raison inconnue, l’avis de la Commandante en cheffe des lutins comptait beaucoup pour elle. Il était hors de question de se ridiculiser devant elle et de lire de la déception dans ses magnifiques yeux bleu clair.

Après avoir gravi une centaine de marches, Reine reprit son souffle. Il restait encore un escalier en colimaçon avant d’arriver à destination. Un escalier qui lui semblait sans fin… Elle s’appuya contre la barre métallique à sa droite et se demanda si son épreuve du jour avait déjà débuté. Christy testait peut-être ses aptitudes physiques. Cette simple pensée lui donna le courage nécessaire pour avancer. Elle arriva à destination, une petite minute plus tard, et se rendit compte que l’elfe était déjà arrivée. Contrairement au sien, son état général n’indiquait pas qu’elle venait d’effectuer cette montée infernale. Elle n’était pas en nage et ne respirait pas comme un phoque asthmatique. Ses cheveux noirs flottaient joliment autour de ses épaules et sa tenue, composée d’un pantalon noir et d’une chemise coupée à la perfection, la mettait en valeur.

— Tu es en retard, indiqua Christy d’une voix tranchante.

Reine déglutit. Cet accueil n’était pas celui qu’elle espérait.

— C’est faux… Enfin, oui, techniquement… mais j’étais à l’heure en entrant dans l’entrepôt ! C’est juste qu’il m’a fallu un peu de temps pour arriver jusqu’ici…

Tout en parlant, la jeune femme essuya ses mains moites sur son jeans et se débarrassa des quelques gouttes de sueur présentes sur son front. Elle remarqua que Christy la fixait et se sentit devenir encore plus rouge.

— Pourquoi ne pas avoir utilisé l’ascenseur ?

— L’ascenseur ? répéta Reine d’une petite voix.

La Commandante en cheffe des lutins lui désigna la porte juste derrière elle et Reine crut mourir de honte. Comme une idiote, elle n’avait pas songé que les locaux pouvaient en être équipés. Elle avait aperçu les escaliers et avait foncé sans se poser la moindre question.

— Je… heu… Je suis un peu claustrophobe, prétendit-elle.

Il était hors de question pour Reine d’avouer la vérité, à savoir qu’elle s’était imposé une séance de sport intensive par pure bêtise.

— Voilà qui est embêtant. L’entraînement du jour concerne les cheminées et ta faculté à sauter dans le vide sans aucun filet.

Le regard de Reine passa de l’ascenseur au trou dans le sol délimité par une petite barrière. Christy se tenait juste derrière et étudiait sa réaction. En un instant, elle retrouva du poil de la bête. Une si petite chose était largement dans ses cordes ! Elle bomba le torse et s’exprima fièrement.

— J’en suis capable !

— Tant mieux, car ce n’est que la première étape. Nous étudierons ensuite les divers moyens de pénétrer dans un logement dépourvu de cheminées et d’échapper aux chiens.

Face à l’air mi-interrogatif, mi-inquiet de l’ancienne Californienne, Christy reprit :

— Pour une raison inconnue, la poudre de sommeil, qui est très efficace sur les humains, ne fonctionne qu’à moitié sur eux. Mais ne t’en fais pas, de nombreuses parades ont été trouvées au fil des siècles.

— Comme quoi, par exemple ? Ne me dis pas que je vais devoir me balader avec des morceaux de viande et des jouets qui couinent pour éviter de me faire dévorer par d’énormes rottweilers ?

Cette simple pensée lui donnait des sueurs froides. Son père ne l’avait jamais informée de cet aspect de son travail.

— Les rottweilers ne sont pas une menace. Voici les races que tu dois craindre tout particulièrement.

À l’aide de son téléphone, Christy ouvrit un dossier photo préparé en amont. Elle confia ensuite son appareil à sa protégée, qui se détendit d’un seul coup. Un petit « oooh » lui échappa, lequel fit grimacer la Commandante en cheffe des lutins.

— Ils sont tellement mignons, s’extasia Reine.

— Faux ! Ne te fie pas à leur apparence angélique, ce sont de petits démons, corrigea aussitôt Christy. Leurs dents sont aussi tranchantes que des rasoirs, leurs aboiements, aussi stridents qu’une sirène, et leur endurance n’a aucune limite.

Reine écoutait sans entendre. Elle était trop occupée à faire défiler les photos de spitz nain, de bichons maltais et de cavaliers king-charles.

— Ton arrière-grand-oncle les a sous-estimés et cela a conduit à un drame.

Le mot « drame » incita Reine à relever les yeux sur son interlocutrice.

— Un caniche miniature lui a déchiqueté le mollet ? proposa la jeune femme, soudain moins extatique.

— Pire.

La fille de l’ancien père Noël ne se souvenait pas qu’un membre de sa famille soit mort dans l’exercice de ses fonctions, mais après tout, elle ignorait beaucoup de choses.

— Un chihuahua s’est glissé dans le sac des cadeaux, annonça Christy d’une voix grave. Il était si léger que le père Noël en fonction n’a rien senti et l’a emmené jusqu’au traîneau. L’animal s’est ensuite caché et a fait tout le voyage jusqu’ici.

Dans la mesure où elle s’était imaginé un meurtre, Reine peina à masquer son soulagement ainsi que son amusement face à cette histoire.

— C’est… hum… une tragédie ? suggéra-t-elle d’une voix qui trahissait ses véritables pensées.

— En effet. Une petite fille a pleuré ce matin-là. Son chien bien aimé avait disparu, remplacé par un cadeau qui, évidemment, ne valait rien en comparaison de cette perte. Et même si, par la suite, nous lui avons ramené son compagnon canin, elle a conservé à jamais les séquelles de ce traumatisme.

L’apprentie mère Noël eut soudain beaucoup moins envie de rire. Le rôle premier d’un père Noël consistait à apporter du bonheur aux enfants. Rendre malheureux l’un d’entre eux constituait une grave faute, quelque chose d’impardonnable. À ce moment-là, elle réalisa qu’elle devait se montrer encore plus investie dans sa mission et ne rien laisser au hasard.

— Je comprends, je serai sur mes gardes.

— Tu m’en vois très heureuse. Personne ici n’aimerait se retrouver avec une nouvelle « affaire chihuahua » sur les bras. Maintenant, place à la pratique : saute là-dedans.

La jeune femme examina le trou qui débouchait sur un long conduit semblant mener jusqu’au rez-de-chaussée du bâtiment.

— Il y fait quand même très sombre…

— Autant que dans une cheminée.

— Tu peux me rappeler le bien-fondé de cet exercice, déjà ?

— Reine…

Un frisson traversa la noëlfienne au son de son prénom. Dans la bouche de Christy, il sonnait mieux que jamais. Elle oublia momentanément ses craintes et se rapprocha du bord en muselant son instinct de survie.

— On se retrouve en bas !

Par peur de finalement renoncer si elle patientait trop longtemps, elle sauta et se rendit compte à mi-chemin que le fameux tunnel s’apparentait beaucoup à un toboggan. Il tourbillonnait, et si on faisait abstraction de l’obscurité, il n’avait rien d’effrayant. Elle soupçonnait les lutins de l’avoir construit dans un but purement divertissant. À coup sûr, Christy avait voulu qu’elle s’aventure là-dedans à la seule fin de tester son courage et sa capacité à obéir aux ordres.

Au bout de quelques secondes, et alors qu’elle se détendait enfin, Reine se posa une question essentielle : où allait-elle atterrir ? Elle n’eut pas le temps de paniquer. Il était déjà trop tard. Sans aucune grâce, elle s’écrasa au sol. Évidemment, les lutins n’avaient pas jugé utile d’installer un tapis. Ses fesses amortirent le choc. Néanmoins, plus que la douleur physique, ce fut la honte qui la submergea. Elle pria pour que personne n’ait assisté à cette chute catastrophique. Malheureusement, cette supplication resta vaine. À quelques mètres de là, Pompon, Grelot et Biscuit riaient à gorge déployée. Les joues rouges, Reine s’apprêtait à se relever quand une main apparut dans son champ de vision.

— Rien de cassé ?

L’apprentie mère Noël leva les yeux et tomba sur… Christy. Christy, qui possédait des traits parfaits, des yeux bleus hypnotisants et des cheveux rouges coupés au carré… Cette dernière information perturba Reine. La dernière fois qu’elle l’avait observée, soit moins d’une minute auparavant, elle possédait encore une chevelure d’un noir de jais.

— Non, ça va…

Elle se saisit de la main de l’elfe et, une fois devant elle, remarqua qu’elle portait un pull à l’effigie du Grinch recouvert d’un blouson en cuir.

— Dommage, j’aurais adoré jouer les infirmières.

Le sourire en coin que son interlocutrice lui réserva termina de convaincre la jeune noëlfienne : cette personne n’était définitivement pas Christy !

— Merry… que fais-tu ici ?

Reine tourna la tête et vit double. Son instructrice venait de sortir de l’ascenseur et de se planter aux côtés de sa jumelle. Elle n’avait pas l’air ravie de tomber sur la nouvelle venue, c’était même tout le contraire.

— Je vole au secours de ta nouvelle stagiaire, ça ne se voit pas ?

À cause de son trouble, Reine n’avait toujours pas récupéré ses doigts. Elle s’empressa de rectifier le tir et se demanda comment réagir. Les interroger pour savoir si elles étaient sœurs lui paraissait absurde. À l’exception de leur coiffure, elles étaient en tout point identiques.

— Ce n’est pas ma stagiaire. Elle se prépare à devenir le prochain père Noël.

— Vraiment ? Les vieux croulants du Conseil se sont enfin ouverts à la modernité ? interrogea Merry, très surprise.

— Tu pourrais leur montrer un peu plus de respect, soupira sa jumelle.

— Pourquoi ? Je ne travaille pas pour eux. Ma boss est un million de fois plus sexy et compétente. La preuve, nous avons déjà terminé de préparer les stocks de cadeaux pour les petits garnements du monde entier.

Reine observa l’ensemble de l’entrepôt et constata que les lutins étaient en train de rapatrier des centaines de cartons remplis de jouets divers. Elle lut les mots « dictionnaires », « manuels de mathématiques », « chaussettes » et commença à comprendre de quoi il retournait. Les enfants qualifiés de « pas sages » risquaient de faire la tête le matin de Noël.

— Nous avons également pensé à de petits présents pour remercier leurs parents de les éduquer si bien : instruments de musique, coffret musical La Reine des neiges, fausse araignée télécommandée, poupée qui pleure, et mon préféré… le Furby qui n’arrête jamais de parler.

Des étoiles dansèrent dans les yeux de Merry durant cette énumération. Aucun doute possible, elle était très investie dans sa mission.

— Laisse-moi deviner, ce sont tes idées ? soupira Christy.

— Tu me connais trop bien, sœurette. Et vous, alors, vous vous en sortez ?

— À la perfection.

— Mmm… Tu es au courant que tes cernes te trahissent ? Ou alors, c’est ta petite protégée qui te tient éveillée toute la nuit ?

Pour la première fois depuis qu’elle la connaissait, Reine aperçut Christy rougir. C’était très léger, mais suffisant pour lui donner un côté adorable. Malheureusement, cela ne dura pas. La Commandante en cheffe des lutins s’empressa de congédier sa jumelle en la poussant dans le dos jusqu’à la sortie.

— Attends, je ne sais même pas comment s’appelle ma belle-sœur ! Hé, la future mère Noël, on se revoit plus tard, d’accord ?

Elle effectua de grands signes de la main, que Reine reproduisit plus timidement. Une chose était sûre, elle ne risquait pas d’oublier cette rencontre. Une tonne de questions lui brûlait les lèvres. Cependant, elle ne pouvait pas se permettre de les poser à Christy. Pas toutes en même temps, du moins… Après s’être débarrassée de l’importune, son instructrice revint à sa hauteur et lança comme si de rien n’était :

— Je te propose de nous rendre dans mon bureau pour la seconde partie de l’entraînement du jour.

Reine acquiesça, mais ne réussit pas à se retenir bien longtemps de parler. Elles avaient à peine avancé de quelques mètres qu’elle demanda :

— Et sinon… ta sœur travaille pour qui, au juste ?

— L’arrière-arrière-arrière-petite-fille du père Fouettard. Leur famille est implantée en France. À cause de la charge colossale de travail qu’exige chaque Noël, nous avons été obligés de sous-traiter certaines missions à des partenaires.

— Merry a l’air de tenir en haute estime sa patronne…

— Tant qu’elle ne franchit pas la limite, tout va bien.

— Quelle limite ?

— Les relations sur le lieu de travail sont à proscrire. Elles nuisent forcément à la productivité et n’apportent, selon moi, que du négatif.

Cette phrase eut l’effet d’une douche glacée sur Reine. Au moins, les choses étaient claires. Elle avait tout intérêt à se concentrer exclusivement sur sa formation de mère Noël. Le reste était à bannir de son esprit.

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4 Commentaires sur “5 décembre 2024 (Lena Clarke)

  1. Titia dit:

    Oh non il est déjà fini!!!
    Je confirme les petits chiens sont vraiment les pires (mon mollets s’en souvient encore 😮‍💨)
    Bravo léna pour ce chapitre très drôle.
    J’adore j’en veux encore…
    Les journées passent trop lentement pour le coup😌

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